Débat de la seconde lecture de la loi ALUR – 29-30-31 janvier 2014

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QAG 6 juin 201329 janvier 2014

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, lors de la première lecture, nous avons déjà souligné la qualité de ce projet de loi et salué le travail accompli par le Parlement, en particulier par le Sénat.

Ce texte va permettre de véritables avancées vers l’accès de tous à un logement digne, décent et à un prix abordable. L’objectif qui le sous-tend est de produire beaucoup plus de logements, en garantissant un aménagement durable de nos villes, de nos villages et de notre territoire tout entier.

Pour ma part, je m’attarderai sur les questions de l’habitat et du droit au logement, en récapitulant rapidement les points forts de ce projet de loi et en mettant tout particulièrement l’accent sur le progrès que constitue la mise en place de la garantie universelle des loyers.

La régulation du marché représente une première mesure positive. Il ne s’agit pas de mettre en œuvre un encadrement rigide des loyers ! Il est primordial que la France se dote progressivement d’observatoires, afin que l’on puisse connaître les marchés de manière territorialisée et précise. Il est tout de même incroyable que, dans un pays comme le nôtre, on soit encore incapable d’établir un diagnostic partagé sur l’état du marché immobilier et les besoins de logement pour l’ensemble du territoire, de façon assez fine pour coller à la réalité ! Mettre en place un tel outil est certes un peu long et compliqué, mais cela est indispensable pour que nos politiques de régulation ne soient ni menées au marteau-pilon ni impuissantes face au marché.

Parallèlement, le Gouvernement propose l’instauration d’un cadre, organisé autour du loyer médian. Certains prétendent que ce dispositif est excessivement contraignant, mais nos voisins Allemands, eux, considèrent qu’il est peut-être un peu trop souple, au regard de la hausse des loyers qu’ils commencent à observer chez eux, en dépit du déclin démographique. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une première étape indispensable sur la voie qui nous amènera, à terme, à disposer d’outils fins, adaptés et évolutifs permettant de mettre en place de véritables politiques de régulation des marchés.

Ensuite, ce projet de loi renforcera la lutte contre l’habitat indigne et la dégradation des copropriétés. Je n’insisterai pas sur ce grand enjeu national, dont Claude Dilain est un spécialiste : nous ne devons pas laisser des copropriétés partir à la dérive.

Par ailleurs, le présent texte permettra une meilleure organisation de la profession immobilière, dont les inquiétudes sont en voie de s’apaiser, me semble-t-il. Nous considérons que nombre de professionnels de ce secteur font bien leur travail, mais il existe des abus, contre lesquels il faut lutter. La transparence est nécessaire, notamment en matière de prix. Il importe que les consommateurs ne payent pas un prix déraisonnable pour certains services.

L’habitat participatif, quant à lui, connaît une progression lente, peut-être, mais qui mérite d’être soutenue. Du reste, les opérations se multiplient sur le terrain. J’espère que cette tendance se révèlera durable, car le cadre que nous avons déterminé permettra l’émergence, au côté du logement social traditionnel, d’investissements locatifs et favorisera l’accession à la propriété sous des formes nouvelles, qui concourront, elles aussi, à la lutte contre la spéculation. À mon sens, il s’agit là d’une avancée importante.

Enfin, le secteur HLM sera doté de moyens nouveaux. Mes chers collègues, il faut souligner que la construction de logements sociaux a repris, après la période difficile que nous avons traversée, à la suite du relèvement du taux de TVA à 7 % et du prélèvement opéré sur les organismes d’HLM. Les accords conclus avec Action logement et avec le mouvement HLM ont été mis en exergue. La construction redémarre : 117 000 logements sociaux ont été financés l’année dernière, et l’objectif est d’en construire 150 000 en 2014. Bien sûr, il faudrait aller plus vite, mais nous élus locaux savons bien que les années d’élections municipales ne sont jamais les plus propices au lancement de vastes projets en la matière… Il faudra d’ailleurs accélérer, sitôt les élections passées, pour ne pas accumuler de retard.

Je citerai brièvement toute une série de mesures qui, mises bout à bout, amélioreront la protection des publics les plus fragiles : l’allongement de la trêve hivernale, l’amélioration de l’encadrement des ventes à la découpe, le renforcement des droits des personnes accueillies en centre d’hébergement, les politiques de prévention des expulsions.

J’insisterai sur la GUL, qui suscite beaucoup de scepticisme. C’est une tradition dans notre pays : chaque fois qu’une innovation apparaît, on part du principe que cela ne marchera pas !

M. Jean-Jacques Mirassou. Et il y en a même qui l’espèrent !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne sais pas à quoi cela tient. À ce titre, je vous invite à relire les comptes rendus des débats sur la création de la sécurité sociale. Aujourd’hui, tout le monde affirme qu’il faut la défendre. Pourtant, à l’origine, certains prétendaient que cela ne fonctionnerait pas, que ce serait ruineux – cela s’est vérifié dans une certaine mesure, mais la santé coûte cher partout ! –, tandis que d’autres jugeaient au contraire la sécurité sociale trop peu ambitieuse parce que, lors de sa création, elle ne couvrait pas l’ensemble des risques pour l’ensemble de la population.

Aujourd’hui, il en va de même pour la GUL, alors que, à mon sens, ce que l’on retiendra avant tout de ce texte, c’est ce dispositif. La garantie universelle des loyers ouvre en effet un droit républicain nouveau, protégeant de manière équilibrée locataires et propriétaires. La GUL concilie les intérêts des deux parties. Nous avons besoin de cet équilibre, de cette double protection.

À cet instant, je remercie les membres du groupe de travail mis en place par le Sénat et, au-delà, tous ceux de nos collègues qui se sont investis sur ce sujet. La GUL sera en partie l’œuvre de la Haute Assemblée ! Les contributions du groupe de travail, élaborées sous la conduite de son rapporteur, Jacques Mézard, et du président Daniel Raoul, ont permis, en allant au fond des choses, de préparer l’instauration de la garantie universelle des loyers. Il s’agit en tout cas d’un dispositif cohérent répondant, à mes yeux, à nos préoccupations majeures. Je salue également, madame la ministre, votre écoute et votre esprit d’ouverture, qui ont permis un travail en collaboration, aboutissant à une proposition de nature, me semble-t-il, à réunir un large consensus.

La GUL a pour premier mérite de ne coûter ni au propriétaire ni au locataire.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Évidemment, elle coûtera quelque chose à la puissance publique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit d’un dispositif de mutualisation. Sa mise en œuvre ne sera pas soumise, comme c’est le cas pour la garantie des risques locatifs, au bon vouloir de l’une des parties. Chacun y aura accès, sans qu’il soit besoin de payer : c’est en cela que la GUL est universelle.

Que proposons-nous ? Une garantie socle pour tous, couvrant en particulier les dix-huit premiers mois d’impayés à concurrence du loyer médian du secteur. Certes, madame Schurch, cela ne résoudra pas tous les problèmes de solvabilité des familles en difficulté, mais telle n’est pas la destination de la GUL ! La GUL doit permettre d’empêcher que l’on mette le couteau sous la gorge à des personnes confrontées à des problèmes financiers. Sa mise en jeu n’empêchera nullement la mobilisation du FSL, le Fonds de solidarité pour le logement : au contraire, elle l’imposera, ainsi qu’un déclenchement rapide de l’aide sociale. Ajoutons que, grâce à Mme la ministre, le versement de l’APL n’est plus suspendu quand le loyer n’est plus payé.

Pour autant, la GUL ne déresponsabilisera pas les locataires, notamment ceux de mauvaise foi. Lorsque cette garantie sera déclenchée, la personne en difficulté pourra, dès le deuxième mois, bénéficier d’un suivi social, d’un éventuel relogement dans un logement plus adapté à ses ressources. Il existera une complémentarité entre la GUL et les assurances : tout ne peut pas reposer sur la garantie socle ou sur l’assurance. Un équilibre a été trouvé.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quel propriétaire aura l’idée absurde d’exiger une caution – nous savons d’ailleurs que, dans 60 % des cas, les cautions ne peuvent être appelées, en raison d’obstacles juridiques –, quand il pourra bénéficier d’une garantie gratuite, dont la mise en œuvre sera immédiate et ne nécessitera pas une foule de formalités administratives ? Les propriétaires privilégieront la GUL, car elle apporte une meilleure couverture que la caution,…

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et vous verrez, madame Schurch, que, sur la durée, la pratique de la caution deviendra résiduelle. J’espère qu’alors le Conseil constitutionnel acceptera l’interdiction de la caution. C’est en tout cas la dynamique républicaine que promeuvent les membres du groupe auquel j’appartiens. Nous aurons l’occasion d’approfondir la réflexion et d’améliorer encore le texte au fil de nos discussions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

30 janvier 2014

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons tous été très sensibles à la présentation de très bonne qualité de notre collègue Jacques Mézard. Comme souvent, son argumentation était très charpentée.

Pour sa part, Mme la ministre a défendu la GUL avec autant de passion que de souci de précision.

En ce qui me concerne, je me ferai plus provocatrice.

M. Bruno Sido. Allez-y !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chers collègues de l’opposition sénatoriale, je me ferai un grand plaisir d’écrire à l’ensemble des propriétaires de ce pays qu’au lieu d’un dispositif gratuit, mutualisé par l’ensemble de l’action publique et, comme l’a dit Mme la ministre, permettant une meilleure gestion de fonds déjà existants et évitant toute une série de gaspillages liés à l’absence de prévention, vous proposez un prélèvement supplémentaire en rendant obligatoire une assurance, qu’ils devront payer.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme vous nous expliquez à longueur de journée que notre politique n’est pas incitative à l’égard des propriétaires, je me permets de vous dire que notre proposition est bien plus incitative que la vôtre !

M. Philippe Dallier. Ça, c’est sûr !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Par ailleurs, s’agissant de l’assurance, je ne vais pas revenir sur les inégalités qui découlent du scoring des risques. Sachez cependant que, quand la puissance publique impose une assurance, il faut prévoir la réassurance. Or la réassurance coûte cher,…

M. Claude Dilain, rapporteur. Oui !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … probablement des sommes à peu près comparables à celles évoquées pour la GUL. Votre dispositif n’est donc ni juste, ni attractif pour les propriétaires,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … ni peu coûteux pour la collectivité in fine.

M. Marc Daunis. Ni économe !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vois bien qui pourrait en profiter, mais j’ose espérer que ce n’est pas pour cette raison que vous défendez une telle mesure ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

[…]

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais essayer de convaincre nos collègues communistes du fait qu’il ne s’agit aucunement d’un manque de volonté politique.

Mme la ministre elle-même, le Premier ministre, bon nombre de collègues de la majorité et de membres du Gouvernement souhaitent un mécanisme de garantie universelle des loyers. La question des HLM, c’est autre chose.

S’il est tellement important de ne pas prendre de risque constitutionnel, que Mme la ministre a évoqué et dont elle est consciente, c’est parce que, vous le savez, mes chers collègues, il y a, dans ce pays, des tas de gens qui sont à l’affût de la preuve que ce droit de garantie universelle des loyers n’est pas conforme à l’esprit de notre République. Ceux-là vont s’emparer de toutes les fragilités possibles pour invoquer l’inconstitutionnalité !

Nous savons qu’il y a un débat sur la caution. La mesure que vous préconisez va-t-elle entraîner une paralysie par rapport à l’objectif que nous poursuivons de garantir l’égalité d’accès au logement ?

De ce point de vue, je suis d’accord avec Philippe Dallier : quelles que soient les méthodes qu’on mette en place pour les y inciter, certains propriétaires, hélas, n’ont pas envie de loger des pauvres. On ne pourra pas les y contraindre en leur mettant un fusil sur la tempe ! Ce que nous pouvons faire, en revanche, c’est lever tous les obstacles susceptibles d’empêcher les propriétaires de bonne foi, dont l’intention n’est pas d’éjecter les pauvres, de louer à des personnes modestes. Parmi ces obstacles figure la peur de l’impayé de loyer.

I faut expliquer aux propriétaires que la caution ne peut pas être appelée dans 60 % des cas, du fait de la présence d’un petit alinéa mal foutu dans le dossier. La caution est une mauvaise précaution et une mauvaise protection ! Il faut leur expliquer aussi que, pour obtenir le paiement de la caution, il est nécessaire d’engager des procédures devant la justice. Avec la GUL, les loyers tomberont pendant dix-huit mois. Franchement, qui aurait intérêt à se compliquer la vie ?

La caution devenant marginale, la question de la constitutionnalité va se poser à nouveau. La seule façon d’éviter que le Conseil constitutionnel, le moment venu, ne retoque la disposition serait de plaider que, la caution étant un instrument majeur d’inégalité dans l’accès au logement, il serait contraire à l’intérêt général de laisser perdurer un dispositif contraire aux principaux objectifs du droit, parmi lesquels figure la garantie universelle des loyers.

M. Claude Dilain, rapporteur. Absolument !

M. Marc Daunis. Très bien !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’espère que nous n’aurons pas à franchir cette deuxième étape et que l’efficacité de la GUL pèsera plus lourd que la question de l’obligation formelle.

Je considère, pour ma part, que la GUL procède d’une dynamique de gauche ; c’est la raison pour laquelle je m’exprime avec quelque passion. Je pense même qu’elle relève, au-delà des principes de la gauche, d’une véritable dynamique républicaine.

La mutualisation du risque fait partie intégrante du modèle français. Nous avons évoqué ce sujet, hier, au sujet de l’assurance emprunteur. La culture républicaine veut en effet que les risques soient mutualisés entre le malade et celui qui ne l’est pas, entre le riche et le pauvre, entre ceux qui subissent les aléas de l’existence et les autres. C’est cette mutualisation que nous voulons étendre.

Il se peut que nous divergions sur la façon de procéder – on peut toujours améliorer l’aspect technique d’un dispositif –, mais il n’en demeure pas moins que nous ouvrons là une nouvelle voie importante. J’espère convaincre mes collègues que la GUL ne procède pas d’une quelconque mollesse politique, mais d’une stratégie consciente, progressive et déterminée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

[…]

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 5 est présenté par Mme Lienemann.

L’amendement n° 14 rectifié est présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 39

Après le mot :

amende

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

pénale dont le montant est compris entre 3 000 € et 20 000 € pour une personne physique, ou 40 000 € pour une personne morale.

II. – Alinéa 40

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le locataire est recevable dans sa constitution de partie civile et la demande de réparation de son préjudice.

III. – Alinéas 41 et 42

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 5.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La rédaction de cet amendement est le fruit d’un travail réalisé par des juristes, qui se sont penchés sur la meilleure façon de pénaliser les auteurs de congés frauduleux.

Une amende administrative est aujourd’hui prononcée contre ceux qui les donnent. Cet amendement tend à la remplacer par une amende pénale comprise entre 3 000 et 20 000 euros pour une personne physique et d’un montant de 40 000 euros pour une personne morale.

Il vise également à rendre le locataire « recevable dans sa constitution de partie civile et la demande de réparation de son préjudice ». En effet, non seulement la sanction administrative n’est pas d’une grande efficacité, mais elle interdit au locataire de se porter partie civile. Il nous paraît donc nécessaire de modifier cette situation.

[…]

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais convaincre notre collègue de retirer son amendement.

Le texte prévoit simplement que le juge peut prononcer un tel délai, et j’ose espérer que les juges de notre république n’accorderont pas de délais à des locataires indélicats ou de mauvaise foi. Il s’agit simplement d’accorder des délais de paiement à des locataires qui ont rencontré des difficultés mais qui sont en situation de rattraper leur retard.

Si un temps suffisant n’est pas donné au locataire pour lui permettre d’apurer sa dette, il n’y aura plus d’autre solution que l’aide sociale automatique !

Les dix-huit mois durant lesquels s’appliquera la GUL laisseront le temps au juge de voir s’il existe un plan d’apurement et s’il est encore possible de déployer une stratégie d’étalement de la dette. Si tel est le cas, la prolongation du délai à trois ans ouvrira au juge une plus grande palette de solutions pour élaborer un plan raisonnable d’étalement, ce qui permettra de rester fidèle à la philosophie selon laquelle celui qui peut rembourser sa dette doit le faire. À l’inverse, la limitation du délai à deux ans pourrait plus facilement conduire à des drames, ou à la nécessité que l’aide sociale prenne le relais du débiteur défaillant.

[…]

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quel aveu de désintérêt profond de votre commune pour le logement social ! Le dispositif prévu par votre amendement revient à mettre le logement social aux mains des assureurs privés. S’il était adopté, les bailleurs devraient compter sur des assurances privées pour garantir les prêts !

Monsieur Dassault, je vous l’affirme, les communes ne risquent rien dans cette opération, et il est très important qu’elles accordent ces garanties.

Il peut arriver que des organismes d’HLM rencontrent des difficultés. Mais dans ce cas, grâce à la mutualisation du financement du logement social et à la contribution des organismes, il est possible d’avoir recours à la CGLLS, dont l’existence vous a peut-être échappé. La CGLLS, d’ailleurs, a tellement d’argent que je dois me battre – vous le savez bien, madame la ministre – pour que Bercy n’aille pas la ponctionner ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Tout cela pour dire que nous ne manquons pas d’argent pour garantir la solidité du logement social.

Par ailleurs, je vous le disais, il est important que les collectivités accordent cette garantie. En effet, l’argent que la Caisse des dépôts et consignations prête, c’est celui des Français ! Ce sont des fonds d’épargne, et non les fonds propres de l’institution !

Et, en vertu de la législation sur les fonds d’épargne, plusieurs garanties doivent être apportées. Il s’agit de s’assurer que l’épargne des Français ne va pas disparaître et qu’elle ne sera pas mise entre les mains d’une assurance privée elle-même susceptible de connaître des défaillances.

Monsieur Dassault, j’ose espérer, et je suis prête à vous croire, que vous n’avez pas d’intérêt dans les assurances privées. Mais ces dernières font du scoring ! Aussi, parmi les organismes concernés, ce sont ceux qui auront beaucoup de pauvres qui devront payer les primes d’assurance les plus élevées !

Votre proposition n’est respectueuse ni de la tradition républicaine, selon laquelle les élus prennent leur part dans le système du logement social, ni du principe d’égalité des organismes sociaux.

En outre, pour un conseil municipal, général ou régional, garantir un emprunt ne pose aucun problème aujourd’hui.

En réalité, vous cherchez juste à fuir les responsabilités et vous trouvez des arguments pour ne pas soutenir le logement social ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

31 janvier 2014

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste attachent une grande importance à l’adoption de ce projet de loi, qui marquera l’histoire de la politique du logement et de l’urbanisme.

Je voudrais, à cet instant, évoquer les mesures qui, sans doute, retiendront le plus l’attention du public.

En premier lieu, nous allons ouvrir la voie à une véritable politique de régulation des marchés de l’immobilier et du logement, notamment en ce qui concerne les loyers. Il s’agit d’une question majeure, tant il est vrai que, depuis l’abandon de l’encadrement rigide, dans les années soixante-dix, la France ne s’est dotée d’aucun outil de régulation des loyers permettant de prévenir un dérapage majeur de ceux-ci par rapport aux revenus de nos concitoyens.

Pour assurer cette régulation, nous avons retenu deux principes : observer partout, encadrer dans certains cas.

La création d’observatoires nous permettra de mieux connaître les marchés dans leur diversité ; de fait, il est essentiel d’adapter l’action publique aux différentes situations. La mise en place de mesures d’encadrement était urgente dans les zones tendues : il ne s’agit pas de restaurer un encadrement rigide, mais d’éviter les dérives et les hausses inconsidérées.

En deuxième lieu, le projet de loi instaure de nouveaux outils publics pour lutter contre l’habitat insalubre et améliorer la qualité du logement. À ce propos, je tiens à insister sur le problème des copropriétés dégradées. En effet, depuis plus de vingt-cinq ans, nous sommes collectivement impuissants à prévenir la dérive d’un certain nombre de copropriétés, devenues des lieux où les problèmes sociaux sont souvent bien plus graves que dans les quartiers les plus difficiles !

Alors que, jusqu’à présent, nous n’étions souvent pas en mesure d’agir pour rénover ces copropriétés, nous allons mettre en place des outils publics, notamment législatifs, qui permettront de prévenir et de guérir.

En troisième lieu, nous nous félicitons de la création de la garantie universelle des loyers, qui représente à nos yeux une avancée considérable. À cet égard, je voudrais tordre le cou au pessimisme ambiant. Certains prétendent qu’il ne s’agirait que d’une demi-mesure, après nous avoir annoncé qu’elle serait enterrée. Eh bien non : la garantie universelle des loyers triomphera de la caution et protégera les locataires en garantissant les propriétaires. Elle améliorera la prévention des expulsions et l’accompagnement des citoyens et permettra de rééquilibrer, je l’espère, les relations entre les propriétaires et les locataires. Enfin, elle fera reculer la ségrégation dans l’accès au logement.

En dernier lieu, notre urbanisme va connaître des évolutions importantes ; mon collègue Jean-Jacques Mirassou reviendra sur ce point dans quelques instants. En vérité, dans un monde où, entre autres facteurs, la pression démographique est forte, nous allons conserver à la France, qui a un si beau patrimoine urbain, villageois et naturel, la richesse collective qu’elle tire de ses paysages, de leur équilibre, de leur beauté et de leur pureté.

Dans le monde entier, on nous envie ce patrimoine : nous devons le sauvegarder ! Lutter contre l’étalement urbain, protéger notre environnement, réaliser un équilibre entre la ville et la campagne, entre l’agriculture et les activités urbaines : c’est le grand défi du développement durable.

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains avait ouvert une première piste en modifiant notre conception de l’urbanisme. Souvenons-nous, mes chers collègues : que n’a-t-on entendu à l’époque !

M. Claude Dilain, rapporteur. C’est vrai !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le projet était complètement loufoque, on n’y arriverait pas… Aujourd’hui, pourtant, personne ne remet en cause les SCOT, les PLU et les PLH, ni même la règle des 20 % en matière de construction de logements sociaux.

Il faut promouvoir le développement durable, car il y va de l’avenir du pays ; il faut promouvoir la mixité sociale, car il y va de notre avenir républicain. À la veille de célébrer le soixantième anniversaire de l’appel de l’abbé Pierre, nous devons être au rendez-vous de l’histoire : il n’est pas possible que l’un des pays les plus riches du monde, celui de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne franchisse pas une étape significative pour garantir le droit au logement pour tous !

Nous n’avons pas la naïveté de croire que le nouveau cadre législatif élaboré par le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat permettra, à lui seul, d’atteindre cet objectif, mais il donnera un élan nouveau, lèvera des blocages, ouvrira des possibilités. Il revient maintenant au pays de s’en saisir.

À l’approche des élections municipales, je forme le vœu que tous les candidats de l’ensemble des sensibilités du camp républicain embrassent cette cause majeure : comme le disait l’abbé Pierre, la mobilisation de tous, des citoyens, des élus, de la nation, est nécessaire. (Mme la ministre acquiesce.)

Le Sénat a pris une part considérable dans l’élaboration de ce texte, en contribuant de façon décisive à la recherche d’un équilibre sur la GUL et le PLUI. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce travail, dont nous pouvons être collectivement fiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

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