Pour Une Rupture de Gauche. Renouons avec le socialisme de Jaurès, où le politique prime sur l’économique et où l’état garde un rôle majeur.

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Je vous propose la lecture de cette tribune publiée dans l’hebdomadaire Marianne. J’attends vos réactions !

Couvmarianne L’appel à la « rénovation » de la gauche est un grand classique des lendemains de défaite. Elle s’accompagne généralement de vives critiques contre la « vieille gauche », responsable idéale de la débâcle des « modernes ». Le procès en archaïsme a un mérite : il permet d’exonérer de leurs responsabilités celles et ceux que le peuple vient de sanctionner ! Et si, au contraire, c’était la logique du renoncement et de l’abandon que les électeurs venaient de rejeter ?

Ces donneurs de leçons pèchent par ignorance : partisans de l’accompagnement de l’ordre économique dominant et de l’alignement sur la social-démocratie, ils en oublient la réalité politique. Le bilan de la sacro-sainte social-démocratie européenne ne brille ni par ses résultats, ni par son efficacité sociale. L’âge de la retraite porté à 67 ans et de très bas salaires bien inférieurs à notre Smic en Allemagne, les 60 heures de travail par semaine en Autriche, 44% des emplois en temps partiel au Danemark : est-ce cela que nous souhaitons pour notre pays ?

Aux partisans du non au TCE, aux tenants d’une campagne sur le
terrain économique et social, aux promoteurs des stratégies
industrielles et antidélocalisation, les spécialistes du brouillage de
l’identité de la gauche ont opposé une autre stratégie : elle vient
d’être défaite nettement dans les urnes.
Une partie des dirigeants
du parti, vieux ou jeunes, hommes ou femmes, a renoncé à l’ambition
stratégique de la gauche. Surtout, tournant le dos à la spécificité du
socialisme français, ils ont tenté de nous vendre une bouillie
idéologique dépassée qui ne résiste ni à la confrontation avec la
droite tant elle ressemble à certaines de ses idées, ni à la réalité du
temps.

Car les temps sont durs pour beaucoup et plaident pour une véritable rupture.
Il ne s’agit pas tant d’être « plus » ou « moins » à gauche que de
redonner corps aux idées, aux valeurs et aux fondamentaux de la gauche
et du socialisme. Héritiers de Blum, nous savons que la transformation,
fût-elle radicale, de la société passe’ par la démocratie et l’exercice
du pouvoir. Mais notre objectif reste la recherche d’une alternative à
l’ultra libéralisme.
Tout cela n’a rien d’abstrait. Il s’agit du
quotidien des Français. Qui ne voit que le capitalisme financier
transnational  provoque des drames humains et écologiques, aussi bien
dans nos pays que dans ceux dits en voie de développement. Les
puissants, les multinationales sont les grands gagnants et les seuls
bénéficiaires du démantèlement des Etats nations, de l’affaiblissement
des protections.
Oui, plus que jamais, la rupture est à l’ordre du
jour. La gauche doit désormais assumer son opposition à l’idéologie du
« laisser faire », du « laisser passer », à la théorie de la libre
circulation des marchandises, des capitaux et des hommes (on notera au
passage que, bien évidemment, celles des hommes n’a jamais lieu !).

Tant qu’elle continuera à présenter comme inéluctable  le
libre-échangisme et se contentera de plaider pour l’édiction de
quelques règles sociales environnementales pour le « réguler », elle
sera vouée à l’impuissance. D’autant que les salariés eux-mêmes n’y
croient pas. Ils savent que l’entrée de l’Inde et de la Chine dans ce
libre marché change tout.

Notre perspective, c’est l’avènement d’un monde multipolaire,
où les échanges économiques doivent être négociés, organisés pour
permettre à chacun un développement équilibré, soumis aux choix des
peuples et au service du développement humain.

En France et en Europe, l’heure est au changement de cap. Nicolas
Sarkozy l’a utilisé, lui qui est a fait de la « préférence
communautaire » et de la fin de l’euro fort des axes de campagne qui
lui ont permis de capter des voix d’ouvriers et d’employés qui, une
fois encore, nous ont fait défaut.

La priorité pour la gauche, la condition de son sursaut, c’est bien
de retrouver ce socle sociologique. Elle doit fédérer les ouvriers,
employés, salariés et, au-delà, celles et ceux qui ne vivent que de
leur travail, leur création, leurs talents et non pas de l’héritage, la
rente, les placements financiers, les dividendes du capital. Cette
alliance des productifs est rendue davantage nécessaire par la
financiarisation de l’économie. Elle permet aussi de véritables
convergences entre les salariés de certains chefs d’entreprise, de PME,
d’artisans dont la seule richesse est leur force de travail. La hausse
du Smic et des salaires, permise par une refonte des cotisations
sociales et des aides aux entreprises, aurait donné un débouché concret
au souci de « valoriser le travail ».

« L’alliance des couches moyennes et des exclus », longtemps
présentée  comme le nec plus ultra de la modernité socialiste, faisait
l’impasse sur le cœur du salariat et nous a éloignés des questions
essentielles : les rémunérations, la production et la répartition des
richesses, le pouvoir des salariés dans la sphère économique.

Au-delà, il devient urgent de redonner un contenu neuf à l’idée d’économie mixte,
rouvrant la possibilité de capital public ou socialisé dans certains
secteurs économiques stratégiques, pour éviter les délocalisations ou
de rachats prédateurs, pour favoriser l’émergence rapide de nouvelles
activités. L’économie française est devenue hyper vulnérable aux
capitaux étrangers et nous travaillons de plus en plus pour des fonds
de pensions et les retraités d’autres pays. La restauration publique du
capital d’EDF, la constitution d’un pôle avec GDF, la recapitalisation
d’Airbus participent de la reconquête de notre souveraineté économique.

« Souveraineté » : ce mot n’a rien d’archaïque. Menacés par
la mondialisation, abandonnés par une Europe incapable de les protéger,
les Français sentent confusément que l’Etat nation reste, en dépit des
théories savantes, un cadre pertinent pour agir. Pas besoin d’agiter
des drapeaux si c’est pour expliquer que l’avenir du socialisme est
ailleurs. Il y a une identité particulière du socialisme français
profondément matricé par la République. Le socialisme de Jean Jaurès a
été et demeure une branche distincte de la social-démocratie.
Le
politique y prime sur l’économique, l’Etat garde un rôle majeur,
l’universalité des droits de l’homme s’affirme dans le champ social
(c’est le sens de la revendication très actuelle du droit au logement).
Le service public est la colonne vertébrale de l’égalité quand la
mixité sociale et le refus du communautarisme parlent de fraternité et
de laïcité. Pour les socialistes, l’ordre républicain n’est pas
séparable de l’émancipation, et réciproquement.
C’est parce que nous
avons oublié ces fondamentaux que nous avons été défaits. L’obsession
modernisatrice d’une partie de la gauche n’a d’égal que son doute
profond sur elle-même. Comment convaincre, rassembler sans être
persuadés de trouver dans l’identité socialiste française les ressorts
pour ouvrir une ère nouvelle de progrès, ici et dans le monde ?

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