TVA sociale

Réaction aux déclarations faites par François Hollande à la journaliste Françoise Fressoz

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C’est un étonnant exercice de mea culpa. Un droit d’inventaire avant même la fin de son mandat. François Hollande se livre à la confession dans un ouvrage de la journaliste du Monde Françoise Fressoz, « Le stage est fini » (Albin Michel), paru ce mercredi. Le président de la République y admet être allé « trop loin » en supprimant la hausse de TVA qu’avait décidé Nicolas Sarkozy, reconnaît que toutes ses réformes ne sont pas de gauche et qu’il n’a pas renégocié le traité européen à son arrivée.
« Soit il n’a pas réfléchi assez auparavant, soit il est cynique. Dans tous les cas de figure, ce n’est pas à la hauteur d’un homme d’Etat » dénonce la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann, responsable de l’aile gauche du parti. « Il disqualifie la gauche et la politique » affirme-t-elle, ajoutant que « sur le cœur de son action, François Hollande n’est pas de gauche ». Entretien.

François Vignal – Publicsenat.fr – Le 02.09.2015 à 14:19

François Hollande affirme avoir « engagé des réformes qui ne sont pas toutes de gauche mais qui servent l’intérêt général ». Comment recevez-vous ses propos ?
Je ne peux pas accepter ce genre de cynisme qui vise à dire que les réformes sont pour une seule partie du pays. Les reformes de gauche que la gauche propose sont pour l’intérêt général du pays, pour que les plus faibles et la classe moyenne retrouvent un emploi. Les reformes de gauche n’ont jamais été conçues autrement. J’espère que quand il était candidat, il avait comme fil rouge cet idée de l’intérêt général. Cette contradiction qu’il semble entretenir entre le principe des réformes de gauche et l’intérêt général me paraît mortifère. Ça semble faire croire que la bonne ligne sur le terrain économique était celle de Nicolas Sarkozy, puisqu’il dit qu’il aurait dû maintenir l’augmentation de la TVA. J’ai des piles de tracts qui expliquent pourquoi il ne fallait pas augmenter la TVA, c’était absurde économiquement. Il y a des discours de François Hollande où il dit que c’est une mauvaise stratégie. Et aujourd’hui, il dit qu’il regrette. Tout ça est extrêmement dangereux. Il disqualifie la gauche et la politique. Ça fait déjà un moment qu’il explique qu’il avait gagné car les gens ne voulaient plus de Nicolas Sarkozy. Il oublie que l’écart n’était pas si grand que ça et qu’une dynamique s’est mise en place à gauche.

Il reconnaît pour la première fois et assume de ne pas avoir renégocié le Traité européen après son élection, contrairement à ce qu’il avait dit. Etes-vous surprise de cet excès de franchise ?
Je vois qu’il reprend les arguments que nous donnait la droite pendant la campagne : « Ce n’est pas faisable, vous n’obtiendrez rien ». Soit il n’a pas réfléchi assez auparavant, soit il est cynique. Dans tous les cas de figure, ce n’est pas à la hauteur d’un homme d’Etat. C’est dramatique de dire des choses comme ça. Il fallait le dire clairement aux Français dans ce cas. Il disait qu’il aurait un rapport de force par rapport à Angela Merkel quand il serait élu… C’est affligeant. C’est aussi une des raisons pour laquelle dès le début j’ai eu l’intuition qu’il avait ça en tête. Nous nous sommes opposés avec force à cette acceptation du traité.

Pensez-vous qu’il a menti pour être élu ?
Je n’en sais rien. Je ne peux pas raisonner comme lui. La dynamique de la démocratie, c’est de prendre des engagements qu’on sait tenables, qu’on a préparé. Evidemment, les circonstances peuvent vous obliger à des atténuations.

François Hollande affirme avoir payé la suppression de la hausse de la TVA décidée par Nicolas Sarkozy et les 11 milliards d’euros de hausses d’impôts qui ont suivi. Vous partagez cette analyse ?
Il y a deux sujets qu’il confond. On s’est mobilisé contre la TVA dite sociale. Il fait une pirouette en disant que ça n’aurait pas servi à baisser les cotisations, mais on il a fait cette baisse de cotisations. Laurent Fabius, lors des législatives de 2002, a attaqué sur la TVA sociale. Ce n’est pas nouveau. Manuel Valls s’est présenté aux primaires là-dessus et il a fait 5%. La TVA sociale est une absurdité. On avait une autre stratégie : la convergence de l’impôt sur le revenu et de la CSG pour faire un grand impôt sur le revenu progressif pour redonner de la justice sociale à notre système. Franchement, il se faisait le champion de cette réforme fiscale.

Deuxièmement, sa politique fiscale est très nette. Il a ponctionné massivement les ménages pour donner massivement de l’argent aux entreprises, même celles qui ne sont pas confrontées à la concurrence mondiale. Ce  sont des allègements aveugles, non-ciblés, sans contreparties. C’est ça qui a rendu nécessaire une ponction fiscale massive. C’est un choix stratégique et une aberration. Il fait une politique libérale générale.

Il attaque aussi Nicolas Sarkozy, l’accusant d’être le moins rassembleur, et fait par ce livre un droit d’inventaire de son début de quinquennat. Est-ce une manière de préparer sa future campagne de 2017 ?
Ce sont des petits coups tactiques sur Nicolas Sarkozy. Et je ne vois pas en quoi c’est un atout de dire « je me suis trompé et les thèses de mes adversaires étaient les bonnes ». S’il s’est trompé une fois, pourquoi pas une deuxième ? S’il n’a pas vu venir les problèmes, pourquoi demain ? Diriger, c’est prévoir. Ça ne donne pas une bonne image de sa capacité à diriger. Je ne trouve pas que c’est un atout ou alors c’est la vieille théorie de la triangulation qui ne marche plus dans aucun pays : faire croire qu’on fait la politique du camp adverse. On aura des voix de droite, mais c’est infime par rapport à celle  qu’on perd à gauche. Puis ça donne une image effrayante de la politique et des responsables.

Avez-vous le sentiment d’avoir été trompé ?
Oui. J’ai vu hélas les risques qui se profilaient à l’horizon. Après, on me disait que j’étais de mauvaise foi. Puis le titre du livre : « Le stage est fini ». On n’est pas président de la République avec un stage. C’est que déjà, on n’était pas au fait de la mission à prendre. On est prêt quand on est Président.

Vous voulez dire qu’il n’était pas prêt à gouverner ?
Je ne dis pas ça mais lui donne cette impression. Notre programme nous préparait à ça. Mais il y a eu un problème de cohérence entre ce qu’il pensait et le programme. Il était en décalage avec ce qu’il a dit lors du discours du Bourget.

François Hollande est-il un Président de gauche selon vous ?
Non. Lui-même le dit. Tout n’est pas négatif dans l’action du gouvernement. Mais sur le cœur de son action, sur les questions économiques et européennes, il n’est pas de gauche. Il ne donne pas le sentiment d’être un élément stable sur lequel s’appuyer. Il donne une impression flottante et pas du tout cohérente.

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