Nicolas Sarkozy ? César et Pape à la fois !

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Le blog libéorléans.fr a publié une tribune sur la laïcité co-signée par Marie-Noëlle Lienemann, André Laignel et Paul Quilès.
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CONTRIBUTIONS.

André Laignel (au centre sur la photo), député socialiste européen
Centre-Auvergne-Limousin et maire d’Issoudun (Indre) vient de co-signer
avec les deux anciens ministres Paul Quilès et Marie-Noëlle Lienemann,
également députée socialiste européenne, une contribution sur les
premiers mois de gouvernance de Nicolas Sarkozy. Pouvoir d’achat,
politique européenne, laïcité (sujet qui avait fait l’objet d’un
précédent Rebonds dans Libération), tous les thèmes sont analysés et décortiqués sans concession. Façon Laignel. (Lire la suite…)

"L’illustration du Leviathan, œuvre du philosophe politique anglais
Hobbes, représentait le roi tenant à la main droite le glaive, à la
main gauche la crosse : César et Pape tout ensemble, pouvoirs spirituel
et temporel réunis, le destin de tous confié à un seul. Pour Hobbes,
tout régime politique est en effet « par définition absolutiste ».
Cette image, qui renvoie aux  idées et à la philosophie du XVIIème
siècle, serait-elle celle d’une « Césaropapie » révolue ?
Eh bien
non ! Il semble qu’en ce début de XXIème siècle,  Nicolas Sarkozy ne
refuserait pas de céder à cette tentation. Ce serait même pour lui,
sous prétexte de moderniser la France, une façon de rejeter
l’originalité fondamentale de la République française, indivisible,
laïque, démocratique et sociale.

République indivisible ?

N. Sarkozy introduit une différence entre les citoyens croyants et
non croyants. Chanoine d’honneur de Latran, il déclare (1) : « Je suis
comptable des espoirs que le déplacement du Pape courant 2008 suscite
chez mes concitoyens catholiques et dans de nombreux diocèses ». Les
autres n’auraient-ils pas d’espoir ? Si N. Sarkozy était le connaisseur
de Jean Jaurès qu’il feignait d’être pendant sa campagne
présidentielle, il aurait  adjoint l’espoir de tous ceux qui luttent et
qui se donnent « aux grandes causes sans savoir quelle récompense
réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une
récompense » (2)
Puis, le voila en voyage au Moyen-Orient, qui
s’enflamme (3) : « A travers vous, j’adresse à toute la nation
saoudienne le salut fraternel de la France. Ce salut, je veux
l’adresser aussi à la nation arabe et à toute la communauté des
croyants ». Là encore, l’opportunisme et l’utilisation hâtive de termes
superficiellement assimilés l’amènent, dans un des pays musulmans les
plus conservateurs, à considérer comme intangible une communauté si
prégnante qu’elle interdit à ses membres de renoncer à leur foi ou d’en
changer, voire même de se marier hors de la communauté. Là aussi,
quelle piètre défense de la liberté de penser et donc de la Liberté
inscrite dans la devise de notre République !

République laïque ?

Ecoutons encore : « Dans la transmission des valeurs et dans
l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur
ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est
important qu’il s’en rapproche, parce qu’il lui manquera toujours la
radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté
par l’espérance »(4). Tiens, N. Sarkozy oublie Guy Môquet, ou plutôt il
pense que les Français ont oublié son hold-up idéologique. Les enfants
et petits-enfants de résistants non-croyants ont sûrement apprécié !
Quant à la « radicalité du sacrifice de la vie », il faudrait se souvenir qu’elle guide aussi les terroristes kamikases…
On
se demande si N. Sarkozy ne se posera pas bientôt la question : les
non-croyants ont-ils une âme ? Cette hiérarchisation des citoyens est
insupportable et contraire à l’Egalité inscrite dans la devise de notre
République.

République démocratique ?

N. Sarkozy n’a pas été avare de grandes proclamations sur la façon
de construire l’Europe avec le peuple. Ecoutons le devant le Parlement
Européen (5): « L’Europe se fera avec les peuples, elle ne se fera pas
sans eux, elle ne se fera pas contre eux ». Ecoutons le devant le
Conseil national de l’UMP (6) : « L’Europe ne peut se construire sans
les peuples, parce que l’Europe, c’est le partage consenti d’une
souveraineté et la souveraineté, c’est le peuple. A chaque grande étape
de l’intégration Européenne il faut donc solliciter l’avis du peuple.
Sinon, nous nous couperons du peuple ».
Alors pourquoi ne pas
soumettre au referendum le traité européen dit « simplifié » ? C’est   
V. Giscard d’Estaing lui- même qui le dit: identique sur le fond au
texte volumineux de 2006, sur la forme, le texte a été compliqué à
plaisir pour faire croire qu’il est impossible d’en débattre, mais le
peuple français est assez lucide et éduqué  pour discerner l’arnaque
intellectuelle et y chercher vainement l’Europe qu’il souhaite, celle
des droits sociaux et du travail, de la culture partagée et des
échanges pas forcément mesurés à l’aune du commerce libéral.
En
réalité, N. Sarkozy est dans la ligne de pensée de Louis XVI, qui
acceptait du bout des lèvres la notion de « nation souveraine », si
contraire à celle du pouvoir divin du monarque.

République sociale ?

Promesse de pouvoir d’achat passée à la trappe, multiplication des
franchises médicales, bouclier fiscal favorable aux plus aisés, traque
imbécile des sans-papiers au lieu de s’occuper d’une intégration
réussie des immigrés, les pages du Code du Travail arrachées jour après
jour : voilà pour la Fraternité inscrite dans la devise de notre
République.
A la place de tout cela, l’étalage de la vie privée, dans la trace du Petit Lever du Roi….

Nicolas Sarkozy semble oublier que notre destin commun est la
laïcisation de l’Etat. Historiquement, tous les actes de la vie civile
ont été progressivement soustraits à l’emprise religieuse. Notre Etat
civil prend définitivement forme en 1792, avec le pouvoir exclusif
donné aux communes de recueillir « les actes destinés à constater les
naissances, les mariages et les décès »….mais il faudra attendre 1972
pour que soit supprimée la demande faite aux jurés d’assises de porter
serment « devant Dieu et devant les Hommes ». La loi de 1905 instaure
la séparation, mais sa mise en pratique fut un combat quotidien. Plus
près de nous : la publicité parodiant la Cène retirée de l’affichage,
l’attentat lors de la projection de « La dernière Tentation du Christ »
de M. Scorcesse à Paris, les attaques contre la liberté d’expression à
la sortie des « Versets sataniques » de Salman Rushdie ou la récente
controverse sur les caricatures de Mahomet sont autant de signes qui
démontrent la nécessité de la laïcité et son actualité.

Au moment où la société française est plus que jamais fragmentée, le
combat laïc est un combat contre l’obscurantisme. Il suppose
l’autonomie de pensée des individus et l’esprit critique pour s’opposer
à l’endoctrinement. Face à ce combat, le « sermon » de N. Sarkozy sur
les « racines religieuses » du monde a de quoi inquiéter (7) : « Dieu
transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme.
Dieu qui n’asservit pas l’homme mais qui le libère. Dieu qui est le
rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes. Dieu qui,
par-delà toutes les différences, ne cesse de délivrer à tous les hommes
un message d’humilité et d’amour, un message de paix et de fraternité,
un message de tolérance et de respect ». On frémit en pensant à ce qui
pourrait advenir de notre société si Dieu n’existait pas !

L’urgence, aujourd’hui, c’est de rappeler que la laïcité est le
socle du pacte républicain, inséparable de la démocratie, de la justice
sociale, de la solidarité et de la paix civile. C’est aussi de
réaffirmer que l’éducation est au centre de la démarche laïque.

Il faut refuser l’introduction dans la Constitution d’un concept de
«diversité» et de «discrimination positive». En revanche, il serait
utile d’édicter une charte de la laïcité dans les entreprises, dans les
services publics, notamment dans les hôpitaux, où les personnels sont
de plus en plus confrontés à des pressions religieuses inacceptables.
Pourquoi ne pas donner à ce combat une dimension plus large, en créant
un espace mondial de la laïcité, à l’image de ce qui a été réalisé avec
la francophonie ? C’est certainement là un noble enjeu de civilisation
et de progrès !

Face à la tentation de confondre le spirituel et le temporel, il faut plus que jamais défendre et faire vivre la laïcité".

André Laignel, député européen,
Marie-Noëlle Lienemann, députée européenne,
Paul Quilès, ancien ministre, maire de Cordes-sur-Ciel,
animateurs de Gauche Avenir.
http://www.gaucheavenir.org/

1-    Déclaration à la Basilique Saint Jean de Latran le 20 décembre 2007.
2-    « Discours à la jeunesse » de Jean Jaurès.
3-    Discours à Riyad le 14 janvier 2008
4-    Déclaration de Latran.
5-    Discours au Parlement européen de Strasbourg le 3 novembre 2007.
6-    Conseil national de l’UMP à Aubervilliers le dimanche 9 mai 2004.
7-    Discours de Riyad.

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