La gauche veut-elle le pouvoir ?

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Tribune rédigée avec Paul Quilès et publiée dans le quotidien La Croix du 17 février

       Peut-on à la fois vouloir changer la société et se désintéresser des conditions de l’accession au pouvoir ? C’est le sentiment qu’on éprouve en observant l’attitude des différentes composantes de la gauche –faite de silences, d’ambiguïtés, de contradictions- à l’égard de la question essentielle de la stratégie pour gagner.

      Et pourtant, un rapide retour sur les élections présidentielles depuis 35 ans montre que l’absence d’une stratégie clairement affichée et assumée conduit inévitablement à l’échec:

– En 1974, avec F. Mitterrand, candidat unique de la gauche dès le premier tour et un « programme commun de gouvernement »,  la gauche atteint un score proche de la victoire.

– En 1981, l’Union de la gauche, affichée sans ambiguïté, permet la victoire, en dépit de l’attitude de la direction du PC.

– En 1988, la situation est particulière. Le président de la République en exercice, candidat du PS, a su profiter de la cohabitation au détriment de la droite. Reste que, les fortes divisions entre PS et PC conduisent à l’impossibilité pour le PS de gouverner sans l’appui du Centre (majorité relative à l’Assemblée nationale). Cela ne sera pas sans conséquence sur la politique suivie durant ce second septennat, ni sur la poursuite du déclin communiste.

– En 1995, la candidature tardive d’un socialiste (Lionel Jospin), après « l’épisode Delors », n’a pas permis une autre stratégie que celle du rassemblement au deuxième tour.

– En 1997, la démarche de la Gauche plurielle, définie à la hâte au moment de la dissolution – hasardeuse pour la droite- crée l’illusion d’une solution, du fait de la victoire aux élections législatives. Mais ce scrutin est d’une autre nature  que la présidentielle.

– En 2002, les divisions de la gauche comme son incapacité à répondre aux mécontentements et inquiétudes des Français sont à leur apogée. Les résultats du premier tour marquent l’échec de l’absence de stratégie unitaire de la part du PS et de ses alliés. La défaite ne servira pas vraiment de leçon.

– En 2007, les socialistes croient que l’élection interne de leur candidate confèrera à celle-ci une légitimité pour représenter la gauche au deuxième tour sur la base du programme défini par eux-mêmes. Les flottements politiques de la candidate aidant, le vote à gauche par rejet du candidat Sarkozy ne suffit pas à compenser la perte de voix liée au manque d’adhésion à un projet commun clairement identifié.

– En ce début de 2009, les principales composantes de la gauche jouent des « partitions » différentes, masquées par des discours convenus (rassembler, gagner, unité….) et la définition d’une stratégie permettant de sortir de la spirale de l’échec n’est toujours pas à l’ordre du jour.

      L’éclatement de la gauche de la gauche se confirme et le PS, s’il a heureusement rejeté l’alliance au centre, considère que sa position électorale lui confère un rôle dominant. Il finit par penser qu’il pourra faire élire son candidat, sur la base de son programme, en conférant à son candidat une légitimité dans l’électorat de gauche grâce à des primaires (aux contours confus). A aucun moment n’est évoquée la difficulté qui résulterait du refus des autres forces de gauche d’accepter ce schéma, qui amène le candidat (socialiste) choisi à imposer son programme  et qui interdit aux autres partis de faire entendre leur voix.

      On ne peut plus s’en tenir à cette référence formelle au rassemblement sans définir comment le réaliser, sur quelles bases, avec qui, selon quel calendrier ! Les Français qui réclament, face à la crise du système capitaliste financier et transnational, un changement en profondeur, s’interrogent néanmoins sur  l’aptitude de la gauche à le conduire et à reconquérir le pouvoir. Sans perspective d’alternance, la désespérance et le fatalisme ou la violence peuvent s’installer !

      C’est pourquoi, nous proposons :

1)     L’organisation immédiate d’une « convergence des gauches »  (politiques, syndicales, associatives, citoyennes) pour faire reculer le gouvernement, imposer des mesures plus justes, présenter une autre logique que celle de N. Sarkozy! En organisant le front de la résistance aux politiques liberticides et anti sociales de la droite, on restaurera la légitimité des valeurs de gauche.

2)     La constitution d’un « Comité pour le rassemblement de la gauche », avec le même souci d’associer, au-delà des partis, toutes les forces qui s’engagent à gauche. Ce comité pourrait préparer une large consultation -des « Etats généraux de la gauche »- dégageant des thèmes fondateurs en vue de la préparation d’une charte.

3)     Cette « Charte pour l’élection présidentielle », à achever avant mi 2010, servirait de base au programme d’un candidat unique de la gauche à l’élection présidentielle.

4)     L’organisation de primaires, où les militants des organisations signataires de la Charte seraient consultés, prendrait alors tout son sens.

        Ces initiatives pour une reconquête à la fois idéologique, culturelle et politique, s’inscrivent dans une stratégie pour 2012, qui met en avant le projet, le programme et refuse de céder à la dérive mortifère de l’hyper-présidentialisation.

            A trois ans de la prochaine élection présidentielle, le temps pour mettre en place cette stratégie est compté.

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