le droit au logement opposable: on peut y arriver. Seule manque la volonté. le rapport du CESE

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Je siège désormais au Conseil Economique Social et Environnemental. Ce Conseil est mandaté par la loi DALO ( droit au logement opposable) pour établir une évaluation de la mise en oeuvre de ce texte législatif, et la transmettre  au Président de la République. Il a approuvé un avis que je vous invite a lire , au moins la synthèse des propositions qui feraient bien d'être suivies par le gouvernement!

http://www.conseil-economique-et-social.fr/rapport/Avis_H_FELTZ_F_PASCAL.pdf

J'ai pour ma part, participer au travail préparatoire à cet avis au sein de la section " Cadre de vie" et suis intervenue en séance le  14 Septembre . Voici le texte de mon intervention:

"Instaurer le droit au logement opposable devrait constituer un grand progrès pour notre République : il s’agit d’assurer à tout citoyen la mise en œuvre effective d’un droit fondamental pour toute personne humaine. C’est une novation législative puisque l’Etat  s’impose une obligation de résultat. L’idée avait été portée depuis de nombreuses années par les associations et le haut comité pour le logement des personnes défavorisées. Le Conseil Economique et Social avait appuyé cette proposition. C’est finalement l’engagement du président de la République, Jacques Chirac, qui permettra le vote de cette loi en 2007. Ce droit est un droit universel qui est ouvert à chacun. Il ne s’agit pas d’une aide particulière assurée aux plus fragiles ou à des populations spécifiques. Le monde associatif avait soutenu avec force ce choix. «  Droits pour les pauvres ; pauvres droits »  plaidaient ils. C’est bien le principe d’égalité des droits qui fut retenu. Pour atteindre cet objectif, il sera prévu une progressivité de la mise en œuvre avec la généralisation du droit opposable en 2013. C’est un défi, car 5 ans, c’est finalement assez court, en particulier pour construire de nouveaux logements sociaux, dont le pays a tant besoin.

Une autre novation réside dans l’inscription dans le texte législatif de la mission de suivi et d’évaluation confiée à notre conseil. C’est dans ce cadre que s’inscrit le rapport de nos deux collègues, Henri Feltz et Frédéric Pascal ainsi que l’avis, que nous examinons aujourd’hui. Ainsi les préconisations de notre conseil seront, je l’espère, largement prises en compte par le gouvernement.

Car si cette loi constitue une forme de rupture face à un fatalisme qui s’était trop installé dans notre pays, force est de constater qu’elle n’a pas atteint, en tout cas sur l’ensemble du territoire, ses objectifs, fut il intermédiaires. Des progrès notables ont pu être observés dans les départements où les demandes de logements sont moins importantes. En revanche, la situation demeure alarmante dans les régions qu‘on qualifie de tendues et en premier lieu en Ile de France.

Dès le vote de la loi Dalo, il paraissait assez clair qu’il serait impossible d’atteindre une obligation de résultats sans se doter concomitamment d’une obligation de moyen. Or tel n’a pas été le cas et cela explique  en partie l’insuffisance des résultats obtenus ! Je me réjouis de voir l’avis proposé : et il est essentiel d’engager une loi de programmation dès cette année.

La crise du logement est persistante, voir s’aggrave, dans notre pays et elle touche un nombre considérable de foyers – jeunes qui s’installent couches populaires et aussi les plus fragiles-. On ne peut pas imaginer régler les problèmes les plus urgents, et plus encore garantir un logement décent à tous sans résorber le déficit, voir dans certains secteurs la pénurie de logements à prix abordables ! Il est illusoire, voir injuste, d’imaginer réussir le Dalo en changeant simplement l’ordre dans la file d’attente. Il faut produire massivement des logements sociaux dans notre pays. Et lorsqu’on parle de logements sociaux, il s’agit des HLM mais aussi de logements locatifs privés à prix accessible. Sans oublier l’accession sociale à la propriété qui connait depuis quelques temps  une véritable hémorragie. Car si la construction a été globalement soutenue, ces 10 dernières années, elle a été totalement décalée avec les besoins prioritaires du pays. Disons qu’en gros 2/3 des logements construits correspondent aux possibilités d’1/3 de la population, à la partie la plus aisée ! Il faut restaurer une corrélation entre les besoins et la production !

C’est d’ailleurs ce qui guide les propositions de l’avis concernant le ciblage exclusif des aides fiscales sous plafond de ressource, pour des familles aux revenus modestes, et avec un prix plafond, bien inférieur au marché. J’appuie aussi tout particulièrement la revalorisation des aides à la pierre d’une part pour construire des logements HLM, en particulier dans les sites où la demande est considérable- où les prix du foncier sont élevés- et d’autre part pour que la production se fasse avec des loyers de sortie proches ou inférieurs au niveau des aides personnelles au logement. Or lorsque nos commissions ont examiné cet avis, elles ignoraient la mauvaise nouvelle qui est venu en fin d’été, à savoir la ponctions de 340 Millions d’Euros effectuée auprès des organismes HLM pour abonder la ligne fongible, ce qui revient à programmer la disparition des aides à la pierre, financée par l’Etat. L’inverse de ce que nous demandons !

Pendant ce temps là, si l’avantage Scellier est réduit, il demeure lié à une production de logements locatifs à prix élevé ! Alors que la fiscalité devrait avoir un rôle contra cyclique, favorisant l’investissement immobilier lorsque celui-ci fait défaut et modérant les prix quand ceux là flambent. Le maintien de cet avantage fiscal joue au contraire un rôle d’amplification : les prix sont repartis à la hausse après n’avoir connu que de faibles baisses et tous les experts constatent que le placement pierre est revenu en force face à une bourse hiératique et grâce à des taux d’intérêts bas ! Il est essentiel de réserver cette incitation fiscale à la mise sur le marché de logements, réellement sociaux.

Le logement social, le logement à un prix abordable est trop rare. Il faut en construire massivement, mais aussi réguler les prix de l’existant et du foncier. L’idée d’une nouvelle politique foncière, trop délaissée par la puissance publique, est présentée, à juste titre, dans l’avis. Le logement est devenu trop cher pour un nombre croissant de nos concitoyens. Les dépenses logement qui représentaient nettement moins que 20% des revenus dans les années 90, atteignent plus de 23% en moyenne dans les années 2000 ! Pour un smicard logeant dans le privé cela peut aller jusqu’à 40, 45% du salaire ! Une hausse des prix exorbitante a été constatée dans la décennie qui s’achève. Or, nous ne relèverons pas le défi du Dalo si les prix ne sont pas régulés et si une meilleure adéquation entre les coûts du logement et les revenus des Français n’est pas restaurée. La reprise d’un niveau soutenu de hausse des prix à Paris et dans les grandes villes est de ce point de vue plutôt inquiétant.

Mais le dérapage le plus net concerne le prix du foncier. En 30 ans, le prix des terrains a augmenté de 700%, tandis que les coûts du bâtiment croissaient de 35 à 40%. On doit parler d’une rente foncière qui devient un véritable handicap pour le pays. La fiscalité doit stopper ces dérives et la proposition de fiscaliser le foncier et l’immobilier annuellement sur la base de la valeur vénale du bien, comme cela existe dans les pays d Nord, mérite d’être étudiée. Les établissements publics fonciers doivent pouvoir mobiliser des ressources plus importantes, en particulier une partie des droits de mutation.

Ainsi avec la régulation du foncier, celle des prix de l’immobilier constitue l’autre urgence pour réussir le droit au logement, singulièrement dans les zones tendues.

Je voudrais conclure, chers collègues en souhaitant que notre pays trouve les voies et moyens de réinventer une forme contemporaine de planification. Quand plus d’un million 400 mille foyers ont établi une demande de logements sociaux, que les plus en difficultés attendent dans des centres d’hébergement un logement décent et stable, il faut programmer, territorialiser et planifier. Mais dans une France décentralisée, il faut articuler l’engagement de l’Etat et le rôle des collectivités locales. Leur autonomie ne saurait les soustraire à leurs devoirs républicains. C’est pourquoi, une politique du logement territorialisée et contractuelle  est indispensable, mais le temps est venu de garantir que les contrats engagent réellement les parties et que des sanctions soient engagées lorsque soit l’Etat, soit les collectivités ne tiennent pas leurs engagements. Le contrat devra ainsi, lui aussi, être opposable ! Les renvois de balle trop fréquents entre l’Etat et les collectivités sont insupportables, au regard de l’urgence sociale !

Chers collègues, les propositions de nos rapporteurs en faveur des actions dans l’urgence sont aussi très essentielles. Mais, le temps étant compté je me suis permis d’insister, au nom du groupe de la coopération qui soutiendra le projet d’avis, sur la nécessité de réorienter radicalement les politiques du logement et lorsque je dis réorienter radicalement, je prends en compte une période longue, où l’alternance politique a eu lieu. Car ce sont les fondamentaux de nos politiques qu’il faut revoir. Sinon, nous sommes condamnés à échouer. Or comment expliquera t on aux jeunes générations que la France des droits de l’homme et du citoyen, l’une des premières puissances économiques du monde, n’est pas capable d’assurer à chacun un logement décent ? On ne peut chercher la cause de nos faiblesse ailleurs, ni même se cacher derrière la mondialisation. Réussir  le DALO est à porter de main de notre pays. Ce n’est pas plus difficile que ce que nos ainés ont entrepris avec le droit à l’instruction sous Jules Ferry. D’une certaine façon, c’est presqu’aussi important pour l’avenir de notre République ! En tout cas, c’est une nouvelle frontière à dépasser !

 

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