Un étrange débat… Emmanuel Macron ressort les vielles ficelles des pouvoirs en difficulté qui n’arrivent pas à conjurer les problèmes économiques et sociaux : il croit pouvoir retrouver du crédit en ressortant la question de l´immigration. Il cède ainsi à une sorte de buissonnisation* de la politique qui n’a permis ni la réélection de Nicolas Sarkozy, ni le recul de l’extrême droite et de Marine Le Pen.
*La buissonnisation consiste à reprendre les analyses réactionnaires et xénophobes de Patrick Buisson, ex conseiller du président Sarkozy, dans l’objectif fantasmé de réduire l’influence électorale du Front national. Ici cette buissonnisation sert à installer le duel/duo RN-LREM.
Certes, parler de la question migratoire n’a rien d’inacceptable en soi, mais on remarquera que bien d’autres sujets préoccupent les Français comme le pouvoir d’achat, la santé, les services publics et bien d’autres enjeux, notamment le changement climatique. En réalité, rien ne nécessite de se focaliser sur l’immigration.
Un débat sans évaluation, sans propositions d’action et sans vote
Depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, une loi « asile-immigration » a déjà été votée au milieu de l’été 2018 (le débat parlementaire du printemps 2018 ayant été largement consacré à ce projet de loi). C’est tout récent ; or aucune évaluation des lois répétitives qui traitent de ces enjeux n’a été réalisée. Plutôt que se lancer dans un énième débat, il eut mieux valu travailler à cette évaluation.
De surcroît, aucune proposition de nouvelles d’actions n’a été clairement mise sur la table ces 7 et 9 octobre par le gouvernement pour recueillir l’avis du Parlement. À supposer que le gouvernement soit à court d’idées, il pouvait fort bien nommer des parlementaires en mission ou suggérer une mission d’information à l’Assemblée Nationale. Rien de tout cela.
Cela en dit d’ailleurs long sur la politique d’Emmanuel Macron : causer, causer. Mais agir est une autre affaire. Le discours récurrent de l’incurie dénoncée de ses prédécesseurs sert de prétexte à une autosatisfaction contredite par une réalité qui demeure souvent très alarmante et même parfois s’aggrave. Je pense en particulier à ces conditions indignes de vie de personnes et de familles dans des campements.
Des propos inquiétants du président de la République
Toujours les mêmes mots, les mêmes postures… enfin pas tout à fait, car ses mots trahissent gravement le coup politique recherché avec la reprise d’une phraséologie de l’extrême droite : ainsi la France « en prétendant être humaniste, [serait] parfois trop laxiste » sur l’immigration. Emmanuel Macron, sait très bien qu’il conforte les thèses de Marine Le Pen de cette manière. Se rend-t-il seulement compte qu’il sape ainsi la confiance que les Français pourraient avoir en lui – il disait avant son élection l’inverse d’aujourd’hui et semble découvrir ce prétendu laxisme, laissant donc penser au passage qu’il aurait ignoré la situation – réelle ou supposée – du pays.
Tout aussi inquiétant, c’est l’étrange raisonnement de la porte-parole du gouvernement qui a ressorti un lieu commun éculé depuis des lustres, largement diffusé par la droite et l’extrême droite : ce serait donc notre système de protection sociale, si supposément généreux à leur endroit, qui créerait l’afflux d’étrangers en France ! Elle croit pouvoir prendre appui sur l’augmentation actuelle du nombre de demandeurs d’asile, du fait de la diminution des demandes dans de nombreux autres pays européens qui avaient jusqu’ici bien plus accueilli que notre pays. D’une part, quand l’afflux concernait la Grande Bretagne et surtout l’Allemagne, notre système social était déjà là et similaire ! Il n’est donc en rien la cause de la progression actuelle. Le décalage vient pour une large part, justement des refus des autres pays : un tiers des demandeurs ont été déboutés dans un autre pays de l’Union Européenne. Alors, ils tentent leur chance chez nous. La réalité est que lorsque l’on fuit la guerre, la violence, la misère, les vendettas, les mafias, on tente tout ! Cela ne veut pas dire que la France doit les reconnaître tous comme demandeurs d’asile.
Cette thèse de l’appel d’air est non seulement une erreur de diagnostic mais aussi un grave manquement à notre identité républicaine et humaniste : ce n’est pas la « qualité » de l’accueil des migrants en France qui crée les migrations et l’arrivée des immigrés dans notre pays.
En tout cas, une chose est certaine la France, patrie des Droits de l’Homme, ne peut continuer à laisser tant d’hommes, de femmes et d’enfants dans des conditions de vie indigne : il faut agir, mobiliser les moyens et les consciences. Rien n’est proposé pour y parvenir et rendre la France inhospitalière entame gravement sa grandeur à l’extérieur comme son pacte républicain à l’intérieur.
On débat beaucoup, on agit peu. Le gouvernement ne se donne pas les moyens de mettre en œuvre les actions indispensables
À chaque débat, les mêmes thèmes reviennent ; certains points peuvent même parfois recueillir un large accord… mais leur mise en œuvre ne suit pas. Alors mieux vaudrait remédier à cela, notamment lors des choix budgétaires.
Nombreux sont nos concitoyens qui sont las d’entendre qu’il faut que l’OFPRA délibère plus vite. On nous dit que des postes ont été créés et qu’il y a des progrès… tant mieux ! Mais plutôt que des paroles, il faut des moyens pour atteindre des délais courts.
On ne cesse de parler le l’apprentissage du français par ceux qui arrivent sur notre territoire mais on ne s’en donne pas les moyens. Il faudrait que ce soit automatique et réel.
Des réfugiés qui son reconnus comme bénéficiant du droit d’asile n’ont pas de place en hébergement et ne peuvent être logés dans un logement stable et digne. On en retrouve même dans les campements comme sur le Boulevard de La Villette. Il est urgent de dégager des moyens pour la réalisation de places en CADA (Commission d’accès aux documents administratifs), en hébergement d’accueil et en logement pérennes.
Chacun s’accorde à juger indispensable que les contrats d’intégration républicaine soient systématiques, donc plus nombreux…
La liste serait longue…
L’Europe est toujours en panne. Tout ce que je viens de décrire c’est sans compter l’incapacité de l’Union Européenne de traiter de façon solidaire l’accueil des demandeurs d’asile. La renégociation des Accords de Dublin traîne, les blocages continuent. Pour les dépasser, pourquoi la France ne prend-t-elle pas l’initiative de coopérations renforcées pour avancer ? Nul besoin de nouveaux débats. Agissons.
En tout cas, ne mélangeons pas tout, n’entretenons pas les confusions, les amalgames pour renforcer les peurs, l’irrationalité. Refusons la naïveté comme l’abandon de nos principes. Ne excédons ni au fantasme du « grand remplacement »ni à l’utopie d’un droit universel à la libre installation. Agissons avec raison et humanisme.
Il est essentiel de traiter de façon distincte le respect du droit d’asile, les autres enjeux de la politique d’immigration, la qualité de l’intégration républicaine. Et l’immigration est différente selon qu’il s’agisse des étudiants, du regroupement familial, ou de l’immigration économique.
L’enjeu décisif de l’intégration républicaine et d’un accueil digne
Mais qu’il s’agisse des immigrés, ou d’un certain nombre de nos concitoyens, trouver les voies d’une intégration républicaine réussie est l’un des grands défis que la France doit relever en ce début de XXIème siècle. Au fond, cela exige de porter une vision de notre projet national et de retrouver le sens de la promesse républicaine.
Alors le débat s’est ouvert au Sénat, ce jeudi, après avoir eu lieu à l’Assemblée Nationale. Évidemment, le RN s’en donne à cœur joie et les députés des « Républicains » ont repris leur éternel discours de la remise en cause du droit du sol et n’ont rien trouvé de mieux que de demander un référendum sur l’immigration. Au sénat, la droite fut plus feutrée, mais les candidats à la direction des Républicains ont rivalisé de surenchères. Pourtant ! On se souvient des propos péremptoires de Charles Pasqua sur « l’immigration zéro », qui non seulement a participé à la montée des idées du FN, mais a aussi entretenu l’idée d’une impuissance de l’État. De la même façon, tous les deux ans, sont votées de nouvelles lois – plus répressives et bureaucratiques les unes que les autres – censées faire office de politique d’immigration pour mieux se dispenser d’engager un travail sérieux et persévérant d’intégration républicaine, accueillir ceux qui arrivent de façon digne et de faire respecter notre droit avec efficacité et humanité.
S’attaquer aux causes du déracinement et de l’exil contraint
Enfin si le Premier ministre a évoqué l’aide au développement, en souhaitant un lien entre cette dernière et l’immigration, il est clair que les libéraux ne veulent pas s’attaquer aux racines de ces grands bouleversements migratoires et particulièrement ceux qui sont consécutifs à l’accroissement des inégalités de développement, de la misère sans compter les conflits. Sous prétexte que les politiques de co-développement nécessitent une temps long pour être efficaces, le pays ne prends jamais les décisions qui s’imposent… Peut-on considérer comme crédible l’idée qu’on pourrait sortir de ce grand maelström sans stopper le cours destructeur de la globalisation.
Cela n’empêche pas d’agir ici et maintenant mais ne perdons pas de vue qu’il nous faut être acteur d’un monde nouveau où les plus faibles ne seront pas contraints à l’exil, le départ de leur pays et leurs familles pour vivre.
Aussi, je vous invite à lire la très intéressante note produite sous la plume de Gaëtan Gorce dans le cadre du club « Nos Causes Communes » qui donne de précieux éléments d’analyse, fait des propositions conformes à nos principes républicains. ⤵️