L’Express.fr L’Expansion 23 avril Plan de relance: « Il faut passer à un rapport de force avec Angela Merkel »

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Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris, a présenté un Plan de relance écologique et social pour la France et l’Europe pour contrebalancer le programme de stabilité du gouvernement. La relance, ici et maintenant? Nos questions.
C’est comme si, à part l’Allemagne, plus personne ne voulait de l’austérité. Après Arnaud Montebourg, Cécile Duflot et Benoît Hamon, qui ont demandé à François Hollande d’infléchir sa politique économique, le FMI par la voix de Christine Lagarde, et la Commission européenne par celle de José Manuel Barroso, ont émis des doutes sur la pertinence de poursuivre les politiques de réduction des déficits. En effet, les dettes publiques en Europe ne font que s’aggraver et que les tensions sociales se font de plus en plus vives. Avec le vice-président de la région Ile-de-France Emmanuel Maurel, le député Jérôme Guedj, et les économistes David Cayla et David Vasseur, Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris, présente un « Plan de relance écologique et social pour la France et l’Europe » qui appelle à mettre un terme à l’austérité en France. Ce plan qui prévoit 43 milliards d’investissement, dont 28 milliards de fonds publics, devrait « créer ou préserver » 500 000 emplois et permettre de gagner 3,3 points de PIB. Il serait financé par un emprunt national, par les collectivités locales et par des fonds européens, ainsi que par un redéploiement du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Trop beau pour être vrai, alors que le gouvernement présente un programme de stabilité budgétaire jusqu’en 2017 devant l’Assemblée nationale? Nous avons demandé quelques précisions à Marie-Noëlle Lienemann.

Trois ministres du gouvernement ont demandé la fin de l’austérité, et même le FMI et l’Union européenne pointent ses limites. Qu’apporte votre plan dans ce concert ?
Effectivement, même les structures qui la préconisaient sont gagnées par le doute. Et les sondages sont clairs, les Français refusent l’austérité. C’est pourquoi le programme de relance que nous proposons est suceptible de rassembler largement. Il est vrai que nous avons des choix qui sont marqués à gauche: augmenter les dépenses publiques sur certaines cibles précises, augmenter certains salaires. A droite, on préconise d’alléger les charges sociales. Mais tout le monde est d’accord sur un point: il est temps de choisir une statégie de relance. Nous proposons des instruments, au gouvernement de faire ses choix.
Franklin D. Roosevelt et son New Deal sont des références importantes pour vous. Que manque-t-il à François Hollande pour être un nouveau Roosevelt?
La construction européenne et la mondialisation ont changé la donne. Et François Hollande a toujours été un partisan de la réduction des déficits. Mais il peut encore changer, comme Roosevelt lui-même qui a d’abord défendu la rigueur budgétaire contre Hoover. Ce qu’il doit faire pour devenir un Roosevelt français, c’est s’affirmer face à Angela Merkel. Il faut établir un rapport de force avec elle. Il y aujourd’hui une opportunité en Europe. Nous avons remarqué que les Pays-Bas, qui défendent habituellement la rigueur budgétaire comme l’Allemagne, ont changé de discours sur l’austérité parce qu’ils ne parviennent plus à réduire leur déficit. C’est une bonne nouvelle.

Vous proposez de mieux indemniser le chômage. Mais cela ne peut-il pas devenir un danger pour l’emploi ?
Pas du tout, Barack Obama l’a fait, et cela a contribué à la relance américaine. Ce que nous proposons surtout, c’est d’augmenter les sommes pour l’indemnisation du chômage partiel et le maintien des postes dans l’entreprise. De la sorte, la France sera prête quand la reprise mondiale aura lieu, ce qui aura lieu tôt ou tard. Nous estimons aussi qu’il vaut mieux être au chômage qu’au RMI ou au RSA, car le statut permet une recherche d’emploi plus active. Socialement, il est aussi moins discriminant, ce qui compte dans les familles.

Vous voulez augmenter les salaires dans des secteurs abrités de la concurrence. Mais où sont-ils à l’heure de la mondialisation ?
Mais il y en a beaucoup! Les emplois de Carrefour en France, par exemple, ne sont pas liés à la concurrence mondiale, pas plus que ceux des entreprises de nettoyage, ceux des cliniques privées, ou du BTP. Nous proposons d’affecter une partie du Crédit d’impôt compétitivité emploi à la revalorisation salariale dans certains secteurs. Comme le rapport Gallois l’a bien expliqué, 50% des sommes reversées dans le cadre du CICE ne va pas à l’entreprise, ni même aux services à l’entreprise. Il faut corriger cela.
Un plan de relance limité au plan national peut-il être efficace dans une économie ouverte ?
Oui, parce que nous croyons qu’il est toujours possible de produire en France. L’investissement public doit permettre à l’industrie française d’accomplir sa mutation, mais elle a déjà des capacités fortes. Il y a de grands chantiers à entreprendre, comme le canal Seine – Nord Europe, des lignes de TGV et de tramway à construire. Pour ces projets, il faut favoriser intelligemment des entreprises françaises, en introduisant par exemple des critères sociaux dans les appels d’offre. Favoriser leurs propres entreprises, les Allemands le font d’ailleurs très bien.

Par Laurent Martinet – publié le 23/04/2013 à 15:57

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