Non-cumul des mandats : François Hollande doit tenir bon, ma tribune dans Le Plus du Nouvel Obs

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Par 
Sénatrice PS

LE PLUS. François Hollande devrait annoncer un calendrier autour d’un projet de loi à propos du non-cumul des mandats lors de ses voeux parlementaires mercredi. C’était un des engagements pendant la campagne. Mais des aménagements pourraient être négociés pour éviter l’instauration d’un mandat unique. Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice socialiste de Paris et ancien ministre, appelle le président à tenir sa promesse.

Édité par Mélissa Bounoua

L'Assemblée nationale, le 18 juillet 2012 (HAMILTON-POOL/SIPA)

L’Assemblée nationale, le 18 juillet 2012 (HAMILTON-POOL/SIPA)

Il est aujourd’hui essentiel qu’à côté des changements économiques et sociaux qui s’imposent, soient engagées des réformes des pratiques politiques et plus profondément de nos institutions. La gauche doit aborder avec audace la question du non-cumul des mandats car la Ve République contribue à la dévitalisation du pays. Le pouvoir présidentiel y est démesuré et le parlement demeure trop largement conçu comme une chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif et bientôt, à en croire certains, des accords des partenaires sociaux, même lorsque ceux-ci ne sont pas majoritaires.

L’un des piliers d’un renouveau démocratique est le renforcement du Parlement. Et, de ce point de vue, le vote du non-cumul des mandats – je plaide pour ma part en faveur du mandat unique – constitue une nécessité absolue.

Renforcer le rôle des parlementaires

Il faut non seulement que le parlement ait plus de pouvoirs mais il convient tout autant que les parlementaires les exercent pleinement, c’est-à-dire à temps plein, quand le cumul des mandats rend leur disponibilité très aléatoire.

La première des exigences est que les parlementaires participent régulièrement aux réunions des commissions et des séances publiques. Ils le font plus qu’on ne le dit, même parfois lorsqu’ils cumulent. Mais renforcer leur rôle suppose aussi que soit déployé un travail d’investigation, de suivi, de contrôle, d’échange avec des acteurs variés  – territoriaux ou nationaux – pour qu’ils soient moins tributaires qu’aujourd’hui de la technocratie, des services et des cabinets ministériels.

Il en va de la qualité de leur travail comme de l’indépendance de leurs arbitrages pour rendre toute sa noblesse à la politique. Je suis pour ma part toujours étonnée de voir comment la Cour des comptes s’érige de plus en plus en censeur des politiques publiques, sortant très souvent de son cadre d’analyse des comptes et de l’usage des fonds pour juger du bienfondé des actions menées ou des choix réalisés, bien au-delà de l’aspect budgétaire.

Le Parlement doit affirmer avec force sa fonction de contrôle et d’évaluation des politiques publiques, faire des propositions pour améliorer le fonctionnement de l’État, des dispositifs législatifs et en assurer le suivi.

Sur le terrain, une autre réalité

Combien de fois l’exécutif annonce-t-il des conséquences favorables à de nouvelles dispositions législatives proposées ? Le Parlement vote mais, sur le terrain et dans les faits, la réalité est toute autre.

Au mieux, les Français et les élus protestent mais rien ne bouge, ou alors si lentement. Les parlementaires doivent être comptables de l’efficacité législative qui est hélas bien en défaut dans notre pays, où la complexité, le chevauchement, l’inadaptation des dispositifs et des moyens dégagés forment un maquis de textes suscitant l’incompréhension citoyenne et, au bout du compte, des finalités peu atteintes voire oubliées.

Alors oui, la France a besoin d’un profond renouveau parlementaire avec des députés et des sénateurs qui représenteront mieux leur pays, leurs électeurs et leurs territoires en ce qu’ils se consacreront à plein temps à leur mandat et s’empareront totalement de leurs missions qu’il convient d’élargir tant dans les faits que dans les textes. Le non-cumul des mandats est d’autant plus urgent qu’il diversifiera les élus tant locaux que nationaux, accélérera l’accès des femmes aux responsabilités et la mise en œuvre de la parité.

Deux poids, deux mesures

J’entends souvent dire qu’un député-maire ou un président de conseil général-sénateur assurent par leur situation une meilleure prise en compte de leur territoire dans les textes votés et dans les ministères.

En observant les amendements déposés par les parlementaires, on peut observer que la prise en compte de la spécificité du terrain est toute aussi forte de la part de ceux qui ne cumulent pas que des autres. L’autre argument procède de la meilleure écoute dont bénéficieraient les parlementaires qui cumulent de la part de l’État et des institutions publiques.

Peut-on sérieusement accepter ce qui serait et, il faut bien le dire, est parfois, une attitude de « deux poids, deux mesures » ? Tel n’est pas conforme à l’égalité républicaine que l’on doit promouvoir et défendre sans faille. La décentralisation donne aux collectivités locales des responsabilités accrues qui prendront de plus en plus de temps aux élus qui doivent enfin avoir un statut digne de ce nom.

La crise qui s’ancre dans notre pays comme dans toute l’Europe depuis maintenant plusieurs années est globale, financière, économique, sociale, géostratégique et politique. À l’évidence, notre démocratie souffre d’une distance accrue entre le peuple, ses représentants et les élites qui dirigent. Le sentiment d’impuissance du politique face à la logique des marchés ou à celle des institutions européennes qui s’exonèrent très souvent de l’arbitrage politique et de la souveraineté populaire consacre ce ressenti.

Alors pour toutes ces raisons, n’hésitons pas : vite, appliquons le non-cumul des mandats !

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