ELAN

Examen en séance du projet de loi ELAN – mardi 17 juillet 2018

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin

Je suis intervenue à plusieurs reprises dans les débats en séance sur le projet de loi Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dont j’ai décrit les enjeux dans l’article précédent.

Vous retrouverez ci-dessous les vidéos et les compte-rendus analytique de mes interventions du 17 juillet.

Explication de vote sur l’amendement n° 1000 rectifié bis, présenté par MM. Labbé et Dantec ainsi libellé :
Avant l’article 6 A – Insérer un article additionnel ainsi rédigé : « L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé : « …° La lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif de zéro artificialisation nette du territoire d’ici 2025. »
***
« Le groupe socialiste et républicain votera ces amendements, en particulier celui de M. Labbé. Depuis des années, tout le monde dit qu’il faut lutter contre l’artificialisation des sols et plusieurs textes ont abordé le sujet, du Grenelle à la loi ALUR, mais, finalement, le rythme de réduction de l’artificialisation est infime, ce qui ne répond pas aux exigences actuelles.
L’amendement de M. Labbé tend à fixer, non pas une date butoir impérative, mais un objectif de relatif court terme, soit 2025, qui permet de modifier les pratiques. Il me semble vraiment souhaitable de poser, dans ce texte, un cadre indicatif, une ligne de mire, afin que les élus locaux et l’État puissent agir, dans l’ensemble des politiques publiques qu’ils mènent.
Quand on évoque ce type de sujets, on nous rétorque souvent que telle ou telle mesure n’a pas de portée normative et qu’il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi. Et quelques années après, quand les choses n’ont toujours pas progressé, on nous dit qu’il faut se donner des délais et prendre le temps…
Je me félicite que le ministre d’État Nicolas Hulot ait fixé cet objectif, et il nous revient, aujourd’hui, d’accomplir un acte politique fort, en allant dans ce sens. »

Explication de vote sur l’amendement n° 695 rectifié bis, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Lurel, Duran, Tourenne et Lalande et Mmes Conway-Mouret, Monier et Grelet-Certenais, ainsi libellé : Rédiger ainsi cet article : « L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au 7°, après les mots : « à ce changement », sont insérés les mots : « notamment par la résilience des constructions et de l’environnement à ses incidences » ;
2° Il est ajouté un 8° ainsi rédigé : « 8° La promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie dans les zones urbaines et rurales. » »
***
« Mes chers collègues, si chacune et chacun d’entre vous prend le soin de lire l’ensemble du code de l’urbanisme, vous verriez qu’il contient, en de nombreux endroits, plus d’incitations culturelles, disons des bonnes pratiques, que d’éléments normatifs stricto sensu. On peut donc s’interroger : ne faut-il dans ce code que des éléments normatifs, ou doit-on considérer qu’il contribue aussi à modifier culturellement nos pratiques ?
Je le répète, en l’état actuel du droit, le code est plus dans l’incitation à prendre en compte, dans nos réflexions, dans nos documents, un certain nombre de nouveautés. Dans ces nouveaux éléments contemporains, outre l’artificialisation des sols, dont j’ai parlé tout à l’heure, on trouve la résilience des bâtiments, qui est essentielle. On va assister à l’avenir à catastrophes naturelles entraînant des mutations du bâti, qui méritent d’être pensées avec beaucoup plus d’anticipation que jusqu’à présent !
Je puis comprendre les arguments sur le caractère normatif ou non, mais, dans ce cas, je suis à peu près sûre qu’un tiers du code de l’urbanisme peut disparaître. En tout cas, il faut soutenir l’évolution culturelle liée à la résilience en votant cet amendement. »

Explication de vote sur les amendements des groupes de gauche à l’article 6.
***
« Je défends âprement le retour à l’adverbe « essentiellement » pour la construction de logement.
L’administration et les juges, s’ils sont sollicités, placent la barre de la mixité autour de 75 % de logements, les 25 % restants pouvant servir, en particulier, à du commerce de proximité. Pour moi, une opération où plus de 50 % ne porte pas sur du logement ne répond pas aux critères de la mixité ! On arrive là à des contingents de commerces très significatifs, ou alors à des zones de bureaux, mais on ne voit jamais cela, sauf dans les zones très denses. Or c’est dans celles-ci que l’on manque justement de foncier pour faire du logement.
Je me souviens du débat sur le budget de la défense nationale. Certains de nos collègues, se fondant sur des exemples parisiens, trouvaient inadmissible l’application de la décote sur des ventes de terrains publics, qui n’avaient pas été utilisés pour du logement, au bénéfice, en particulier, des militaires, lesquels avaient du mal à se loger à Paris.
Soit on est dans des zones où il y a effectivement une pression pour des commerces et des bureaux, et il faut impérativement que le foncier disponible de l’État aille au logement, avec une décote calculée par rapport aux logements sociaux, comme l’a dit Mme la rapporteur. Soit tel n’est pas le cas, et, de toute façon, les choses se passent autrement, sans qu’il soit besoin de recourir à ce mécanisme.
Dans ces zones, s’il y a une occasion de faire une usine ou des commerces, on n’entre pas dans le cadre des PPA, les projets partenariaux d’aménagement, fixés par l’État, et on donne aux aménageurs des opportunités financières plus favorables à leurs activités qu’à la réalisation d’opérations d’intérêt public. »

Explication de vote de Xavier Iacovelli, sénateur PS des Hauts-de-Seine, et Marie-Noëlle Lienemann, Vice Présidente du Sénat et sénatrice socialiste de Partis, sur l’amendement n°777 du gouvernement (à l’article 7) qui modifie la foncière solidaire.
– M. Xavier Iacovelli. « La FPS a vocation à alléger le coût du foncier et à apporter un soutien aux collectivités locales. L’État peut céder des terrains relevant de son domaine privé à la Foncière solidaire s’ils sont destinés à la réalisation de programmes dont la majorité est constituée de logements sociaux.
L’amendement du Gouvernement tend à supprimer cette obligation. C’est revenir complètement sur l’esprit initial ayant présidé à la création de cette structure. Comme Mme la rapporteur, mais pas pour les mêmes raisons, nous voterons donc contre cet amendement. »
– Mme Marie-Noëlle Lienemann. « Madame la rapporteure a raison de dire que le Sénat n’a jamais été vraiment favorable à cette foncière. À titre personnel, cependant, je l’étais. Pourquoi ? L’État a besoin d’argent, pour ses armées, par exemple, et on lui parle de décote : du coup, il freine des quatre fers et on est bloqué.
L’idée originelle, que le président Hollande avait développée lors de l’anniversaire de la Caisse des dépôts me paraissait bonne : on achète, éventuellement par lots globaux auprès de l’armée, après négociation, à un prix proche de celui du marché ; ensuite, soit on applique un système d’aides publiques pour faire du logement social – ceux qui pensent que l’on peut pour cela se passer complètement d’aides publiques se trompent –, soit on recourt à un système de péréquation pour financer la partie la plus déficitaire.
Monsieur le ministre, la FPS n’a été créée qu’en février 2017. Il n’est donc pas étonnant qu’elle n’ait pas encore donné toute sa mesure, d’autant plus qu’entre-temps ont eu lieu pas mal de changements gouvernementaux et d’orientation.
En ce qui me concerne, je reste convaincue que cet outil est utile, surtout s’il reste ciblé majoritairement sur la production de logements, mais, pour le coup, cela oblige à être dans un mécanisme d’achat global.
Vous ne voulez plus de la direction conjointe de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, mais je ne serai pas traumatisée si c’est cette dernière seule qui gère le dispositif. C’est un acteur public qui peut être sensible à l’intérêt général. En revanche, vous avez parlé de crédits qui pouvaient être disponibles pour de l’usufruit. Je voudrais être sûre que l’on n’entre pas dans des mécanismes qui ne seraient pas conformes à la tradition du logement social français. Qu’entendez-vous par usufruit ?« 

Explication de vote sur l’amendement n°134 à l’article 8 déposé par Mme Cuckiermann (CRCE) pour lutter contre la spéculation foncière.
« Nous débattions tout à l’heure du choc de l’offre. Accroître les capacités de construction est une nécessité pour loger nos concitoyens, mais aussi pour répondre au fait que nous dépensons une part toujours croissante de notre pouvoir d’achat pour nous loger. En effet, la France compte parmi les pays où les dépenses de logement sont les plus élevées.
Il faut examiner les raisons de ce surcoût lié au logement, aux charges et à la consommation énergétique. Quant au prix du logement lui-même, nous allons débattre des mesures à prendre ; il faut construire moins cher, pour essayer de mieux répondre à cette exigence.
Il n’en reste pas moins que l’essentiel des évolutions de coût, depuis une trentaine d’années, correspondent à l’évolution du coût du foncier. Dans notre pays, les prix du foncier ne sont pas régulés, ce qui conduit à des spéculations. C’est pourquoi il est impossible, dans certains secteurs, de réaliser des logements à des prix abordables. Même dans des endroits moins recherchés, on rencontre des difficultés ; le décalage entre le foncier et le prix de sortie des logements est déterminant.
Les outils de régulation du foncier manquent depuis que l’on ne dispose plus des grandes réserves foncières que l’État avait constituées, notamment lors de la construction des villes nouvelles. On ne dispose d’ailleurs plus de fonds dédiés à la réserve foncière. Certes, les établissements publics fonciers existent, mais on voit bien que leur capacité à intervenir dépend de la capacité à libérer du foncier.
Le mécanisme proposé au travers de l’amendement n° 134 donnerait aux collectivités locales la possibilité, en cas de spéculation, de constituer des réserves foncières, ce qui est indispensable pour répondre au choc de l’offre.
Je rappelle que cela ne spolie personne. En effet, quand il y a préemption pour la réserve foncière, à l’évidence le juge s’assure que le prix de la préemption correspond au marché – c’est d’ailleurs l’un des autres débats que l’on pourrait avoir sur l’administration des domaines –, ce qui, pour l’heure, protège correctement le propriétaire.« 

L’amendement n° 738 rectifié ter à l’article 8, présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne et Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Jacquin, Féraud et Kerrouche et Mme de la Gontrie, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé : « … – Le I de l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas d’absence d’acceptation par un des locataires ou occupants de bonne foi des offres de vente mentionnées aux premier et troisième alinéas, le bailleur communique sans délai au maire de la commune sur le territoire de laquelle est situé l’immeuble le prix et les conditions de la vente de l’ensemble des locaux pour lesquels il n’y a pas eu acceptation de ces offres de vente. À défaut, toute vente à un autre acquéreur est réputée nulle.

« La commune dispose alors d’un délai de deux mois à compter de cette notification pour décider d’acquérir le ou les logements au prix déclaré ou proposer de les acquérir à un prix inférieur, dans l’objectif de garantir le maintien dans les lieux des locataires, et, à cette fin, de céder ou confier en gestion les logements concernés à un organisme d’habitations à loyer modéré, ou à une société d’économie mixte gérant des logements sociaux. À défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, notamment de l’indemnité de réemploi. Le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation. En cas d’acquisition, la commune règle le prix au plus tard six mois après sa décision d’acquérir le bien au prix demandé, la décision définitive de la juridiction ou la date de l’acte ou du jugement d’adjudication. En l’absence de paiement ou, s’il y a obstacle au paiement, de consignation de la somme due à l’expiration du délai de six mois prévu au présent alinéa, le propriétaire reprend la libre disposition de son bien. » »

« Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement a pour objet un dispositif de préemption que l’on pourrait presque appeler « postemption ». Un tel dispositif avait été adopté au sein de la loi ALUR, afin de combattre les congés pour vente ou, du moins, d’éviter que ces congés et les ventes à la découpe forcent certains de nos concitoyens aux faibles ressources à quitter leur logement dans des conditions délicates.

Le premier principe de ce dispositif est de permettre aux communes d’être informées quand il y a vente à la découpe ou congé pour vente et que les locataires ne peuvent pas accepter la vente du logement qui est ainsi mis sur le marché. Ensuite, dans le cas où il serait nécessaire d’assurer le maintien de ces familles dans leur logement, la commune pourrait préempter les lieux avant même que ne s’ouvre le mécanisme de la vente ouverte.

Ce dispositif avait été adopté par l’Assemblée nationale, mais le Conseil constitutionnel l’a retoqué, non pas sur son principe général, mais parce que le motif de cette « postemption » n’était pas explicitement défini.

C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous reprenons ce mécanisme tout en le réécrivant très clairement pour préciser que seul le maintien dans ce logement d’un locataire, notamment si ses ressources sont faibles, peut justifier la « postemption ». Cela ne tue pas le congé pour vente, cela ne spolie personne, cela permet simplement de garantir le maintien des locataires dans ces cas de vente à la découpe qui ont parfois fait bien des ravages.

J’estime donc que la formulation du présent amendement répond aux injonctions du Conseil constitutionnel, tout en reprenant une idée qui est importante, puisque l’on sait que, dans certains cas, ces congés pour vente déstabilisent considérablement des locataires fragiles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteure. Ma chère collègue, vous avez fait référence à la décision du Conseil constitutionnel du 9 janvier 2018.

Force est de constater que votre amendement tend à restaurer des dispositions très similaires à celles qui ont été déclarées inconstitutionnelles. Votre rédaction modifie simplement la formulation relative à l’objectif de garantie du maintien dans les lieux des locataires et à la cession ou gestion des logements par les organismes HLM.

Cette rédaction reste insatisfaisante, car elle ne corrige pas les griefs d’inconstitutionnalité.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. À la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité sur laquelle il a rendu un avis en 2017, le Conseil constitutionnel a pointé deux difficultés.

D’une part, l’article incriminé ne restreignait pas l’usage que la commune était susceptible de faire du bien, car il n’imposait aucune obligation de maintenir le propriétaire dans les lieux. Il est vrai, madame la sénatrice, que l’amendement que vous proposez vise à corriger cette disposition.

D’autre part, comme l’a souligné Mme le rapporteur, l’exercice de ce droit imposait aux propriétaires des sujétions fortes. Le Conseil constitutionnel a considéré que le délai de reprise de la libre disposition du bien fixé à six mois constituait une atteinte trop forte au droit de propriété. Or l’objet de cet amendement n’y apporte pas de réponse.

C’est pourquoi, du fait du risque d’inconstitutionnalité, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne crois pas que la seconde difficulté que vous mentionnez ne soit pas corrigée : en fait, le délai de six mois correspond au délai accordé à la commune pour payer le prix du bien.

Toutefois, je pourrais rectifier cet amendement pour le rendre encore plus crédible et prévoir un délai plus long – un an, et non plus six mois…

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteure. Dans un tel cas de figure, la commission émettrait toujours un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je suis très gêné : le Conseil constitutionnel a jugé ce délai de six mois déjà trop long ! Par conséquent, le porter à un an n’est pas envisageable. Faut-il prévoir deux mois, trois mois ?

Il paraît très compliqué d’émettre un avis favorable sur cet amendement. Il faut retravailler ce point au cours de la navette parlementaire. On ne peut pas répondre à une question prioritaire de constitutionnalité par un amendement rectifié en séance.

M. le président. Madame Lienemann, rectifiez-vous l’amendement n° 738 rectifié ter ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je comprends bien les réserves qui sont émises. C’est bien la preuve que ce sujet est très important.

Lorsque des congés pour vente sont donnés, de nombreux locataires ne peuvent pas rester dans les lieux ; or les collectivités sont prêtes à les y maintenir sans « tuer » pour autant le congé pour vente.

C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement dans sa rédaction initiale, qui tend à fixer un délai de six mois. J’appelle à son adoption, pour que, en commission mixte paritaire, on puisse ajuster le délai si ce point apparaît véritablement majeur pour le Conseil constitutionnel. Je reste néanmoins convaincue, après une lecture attentive de l’avis qu’il a émis, que ce n’est pas là l’essentiel. »

Explication de vote sur les amendement n° 139 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et n° 613 est présenté par MM. Jomier et Iacovelli, Mme Guillemot, MM. Daunis et Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey et Lienemann, MM. Lurel, P. Joly et Kerrouche, Mmes Lubin, Monier et S. Robert, MM. Roger et Sueur, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ils traitent de l’occupation temporaire de bâtiments publics vacants.
« Je ne suis pas du tout d’accord avec l’idée selon laquelle cette commission serait une lourdeur supplémentaire. Le Haut Conseil pour le logement des personnes défavorisées rassemble des gens d’horizons extrêmement variés, qui se sont tous mis d’accord sur cette proposition.
Par expérience, je peux vous dire que certains locaux vides appartenant à la puissance publique en général – un peu moins souvent aux collectivités locales – qui sont censés être intercalaires sont intercalaires longtemps ! Je me souviens ainsi que, sous Jacques Chirac, l’administration avait refusé de céder des locaux qu’elle disait vouloir utiliser l’année suivante, et que ces mêmes locaux étaient toujours vides quelques années plus tard, lorsque je suis redevenue ministre !
Une commission aurait l’avantage d’effectuer un travail dans la durée. Elle pourrait recenser les biens intercalaires, répertorier ceux qui sont inutilisés par la puissance publique et pourraient être mobilisés. Tant de gens dorment dehors… Cette commission ne réduirait en rien l’agilité du Gouvernement. Elle serait au contraire un outil supplémentaire destiné à permettre l’utilisation de locaux publics inoccupés. » (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

à l’art. 11 :

  • L’amendement n° 144 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
  • L’amendement n° 728 rectifié ter est présenté par Mme Lienemann, MM. Iacovelli et Féraud, Mme Préville, M. Cabanel, Mme G. Jourda, M. Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Jacquin et Kerrouche.

Ces deux amendements portent sur l’extension du droit de réquisition pour l’hébergement d’urgence et sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le 2° de l’article L. 642-10, le 2° de l’article L. 642-11 et l’article L. 642-12 sont abrogés ;

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je trouve très positive l’extension du droit de réquisition pour l’hébergement d’urgence. C’était nécessaire et ce sera tout à fait utile. Comme l’a dit mon collègue Fabien Gay, s’agissant d’une réquisition pour du logement stable, la procédure a été contournée par les personnes morales grâce à une mécanique simple : faire croire qu’elles vont faire des travaux puis mettre le logement en location. Les trois quarts du temps, lorsque pareille démarche a été engagée, c’est cet argumentaire qui a été donné. Petit à petit, les pouvoirs publics renoncent à réquisitionner, même s’il est constaté ultérieurement que rien n’a été fait ni en termes de travaux ni en termes de mise en location.
Cela pose déjà problème dans le cadre d’une réquisition normale. S’agissant de l’hébergement d’urgence, il faut au moins abroger ces dispositifs, sachant que, de toute façon, s’il y a réellement engagement de travaux et de mise en location, il est clair que les locaux doivent être restaurés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteure. L’avis sera défavorable. La réquisition n’est justifiée que par la vacance prolongée des locaux, lorsque celle-ci résulte du refus du propriétaire d’y mettre fin. Adopter ces amendements reviendrait, là aussi, à porter une atteinte trop importante au droit de propriété. Il est normal que le propriétaire puisse résoudre la situation soit en trouvant un usage aux locaux sous trois mois, soit en engageant les travaux nécessaires au changement d’usage. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. L’intention première de la réquisition, c’est bien le retour sur le marché locatif du logement. Aussi, il ne nous paraît pas opportun, dans l’immédiat, d’empêcher le propriétaire de réaliser les travaux nécessaires à ce retour sur le marché. Le propriétaire pouvant être légitime dans sa démarche, il semblerait tout de même curieux de l’en empêcher. Je remercie Mme Lienemann et M. Gontard d’avoir noté au passage que, dans ce domaine, le texte va très clairement plus loin que ce qui avait été fait jusqu’à présent. Là aussi, il faut rester dans un juste équilibre.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Jamais un propriétaire désireux de faire réellement des travaux n’a été réquisitionné. Jamais la loi de réquisition n’est appliquée, pour la simple raison simple qu’elle est contournée : lorsque les travaux ne sont pas réalisés au bout des trois mois requis, il faut reprendre l’ensemble des procédures.

De mon point de vue, il ne s’agit absolument pas de bloquer la remise en location, d’autant que, dans quelques cas, la menace de la réquisition l’a effectivement permise, même s’il est rare que des travaux aient été réalisés après. La plupart du temps, le logement est vendu à un organisme d HLM, le propriétaire préférant vendre plutôt que d’être confronté à la réquisition, ce qui n’est d’ailleurs pas plus mal.

Franchement, monsieur le ministre, le côté positif de votre démarche risque de ne pas pouvoir se mettre en œuvre au regard de ce que je vous décris et de ce qui se produit quasi systématiquement. Les personnes morales en question connaissent parfaitement la manière de contourner les exigences qui sont celles de l’intérêt public.

à l’article 11, sur la question des résidents temporaires, L’amendement n° 730 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, M. Iacovelli, Mme Préville, M. Cabanel, Mme G. Jourda, M. Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Jacquin et Kerrouche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé : « … – L’article 101 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est abrogé à compter du 1er janvier 2019. »
« Cet amendement concerne le fameux statut de résident temporaire, dont vous nous avez dit qu’il était positif, car il permettait de répondre à un certain nombre de situations.
Le dispositif est le suivant : un intermédiaire, en général une société privée, organise le gardiennage d’immeubles vacants, en échange d’une rémunération du propriétaire. Puis, dans une partie des locaux, il installe des résidents temporaires qui devront aussi s’acquitter d’une participation financière, mais également surveiller les lieux.
Le résident devra respecter un règlement intérieur draconien. Par exemple, il lui est interdit de recevoir des amis, il doit laisser l’organisme inspecter son espace privé à tout moment, rentrer et quitter les lieux à une certaine heure, et ne pas s’absenter plusieurs jours sans l’autorisation de cette société…
Les résultats de l’expérimentation ont été d’autant moins concluants que les personnes installées dans ces locaux ne peuvent en faire leur résidence principale. Le dispositif ne vise donc pas, en principe, les personnes en difficulté.
De plus, il s’agit d’une forme de travail dissimulé, dans la mesure où est mise en place une forme de concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises de gardiennage.
Il n’y a donc pas lieu de maintenir cette expérimentation à but lucratif, au bénéfice d’une société bien connue qui est aussi auteur de ce dispositif.
Je ne vois pas l’intérêt de poursuivre cette opération qui ne concerne pas l’hébergement des personnes sans-abri, lesquelles sont considérées par la société en question comme insuffisamment sociabilisés pour être logés. »

A l’article 11 bis, l’amendement n° 729 rectifié quater, présenté par Mme Lienemann, MM. Iacovelli et Féraud, Mme Préville, M. Cabanel, Mme G. Jourda, M. Duran, Mme Meunier, M. Tissot, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Jacquin et Kerrouche, est ainsi libellé :
Cet amendement vise à renforcer l’efficacité du droit de réquisition. Il a été adopté.
Rédiger ainsi cet article :
« Le chapitre Ier du titre IV du livre VI du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié
1° Le premier alinéa de l’article L. 641-1 est ainsi rédigé :
« Après avis du maire, le représentant de l’État dans le département peut procéder, par voie de réquisition, pour une durée maximum d’un an renouvelable, à la prise de possession partielle ou totale des locaux vacants, en vue de les attribuer aux personnes mentionnées à l’article L. 641-2. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 641-3, les mots : « au service municipal du logement » sont remplacés par les mots : « auprès du représentant de l’État dans le département » ;
3° À l’article L. 641-5, les mots : « service municipal du logement » sont remplacés par les mots : « représentant de l’État dans le département » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 641-7 est ainsi rédigé :
« Le montant des indemnités est fixé selon les modalités définies à l’article L. 642-23. »

Mme Marie-Noëlle Lienemann. En France, il y a en réalité deux droits de réquisition. L’un est issu de l’ordonnance du 11 octobre 1945, l’autre est un régime de réquisition avec attributaire prévu par la loi du 29 juillet 1998.

L’ordonnance de 1945 prévoit une procédure qui permet, dans les situations d’urgence, de réquisitionner rapidement des locaux vacants pour une durée d’un an renouvelable cinq fois. Il convient de renforcer l’efficacité de cette procédure, les dispositifs d’organisation des services ayant changé depuis l’époque où l’ordonnance a été prise.

La procédure doit pouvoir être mise en œuvre sans qu’il soit nécessaire de passer par le « service municipal du logement », car celui-ci n’existe plus dans la plupart des collectivités. Il convient donc que les demandes de réquisition doivent soient déposées directement auprès du préfet.

Enfin, l’indemnité doit être calculée selon les dispositions prévues dans la procédure de réquisition avec attributaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteure. La commission admet que les dispositions relatives à la réquisition méritent d’être rénovées. Vous avez ainsi fait référence, ma chère collègue, à la quasi-disparition des services municipaux du logement.

Néanmoins, la mesure que vous proposez touchant à l’organisation des services de l’administration, je souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jacques Mézard, ministre. L’avis est favorable (Mme Françoise Gatel et plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain marquent leur satisfaction.), dans la mesure où cet amendement vise à faire évoluer le dispositif de réquisition qui est issu de l’ordonnance de 1945 en modifiant une rédaction devenue obsolète.

Les articles L. 641 et suivants du code de la construction et de l’habitation relatifs à la réquisition, introduits après-guerre par cette ordonnance, font référence au service municipal du logement, lequel n’existe effectivement plus. Il convient de faire évoluer de manière positive ce texte en l’actualisant. Cette modification clarifie la rédaction et supprime notamment un terme devenu tout à fait obsolète et inopportun.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteure. L’avis est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 729 rectifié quater.

(L’amendement est adopté.)

à l’article 12bis, l’amendement n° 648 rectifié ter, présenté par M. Sueur, Mme S. Robert, MM. Iacovelli et Daunis, Mme Guillemot, M. Kanner, Mme Artigalas, MM. M. Bourquin et Cabanel, Mme Conconne, MM. Courteau, Duran, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Devinaz, Mmes M. Filleul, Grelet-Certenais, Harribey, Lienemann et Jasmin, MM. P. Joly, Jomier et Kerrouche, Mme Lubin, M. Lurel, Mme Monier, M. Roger, Mme Taillé-Polian, M. Temal, Mme Tocqueville, MM. Tourenne et Vaugrenard, Mme Blondin, M. Fichet, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
à l’article 12 bis (supprimé) L’amendement n° 145 est présenté par Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Pour lutter contre l’étalement urbain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le b du 1° de l’article L. 101-2 est complété par les mots : « , la lutte contre l’étalement urbain » ;
2° Au 1° du I de l’article L. 151-7, après le mot : « urbain », sont insérés les mots : « , favoriser la densification ». »
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je l’ai déjà dit précédemment, si on ne laissait dans le code de l’urbanisme que ce qui est prescriptif, il en resterait à peine un tiers… Ce code donne, pour partie, une vision culturelle de notre développement.

En outre, supprimer un article qui, dans le texte issu de l’Assemblée nationale, affirmait, avec l’accord du Gouvernement, qu’il fallait favoriser la lutte contre l’étalement urbain et encourager la densification urbaine n’a pas le même sens que de créer un nouvel article, ici, au Sénat. Cela prend un sens politique de le supprimer, quoi que vous disiez.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ils ne se gênent pas pour supprimer les nôtres !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Par ailleurs, sur l’étalement urbain, certes, on a des textes, mais, pour l’instant, on ne peut pas dire que l’efficacité de nos pratiques soit à la hauteur de l’urgence qu’il y a à régler ce problème.

Par ailleurs, dans les centres-bourgs, s’il n’y a pas une pression qui évite l’étalement urbain,…

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il y en a une !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … ce sera toujours plus facile de faire des lotissements en périphérie – je le dis parce que je suis favorable à l’accession à la propriété –, plutôt que de se contraindre à inventer des réponses en modifiant nos centres-bourgs ou nos centres-villes.

Cet étalement urbain conditionne aussi la crédibilité de la démarche de reconquête des zones qui sont aujourd’hui faiblement urbanisées et qui ont besoin d’être en reconversion.

Le terme de densité fait peur, c’est vrai, parce que « densité » fait penser à « concentration ». Je donne souvent cet exemple, les grands ensembles créés dans les années 1960 ont une densité nettement inférieure à celle de la place des Vosges à Paris. Or chacun a bien conscience que l’urbanisme de la place des Vosges ne traumatise pas considérablement les gens qui y vivent. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Mais c’est la place des Vosges…

M. Michel Canevet. En banlieue, ce n’est pas pareil !

Un sénateur du groupe socialiste et républicain. C’est là que vit Jack Lang !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À lui tout seul, il fait la densité… (Sourires.)

Ces exigences cumulées de densité urbaine et de lutte contre l’étalement urbain imposent que l’on repense notre urbanisme et notre architecture. Il existe des modèles ; les Anglais ont par exemple une tendance à faire de la construction beaucoup plus dense que les Français, avec pourtant un habitat individuel très développé.

M. Charles Revet. C’est vrai !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est donc une question de culture urbaine ou rurale, qu’il est fondamental d’engager. Il ne s’agit pas de prescription absolue mais d’une évolution culturelle indispensable.

LES DERNIERES VIDÉOS

Meurtre de Nahel, violences, inégalités : répondre à l’exaspération de tous les Français ! – question d’actualité au gouvernement, 5 juillet 2023

« Industrie Verte » : aveuglement volontaire sur les marchés publics, les règles européennes et les négociations sociales

Réformer les institutions, pour quoi faire ?