Débat l’Humanité: Face à la finance, la gauche a-t-elle le pouvoir? avec Marie-Noëlle Lienemann, Pierre Laurent et Jean-Vincent Placé

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin

Retrouvez cette table ronde sur le site de l’Humanité: http://www.humanite.fr/debats/face-la-finance-la-gauche-t-elle-le-pouvoir-513176

 

Table ronde avec Marie-Noëlle Lienemann, animatrice de Gauche Avenir, sénatrice PS. Jean-Vincent placé, sénateur, président du groupe EELV au Sénat. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, sénateur Front de gauche.

Rappel des faits Le 6 mai 2012, une majorité deFrançais votait pour le changementà l’issue d’une campagne marquéepar le rejet du « président desriches » et de « l’emprise de lafinance ». Six mois plus tard, leprésident de la République prônaitla « politique de l’offre »…Vote du budget 2013 dans ladroite ligne du traité européend’austérité et le respect des 3 %du PIB, réductions drastiquesdes dépenses publiques etsociales, reculade devant« les pigeons », mise en placedu pacte de compétitivité sans contrepartie pour l’emploi et les conditions de travail,capitulation face à Mittal pourle site de Florange, etc. Suiteà plusieurs grandes décisionsgouvernementales, le malaise esttrès fort au sein du peuplede gauche, des électeurset des militants socialistes,communistes et écologistes, chezles salariés, les syndicalistes etles associations. La gauche estellecapable de mettre en oeuvreune alternative aux logiquesfinancières du capitalisme et àses politiques d’austérité ?Et comment faire autrement ?Le débat est en cours.

Lors de ses vœux pour 2013, François Hollande ?a réaffirmé les choix ?du gouvernement Ayrault. Correspondent-ils, selon vous, à l’aspiration au changement exprimée par une majorité de Français après cinq années ?très dures de sarkozysme??

Marie-Noëlle Lienemann. La création des emplois d’avenir, les contrats de génération pour combattre le chômage sont positifs, une partie des mesures fiscales améliore la justice sociale. En revanche, la marche forcée vers l’objectif de réduction des déficits publics à 3?% va étouffer la croissance. Cet alignement aux politiques européennes d’austérité est dangereux et les mesures annoncées de relance ne sont en rien convaincantes. Les 20?milliards de crédits compétitivité versés à toutes les entreprises, sans distinction entre celles qui sont confrontées à la concurrence mondiale et les autres, qui plus est sans contrepartie, me semblent une erreur. La hausse de la TVA est un mauvais choix. Donc, oui, j’appelle de mes vœux une réorientation pour mieux incarner le changement défendu lors des campagnes récentes.

Jean-Vincent Placé. L’alternance, après dix années de politique de droite dont cinq sous Sarkozy, avec les échecs et les méfaits dont le pays et nos concitoyens ont tant souffert, a évidemment suscité une grande attente pour une réelle alternative politique. Aussi, nous, parlementaires de la majorité gouvernementale, nous souhaitons ardemment la réussite du gouvernement dirigé par Jean-Marc Ayrault. Europe, emploi, conversion écologique de l’économie, transition énergétique, pouvoir d’achat, logement, biodiversité, qualité de vie, réforme des institutions?: que de beaux combats pour la gauche pour ces cinq années.

Il est trop tôt, après huit mois, pour dresser un bilan de l’action de François Hollande et du gouvernement. Mais nous pouvons d’ores et déjà analyser les orientations stratégiques de ce début de quinquennat au regard de la politique européenne menée avec l’adoption du TSCG, la politique économique, industrielle, budgétaire et fiscale suivie avec l’instauration du crédit d’impôt compétitivité et emploi et l’objectif revendiqué du dogme des 3?% de déficit. Il y a lieu de s’inquiéter sur l’inflexion sociale-libérale de la politique économique menée en 2012, bien loin du discours du Bourget. Nous devons être extrêmement vigilants, en 2013, quant à la réforme bancaire et au droit du travail.

Pour nous écologistes, l’attente est également très forte pour une réorientation écologique?; et le moins que l’on puisse dire est qu’entre l’excellent discours de François Hollande lors de la conférence environnementale et les actes, il y a un fossé.

De plus, les reculs et le manque de volontarisme sur le droit de vote des étrangers, le non-cumul des mandats ou la PMA expliquent d’évidence l’éloignement de la politique menée par le gouvernement de nombre d’électeurs enthousiastes en mai.

Pierre Laurent. Je l’avais dit le soir même?: les attentes des Français restent entières. Et chaque grande décision prise semble éloigner l’action gouvernementale de ces attentes au lieu de s’en rapprocher. En confirmant son choix du «?choc de la compétitivité?» et de l’abandon de toute ambition de renégociation européenne, le président donne le sentiment de se placer en deçà des possibilités réelles de changement avant même de s’y essayer. Ceux qui l’ont élu s’attendent à ce que le chef de l’État prenne fait et cause pour eux, qui subissent la crise, et non qu’il ménage ceux qui l’ont créée. Le soutien à l’accord Medef-CFDT qui prend à rebours les problèmes du chômage et de la précarité, confirme ce pli pris par le gouvernement. Cela va finir par sonner comme du défaitisme. Rien ne serait plus négatif que de persister en ce sens. Pour sortir le pays de la crise, il est plus que jamais nécessaire et possible de rompre avec les logiques de la finance. C’est une idée potentiellement majoritaire à gauche que nous sommes décidés à faire grandir dans le pays avec la campagne du Front de gauche pour l’alternative à l’austérité que nous allons lancer à Metz, le 23?janvier.

En matière économique et sociale, les difficultés touchent de plein fouet les peuples d’Europe. La crise de l’euro est-elle «?derrière nous?»??

Jean-Vincent Placé. Des mesures importantes ont été prises pour lutter contre la crise de l’euro qui s’intensifiait. Le plan de relance négocié par le président de la République, la supervision bancaire, la taxe sur les transactions financières représentent de véritables avancées. La Banque centrale européenne a, dans les discours au moins, davantage manifesté de volontarisme en matière d’intervention sur les marchés et d’aide aux États en difficulté. Mais il me paraît prématuré d’annoncer la fin de la crise de l’euro. La récession et les coupes budgétaires drastiques engendrent des situations dramatiques, en Grèce, en Espagne, en Italie, au Portugal. Les conséquences sur l’emploi, le pouvoir d’achat, la consommation, l’investissement sont désastreuses. De ce point de vue, l’année 2013 sera terrible. Notre salut est dans l’Europe, non pas l’Europe libérale, technocratique et antidémocratique actuelle, mais bien une Europe fédérale qui se réapproprie les leviers politiques de pouvoir tant budgétaires, fiscaux, économiques, industriels que monétaires.

Pierre Laurent. Non, je ne partage pas ce constat. En réalité, les dispositifs censés juguler la crise ont aggravé la situation. Partout où les politiques d’austérité ont été appliquées, les pays s’enfoncent dans la récession et les peuples dans la crise sociale, voire humanitaire. La zone euro enregistre un taux de chômage record?: 11,8?% de la population active. Il dépasse les 26?% en Grèce et en Espagne. La crise est plutôt en train de s’étendre, comme on le voit à Chypre. Aucun pays européen n’est à l’abri, y compris la France, puisque le gouvernement a choisi la soumission aux logiques de la finance alors qu’il avait suscité l’espoir bien au-delà de nos frontières. Si un changement de cap n’est pas opéré immédiatement dans le sens du redressement productif, d’un contrôle public des institutions financières, notamment de la Banque centrale européenne, et d’une harmonisation des droits sociaux par le haut, nous allons vers une multiplication des crises. Les banques et le patronat ne changeront pas leurs pratiques par l’opération du Saint-Esprit. La bataille pour des alternatives à l’austérité doit absolument se déployer dans la convergence au niveau européen. Les rendez-vous de mobilisations en mars, avec la CES, et en juin, avec l’Altersummit à Athènes, seront essentiels.

Marie-Noëlle Lienemann. Les récentes mesures qui garantissent les dettes des pays les plus en difficultés constituent une stabilisation monétaire qui a, pour l’heure, stoppé les attaques spéculatives sur l’euro. Dire que la crise de l’euro est derrière nous est optimiste, même si je l’espère. En revanche, la crise de l’Europe est, elle, majeure et demeure devant nous. Notre continent est l’une des rares régions du monde qui va être en quasi-récession. En son sein, les inégalités ne cessent de se creuser entre pays et dans chacun des États membres. Cela porte en germe des risques d’implosions sociales, politiques, et constitue une fragilisation inquiétante. De surcroît, le chômage mine notre jeunesse, l’austérité déstabilise et érode le modèle social qui caractérisait le projet des pères fondateurs de l’Europe. Cette crise-là est majeure, essentielle, et il est de notre devoir d’imposer une politique alternative. Je donne deux exemples. Il faut stopper le dumping social et imposer, dans les traités, le principe de convergences sociales vers le haut, en particulier pour les Smic. Un impôt européen permettrait de financer des plans ambitieux pour la transition énergétique. La solidarité, les projets communs, l’intérêt général doivent prendre le pas sur la concurrence généralisée qui oppose les peuples.

Les décisions politiques actuelles permettent-elles d’atteindre l’objectif d’une amélioration sur le front de l’emploi pour 2013?? Quelles mesures prioritaires faut-il prendre pour inverser la tendance régressive??

Pierre Laurent. Les décisions prises ne sont en aucun cas de nature à sauver ni à recréer de l’emploi parce qu’elles sortent du moule du social-libéralisme qui consiste à faire de la compétitivité un des critères de ces choix politiques. Les négociations sociales devaient sécuriser l’emploi mais elles débouchent sur un ensemble de mesures qui sécurisent le licenciement et la flexibilité. Pour faire reculer significativement la précarité il fallait avoir de la détermination. Celle, par exemple, de pénaliser financièrement l’usage massif des contrats courts et précaires, au lieu de céder au leurre de l’exonération des charges sociales patronales. Ce n’est pas le résultat atteint.

Pour autant, ce n’est pas le moment de considérer le dossier clos, mais au contraire d’ouvrir le chantier avec les salariés et leurs syndicats d’une véritable sécurisation de l’emploi et de la formation. C’est l’appel que j’ai lancé aux parlementaires le 14?janvier. Avec le Front de gauche nous avons beaucoup de propositions que nous versons au pot commun et nous sommes prêts à travailler avec tous. Les avancées sociales attendues auront besoin d’avancées démocratiques réelles. Les salariés et leurs représentants doivent maintenant pouvoir intervenir dans les comités d’entreprise pour suspendre les décisions de licenciements des employeurs et faire valoir des contre-propositions aux restructurations. Un projet de loi est prêt, il peut être enrichi et adopté sans plus attendre.

Jean-Vincent Placé. Les politiques libérales et sociales-démocrates ont un point commun au moins?: elles misent toutes sur la croissance. Elles attendent beaucoup de l’économie internationale, en particulier américaine et chinoise, et espèrent pouvoir tirer profit de cette croissance pour leur propre territoire, avec des mesures d’accompagnement de compétitivité et de la flexisécurité. C’est la politique du Parti populaire européen et du Parti socialiste européen.

La politique française tend à s’uniformiser avec la politique européenne et à se rapprocher de la politique allemande avec son cortège de temps partiels subis, de bas salaires et de précarité. Il me semble qu’un gouvernement de gauche a vocation à défendre nos services publics, notre droit du travail, nos retraites et nos salaires. Ce modèle social doit s’accompagner d’une nécessaire conversion de notre appareil productif vers des filières modernes et innovantes, notamment en matière écologique?: énergies renouvelables, transports collectifs, rénovation thermique des bâtiments et agriculture biologique. Cela ne pourra se réaliser sans une gigantesque mobilisation du pays et sans un renforcement de la formation professionnelle, de la recherche-développement ou de l’innovation, en particulier dans les PME et PMI.

Marie-Noëlle Lienemann. Il est essentiel de relancer les capacités industrielles du pays en développant sérieusement des filières d’avenir. Les récentes décisions de Delphine Batho pour la filière solaire montrent une voie. Une politique industrielle de filière doit être maintenant généralisée, en faisant jouer à fond la nouvelle banque publique d’investissement, en soutenant la recherche et la commande publique.

Défendre l’emploi passe par une loi encadrant les licenciements économiques abusifs (licenciements boursiers), imposant la reprise en cas de fermeture d’entreprise si un repreneur est crédible, améliorant la démarche coopérative et assurant la priorité accordée à celle opérée par les salariés. Le recours à des nationalisations, fussent-elles temporaires, peut sauver et développer des secteurs clefs.

La reprise de la croissance, une croissance durable, passe par une augmentation des salaires et du pouvoir d’achat des plus modestes comme par la relance de grands investissements publics (logements sociaux, transports non polluants, généralisation de l’accès à l’Internet haut débit, etc.). D’où la nécessité de desserrer l’étau du déficit inférieur à 3?%, ne serait-ce qu’en en sortant les dépenses d’investissements.

Des marges de manœuvre se trouveront dans une réforme fiscale plus globale au-delà des mesures déjà prises. Je reprendrai volontiers les propositions de Thomas Piketti sur la révolution fiscale.

 

Après la conversion à «?la politique de l’offre?», le malaise a été très fort parmi les militants de gauche. ?Face à la finance et aux puissances de l’argent, la gauche a-t-elle ?le pouvoir??

Jean-Vincent Placé. Depuis 1981, bien des bouleversements se sont produits, de la chute du mur de Berlin à la mutation politique et économique chinoise. Le rapport des forces pour la régulation et la redistribution s’est fortement détérioré au profit du libéralisme, de la dérégulation et du capitalisme. Pour autant, il ne faut pas baisser les bras, même si la seule réponse nationale devient de plus en plus obsolète, je crois à une réelle politique d’investissement d’État. La BPI constitue un bon outil pour soutenir ce dynamisme dans les filières d’avenir, notamment dans l’économie sociale et solidaire ou la transition énergétique.

Nous écologistes souhaitons également que la gauche se réapproprie le pouvoir au niveau européen. Nous faisons le rêve d’une Europe fédérale avec un budget multiplié par cinq, tourné vers les services publics, la solidarité, une taxe carbone, ainsi qu’un contrôle politique de la monnaie. Sans ce saut vers une Europe volontariste et ambitieuse, ce sera la victoire inéluctable des égoïsmes nationaux et des politiques libérales.

Pierre Laurent. La gauche n’a les mains liées face à la finance que si elle refuse de l’affronter et renonce à mobiliser les forces du changement et le monde du travail. Depuis des années, on assène que le «?coût du travail?», les protections sociales dont bénéficient les salariés, le haut niveau de nos services publics seraient responsables du manque de compétitivité des entreprises et de l’économie françaises. Mais les blocages des salaires et la généralisation de la précarité, la flexibilité des travailleurs, les économies sur les dépenses sociales et publiques n’ont pas empêché la montée du chômage et les délocalisations industrielles.

La gauche doit donc se libérer totalement de ces fables. En donnant de nouveaux droits aux salariés, aux organisations syndicales, elle peut revaloriser le travail par les salaires, la reconnaissance des qualifications et une sécurisation des emplois. Grâce, notamment, à une réforme fiscale juste et à une maîtrise publique du crédit, elle peut consacrer des moyens dignes de notre siècle à l’éducation, à la formation et à la recherche. Elle peut engager un développement industriel et des services conjuguant l’ambition sociale et environnementale. Certes le Medef et les forces réactionnaires voudront s’y opposer. Mais si la gauche s’engageait avec détermination dans cette voie, elle pourrait s’appuyer sur une très grande mobilisation populaire. La gauche peut renverser la donne et c’est ce à quoi travaille le PCF.

Marie-Noëlle Lienemann. Il ne faut pas céder à la pression des agences de notation. Seuls comptent vraiment l’état de l’économie réelle, les capacités productives, la qualification de la population et la performance des services publics. Ne nous trompons pas de priorités. Le projet de loi bancaire bientôt examiné au Parlement peut être amélioré en séparant davantage les activités de dépôts et d’investissements, en restaurant une représentation des salariés au conseil d’administration, en y introduisant un censeur de l’État. La vigilance s’impose pour garantir et renforcer la remontée des fonds du Livret A vers la Caisse des dépôts et consignation et doubler son plafond. Si la BPI est créée, sa dotation financière est encore insuffisante et nous devons donner force à un pôle public bancaire.

 

Il existe des majorités, à l’Assemblée nationale et au Sénat, dans les assemblées locales, pour mener ?à bien le changement…

Pierre Laurent. Pour que ces majorités soient utiles au changement, il faudrait qu’elles acceptent de dégager leurs choix des logiques d’austérité ou de compétitivité patronale. Or tout le problème est là?: le gouvernement socialiste et Verts pousse à les y enfermer. On atteint la caricature avec la demande du gouvernement de transcrire au Parlement sans y toucher un accord Medef-CFDT tout à la fois régressif et minoritaire. Je crois que le nombre d’élus de gauche qui refusent ces carcans peut grandir au plan local et progressivement au plan national. Mais soyons clairs?: il faut pour cela que les citoyens, les salariés, les syndicalistes qui ont voulu le changement pèsent dans le débat en se mobilisant et que les forces du Front de gauche travaillent sans cesse à l’élargissement du rassemblement en faveur de propositions alternatives.

Marie-Noëlle Lienemann. Le rassemblement des forces de gauche et écologistes autour d’une plate-forme législative commune est impératif pour réussir le changement, pour remettre en mouvement les couches populaires et les salariés sans lesquels le redressement du pays n’est pas possible. Avec mes camarades de la gauche du PS, nous demandons la création d’un comité permanent de liaison entre les partis de gauche et écologistes. Reste qu’il faudra que chacun fasse des efforts, respecte ses partenaires en cherchant des convergences ambitieuses.

Jean-Vincent Placé. Le système institutionnel de la Ve?République a une logique simple et mécanique?: elle est présidentielle. Le quinquennat a accru cette tendance. Les élections législatives sont juste une formalité destinée à donner une majorité absolue au président. Le gouvernement est à l’image de cette majorité?: 36?membres du PS sur 38?ministres.

À cet égard, je regrette le choix du PCF de non-participation. L’action de Marie-George Buffet et Jean-Claude Gayssot a été utile au gouvernement Jospin, dans leurs secteurs bien sûr, mais aussi au niveau de l’orientation générale du gouvernement, notamment les trois premières années.

Pour l’heure, il me paraît essentiel de renforcer le dialogue et les débats entre les groupes parlementaires de gauche, au niveau partidaire également. Nous avons mis en place, avec le PS, des groupes de travail transversaux sur la conversion écologique de l’industrie, sur la fiscalité écologique et sur l’agriculture. Ces lieux de discussion ont vocation à être le plus large possible. Il faut également accroître nos discussions avec les syndicats, les associations, les citoyens pour que la gauche politique n’ait pas le même destin que ses devanciers de?1988 et?1997.

 

Certains évoquent la construction d’une majorité nouvelle à gauche pour mener la politique à la hauteur des besoins sociaux attendus ?par le suffrage exprimé des Français. Qu’en pensez-vous??

Marie-Noëlle Lienemann. Je souhaite une nouvelle étape, mais elle ne peut s’opérer qu’avec toute la gauche et un nouveau centre de gravité plus à gauche.

Jean-Vincent Placé.? Cette majorité nouvelle à gauche ne peut être qu’issue d’un choix démocratique des Français. Nos concitoyens ont souhaité une majorité autour de François Hollande et du Parti socialiste. J’ai, pour ma part, le souci de faire réussir cette majorité et donc de peser sur ces choix. Tant en matière économique et sociale que fiscale, je continuerai à proposer l’option nécessaire de la transition écologique de l’économie et la mise en œuvre d’une fiscalité verte à même de changer les modes de consommation et de production pour lutter fortement contre le dérèglement climatique. Dans la situation difficile du pays, nous avons besoin d’unité et de rassemblement, mais nous avons besoin aussi de propositions hors de la pensée unique, c’est pour cela que je suis ravi de ce débat, qui démontre qu’il y a une attente très forte dans la gauche socialiste, écologiste et communiste pour donner un sens et influer sur la politique de notre pays.

Pierre Laurent. Cette majorité d’idées, d’action, cette majorité politique, il faut la construire. Aucune dimension de la bataille ne doit être négligée. Il y a des enjeux immédiats pour obtenir l’inflexion de tel ou tel projet gouvernemental puis, progressivement, c’est tout le cap qui doit être modifié. Et dans chaque bataille, il faut viser l’unité la plus large possible. Il est évident que les forces du Front de gauche, des élus socialistes ou écologistes réticents aux orientations actuelles, mais aussi de très nombreux acteurs des mouvements syndicaux et associatifs peuvent travailler ensemble aux changements nécessaires. Il ne faut laisser passer aucune occasion de faire progresser ces rassemblements. Nous devons faire reculer en toutes circonstances l’idée que les choix gouvernementaux sont les seuls possibles à gauche.

Entretiens croisés réalisés par Pierre Chaillan

LES DERNIERS ARTICLES