Habitat indigne

Logement insalubre : on pouvait éviter la catastrophe de Marseille

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En octobre 2001, je signais comme secrétaire d’État au logement avec la ville de Marseille et son maire Jean-Claude Gaudin un protocole d’éradication de l’habitat indigne.

Ce protocole fixait un plan très détaillé sur 5 ans.  Il listait toute une série d’opérations de résorption de l’insalubrité (le quartier Noailles y était explicitement cité), prévoyait des financements pour la première tranche, mais aussi une méthode et des outils de suivi et d’évaluation.

Cela fait 17 ans et une très large partie de ce plan n’a pas été mis en œuvre et la volonté politique de l’époque n’a pas été poursuivie.  D’autant que l’année suivante, la droite gagnait la présidentielle et je n’étais plus au gouvernement.

Ce protocole signé à Marseille s’inscrivait dans un plan national d’éradication de l’Habitat indigne qui a fait l’objet d’accords similaires avec de nombreuses collectivités locales. Ce fut le cas avec la ville de Paris – et son maire Bertrand Delanoë –, qui, elle, a atteint les objectifs qui y étaient inscrits. Il faut dire que la municipalité de Paris avait confié à un outil spécifique la SIEMP la mise en œuvre de ce plan, qui a pu acheter et exproprier les immeubles recensés. Si l’État avait dégagé des sommes significatives, le budget de la ville a été fortement sollicité, ce qui a permis le succès.

Je ne me résous pas à cette impuissance coupable de l’état et des collectivités locales. C’était déjà la raison pour laquelle tout de suite après ma nomination au ministère du logement, j’ai fait de cette résorption de l’habitat indigne, du combat contre les marchands de sommeil, de l’obligation de règle de décence une priorité. Déjà je fulminais contre les retards accumulés et ai engagé ce plan avec un grand volontarisme.

En 2015, un rapport est réalisé par M Christian Nicol témoigne d’une situation qui demeure alarmante.

17 ans après le protocole de 2001 on en est presqu’au même point parce depuis certains immeubles se sont encore dégradés.

Je ne suis pas en mesure de comprendre qui est responsable de la non-réalisation des engagements de ce protocole, ni des raisons de l’enlisement à Marseille.

Mais une chose est certaine : notre pays ne s’est pas donner les moyens de régler sérieusement ces problèmes pour éviter que des drames comparables se reproduisent.

L’Etat est très désorganisé sur les territoires en particulier dans le domaine de l’habitat ou du logement où de nombreux postes ont été supprimés. Ces services ne sont pas suffisamment organisés autour d’objectifs concrets. L’éradication de l’habitat insalubre devrait être à l’évidence une mission prioritaire, organisée soit au niveau du département soit de la région selon les situations. Cette mission permettrait d’avoir une claire connaissance de la situation, de son évolution, du suivi de la résorption et de plans précis d’action. Bien sûr ce travail doit être engagé avec les collectivités locales, mais l’Etat doit être garant des objectifs atteints et les suivre dans le temps.

L’annualité budgétaire empêche une planification garantie dans la durée. Ainsi chaque année, il faut reprendre la discussion sur les moyens effectivement mobilisables, ça traine en longueur. Il faut monter, voir remonter des dossiers. Les retards s’accumulent, les enveloppes se réduisent alors que les couts augmentent. Ça ne peut plus durer. Il est temps de réinventer une planification efficace, crédible.

Les collectivités locales ont des moyens humains, techniques et financiers très différents et inégaux. Or les sommes nécessaires pour ces opérations de démolition ou de rénovation sont très couteuses. Souvent elles supposent des expropriations. Il faut aussi reloger les habitants donc produire des logements sociaux supplémentaires, en prenant garde de ne pas organiser le départ des centres urbains, les foyers les plus modestes.  Il convient donc que l’Etat s’assure des capacités de faire de ces collectivités et adapte ses soutiens en fonction de ces situations et ne pas faire comme si ! car autant il arrive que l’Etat ne dégage pas les crédits prévus – et très souvent- autant il arrive aussi que les communes n’aient pas les ressources complémentaires indispensables. Et dans ce cas, elles devraient pouvoir être mise cause en cas de défaillance et l’Etat serait alors dans l’obligation d’agir en lieu et place et en facturant à la collectivité l’action ainsi engagée.  En tout cas, les collectivités concernées devraient être obligées d’avoir un service dédié qui agit en permanence, en particulier pour repérer les nouveaux logements insalubres et ne pas les laisser s’installer dans cette dégradation.

Enfin chacun s’accorde à dénoncer la lenteur des procédures, de la déclaration d’insalubrité aux expropriations avec un dédale d’autres démarches. A chaque nouvelle loi sur le logement, des dispositions supplémentaires sont votées et chaque fois, elles sont censées régler les problèmes. Et puis NON. En réalité, le nœud de ces complexité et lenteurs juridiques est le sacro-saint droit de propriété. Un droit constitutionnel. En face, les autres motifs qui devrait pouvoir le limiter sont l’intérêt général mais surtout le droit au logement. Or le droit au logement a valeur constitutionnelle mais c’est moins fort qu’un droit constitutionnel comme celui de la propriété et amène à des jugements qui favorisent toujours ce dernier.

C’est pourquoi je crois indispensable d’inscrire le droit au logement dans la constitution et développer un arsenal juridique permettant d’agir très  vite en cas d’insalubrité.

https://www.centrevillepourtous.asso.fr/IMG/pdf/doc-18.pdf

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