Le bonheur de la victoire

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Ce matin, l’air semble plus léger, plus printanier. Le départ de Nicolas Sarkozy apparait comme un soulagement, la France va pouvoir respirer et, j’en suis persuadée, reprendre confiance en elle-même.

La nuit a été festive, le bonheur est plus grave qu’en 1981, car la confrontation passée au pouvoir et la dureté de la situation économique et sociale actuelle  nous rappelle l’indispensable sens des réalités. Pour autant,  l’optimisme, pour raisonné qu’il soit, est profond. Si l’on veut bien regarder  la période historique, François Hollande devient président de la République a un moment singulier. Lorsque  François Mitterrand accéda aux plus hautes responsabilités, la vague libérale était montante partout dans le monde, avec Reagan et Tatcher, et  la gauche était à contre-courant de ce mouvement. Aujourd’hui nous gagnons en peine crise du système, de l’Europe, en période de reflux de cette idéologie libre échangiste et de financiarisation généralisée.  C’est un moment crucial où des transformations majeures sont en cours. C’est un moment où tout peut basculer vers le pire, le nationalisme, la régression sociale et des libertés mais aussi vers le meilleur, un monde nouveau plus juste, plus solidaire, plus humain et responsable pour les générations à venir. Bref l’incertitude des temps offre aux politiques, aux peuples l’opportunité d’ouvrir un chemin nouveau pour l’avenir.

Et c’est là que l’élection d’un président de la République socialiste en France  porte un espoir profond. Celui de faire face à l’urgence économique et sociale mais aussi d’impulser réellement le changement !  Optimisme donc, lucidité aussi, mais en tout cas un volontarisme sans faille pour saisir toutes les opportunités de cette période charnière. Un vieux monde disparait, un nouveau se dessine, nous pouvons le façonner. N’y renonçons jamais. Je pensais à tout cela voyant François Hollande radieux sur les estrades de Tulle et de La Bastille, mais aussi en observant toutes ces foules, ces jeunes  qui attendent tant.

A peine, le champagne et la joie partagés, le bonheur de la victoire savouré, vient le temps du regard sur les résultats et les échéances à venir.

Sans avoir pu développer des  analyses très affinées, on peut tirer quelques premières leçons du scrutin.

– La victoire de François Hollande s’est opérée au premier tour, grâce à un socle de gauche proche des 44% et de plus atteint avec  une progression de chaque composante de gauche ou  écologiste. Sans ce socle et sans la dynamique de rassemblement entre les deux tours, rien n’aurait été possible. On notera que près des 90% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et d’Eva Joly ont voté pour François Hollande au second tour. C’est la crédibilité de la victoire et  du changement qui a permis l’élargissement en direction de républicains, d’humanistes et  la concrétisation du rejet de Nicolas Sarkozy. Plus que jamais l’unité Rouge Rose Vert est le talisman de la victoire et devra être soigneusement consolidée et entretenue pendant ces 5ans.
– La droite  s’est radicalisée depuis des années avec une accélération sous l’influence de Nicolas Sarkozy. Cette réalité ne doit pas être sous-estimée. Et même le centre qu’on pouvait imaginer particulièrement  offusqué par le flirt entre le candidat UMP et les thèses du FN s’est massivement reporté sur le président sortant ( plus de la moitié) en dépit du vote personnel de François Bayrou (environ 30 à 33% de ses électeurs ont suivi cette attitude, les autres se sont abstenus)… on peut en tirer plusieurs leçons. La première est ,comme le disait François Mitterrand, que le centre n’est pas  » ni droite ni gauche » mais bel et bien « ni gauche, ni gauche »! La seconde est plus alarmante: l’idéologie du front national s’est banalisée, elle devient la bouée de secours d’une droite qui a de plus en plus de mal à convaincre des vertus du libéralisme. Cette dérive est assez classiquement observée en période de crise. L’histoire peut en témoigner. Mais il faut hélas constater qu’autour de nous en Europe et sous d’autres formes avec le néo-conservatisme aux USA, ces évolutions se multiplient!  Il y a donc à reprendre l’offensive idéologique et politique pour proposer une alternative progressiste et redonner un contenu effectif aux valeurs de notre République. Le seul appel au sursaut moral de la droite dite républicaine ne suffira pas.
– Dans certaines régions où la désindustrialisation est forte, Marine Le Pen avait fait un très bon score au premier tour et Nicolas Sarkozy a su le plus souvent capitaliser, passant  devant François Hollande en particulier dans des départements de l’est de la France. La thématique de la « valeur  travail »,  de « l’assistanat » à encore fait mouche dans certains secteurs du monde du travail. Plus de 51% de l’électorat de Marine Le Pen s’est reporté sur Nicolas Sarkozy et moins de 14% pour François Hollande. L’ampleur du vote blanc montre que la consigne de vote de la candidate du FN  a été plus suivie que de coutume témoignant d’une part croissante d’électeurs marqués par une réelle adhésion à ses choix.
Si à l’évidence, il sera difficile pour la gauche de détourner la véritable extrême droite du vote Le Pen, il est essentiel de travailler à la reconquête des salariés touchés par la désindustrialisation du pays.
– En revanche, François Hollande a bénéficié d’un large soutien des quartiers populaires, des banlieues. la gauche est attendue par celles et ceux qui y vivent et qui attendent d’être considérés avec respect, dignité, comme tous nos concitoyens et qui attendent eux aussi la tenue de la promesse républicaine d’égalité. Elle ne peut pas les décevoir.
En tout cas, les années de présidence de Nicolas Sarkozy auront laissé une France éclatée où la classe ouvrière, le monde salarié, les couches populaires sont plus fragmentés que jamais,  mis en concurrence en opposition. Rien n’est plus urgent que de retisser des convergences réelles d’intérêt et de progrès commun. On parlait jadis de constituer un front de classe. Au fond c’est bien de cela qu’il s’agit de réinventer. C’est une des missions prioritaires de la période pour la gauche comme pour le président François Hollande. Il l’a d’ailleurs évoquer avec force dans sa première allocution après la victoire
En tout cas, ça  fait plaisir pour la première fois d’utiliser cette formule: Le président François Hollande!

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