Ma tribune dans Le Nouvel Observateur: Etre une femme en politique, convaincre plutôt que séduire

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 http://leplus.nouvelobs.com/contribution/551500-etre-une-femme-politique-je-prefere-convaincre-plutot-que-seduire.html

Par Marie-Noëlle Lienemann
Sénatrice PS

Sur la question de la parité, il y a un tel décalage entre la loi et la réalité que l’on ne peut pas l’ignorer. La parité devrait être une évidence mais force est de constater que ça ne l’est pas. Il faut mener ce combat pour l’égalité et pour légitimer cette indispensable complémentarité entre hommes et femmes.

Mais les femmes ne doivent pas se placer en victimes. Il leur faut valoriser la force de leur compétence, de leur personnalité.

Le sujet est moins « j’ai le droit à cette place » que « c’est ma place, pourquoi est-ce que je ne l’ai pas ? »

Un long parcours politique légitimateur

A mes débuts, dans les instance du PS, comme je suis une émotive, il m’arrivait d’avoir les larmes aux yeux, la gorge serrée… Cela rendait mal à l’aise beaucoup de gens. Je voyais bien que ce n’était pas dans les codes.

Quand je suis devenue ministre, je n’ai pas ressenti de problème de machisme, mais mon histoire politique est longue. J’étais déjà habituée à prendre la parole en public et je venais du monde scientifique, en physique-chimie qui était un milieu très masculin, surtout dans les grandes écoles ! Je n’ai donc jamais sexué mon approche politique. Je ne repérais d’ailleurs pas ce qui aurait pu paraître machiste. J’avais déjà exercé de nombreux mandats, personne ne contestait mon arrivée, personne ne remettait en cause ma compétence.

Je suis arrivée au ministère de l’équipement, où il n’y avait jamais eu de femmes ministres. Dans l’administration il y avait beaucoup des ingénieurs des Ponts et chaussées, mais ils ne m’impressionnaient pas. Je n’ai pas non plus eu l’impression d’être atypique, puisque j’étais dans le sérail depuis longtemps.

Mon parcours d’élue m’a beaucoup aidée parce que j’avais fait mes preuves. Certaines autres femmes de ma génération arrivaient de cabinets pour devenir ministres, comme Elisabeth Guigou ou Ségolène Royal. Ces femmes ont dû plus se battre que moi pour s’imposer, parce que finalement, il faut encore plus d’atouts aux femmes qu’aux hommes dans ces milieux.

Jamais de séduction

Au long de ma carrière politique, je n’ai jamais étalé ma vie personnelle. Pourtant, ma vraie difficulté était bien là : comment faire coïncider mon travail et ma vie de femme, de mère. Je ne l’ai jamais mis en avant.

Je n’ai jamais non plus usé de rapports de séduction. Je suis une femme de conviction, de raisonnement. J’aime que les gens soient convaincus et non séduits. Pour autant, je ne crois pas passer pour un garçon manqué. Les femmes de conviction sont souvent taxées de « trop autoritaire », « trop masculine », mais il arrive aussi d’être qualifiée de trop sensible. Je ne fais pas attention à ces qualificatifs. J’ai toujours été une combattante.

Au final, on imagine les femmes jouant d’abord sur la séduction. Moi, cela m’a aidée de ne pas le faire, j’en suis convaincue. Je n’étais pas dans le rapport de genre. Mais je ne critique pas pour autant celle qui font ce choix. Chacun son tempérament.

Il m’est arrivée aussi de prendre des décisions difficiles. J’ai été l’une des rares à voter contre la première Guerre du Golfe et en descendant de la tribune un de mes camarades m’a traité de « salope ». Si j’avais été un homme, on m’aurait traité de « gros con ». Salope, c’est l’injure habituelle pour les femmes mais, finalement, quelle différence avec « gros con » ? Cela ne m’a pas atteinte plus que cela. L’important, c’est de se sentir invulnérable.

La confiance, la clef

L’atout majeur que les femmes doivent acquérir, c’est une grande confiance en elles. En général, les hommes ont plus facilement confiance en eux.

Un exemple : lorsque j’étais maire, ma liste était paritaire. Je trouvais cela naturel. Mais ce que j’ai observé, c’est que, parmi les hommes à qui je proposais une place, aucun ne m’a dit qu’il n’aurait pas le temps ou qu’il ne se sentait pas la compétence. Parmi les femmes, si, et même chez celles que je pensais être meilleures que beaucoup d’hommes.

Le premier capital que les femmes doivent gagner, c’est donc la confiance. Et malheureusement, elles ne peuvent compter sur personne pour la leur donner ! Elles doivent compter sur elles seules.

Et cela passe aussi par le regard médiatique. Lorsque l’on parle du futur gouvernement de François Hollande, on entend facilement que les « grands postes » seront donnés aux hommes et les « petits postes », aux femmes. Mais je pense que des tas de ministères dits régaliens donnent l’impression d’être importants alors que, finalement, ils ne le sont pas tant que cela lorsqu’on observe leur influence sur la vie de nos concitoyens et l’avenir du pays.

Ce qu’il est important d’observer est qui siègera au Conseil des Ministres.

Il faut continuer à veiller et ne pas se contenter de dire que les femmes ont des petits postes. Ce qui est important, c’est qu’elles fassent des grandes choses.

 

Propos recueillis par Louise Pothier

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