Garantir la préférence aux salariés pour la reprise d’entreprise. Encore un effort dans la loi sur l’économie sociale et solidaire !

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usine scopLe redressement productif de la France suppose que notre pays réussisse la reprise, comme la transmission des entreprises en assurant le maintien de l’activité sur le territoire national ainsi que l’emploi. On estime à 200 000 les emplois perdus chaque année faute de repreneurs pour des entreprises. Et là, la reprise par les salariés et plus encore sous forme coopérative, constitue, lorsque les employés le souhaitent et le peuvent, une excellente solution que les pouvoirs publics doivent favoriser. Le projet de loi sur l’ESS qui a été présenté aujourd’hui en Conseil des ministres par Benoit Hamon, contient des dispositions intéressantes. Mais sur l’un des points majeurs, il ne va pas suffisamment loin, en particulier au regard des engagements présidentiels.  Car il faut non seulement permettre l’information des salariés pour la transmission et la reprise d’entreprises, mais il faut aussi leur accorder une réelle priorité.

Tenir tête au Medef qui ne défend pas l’entreprise mais les patrons.

Le Medef mène depuis des années une bataille idéologique et la gauche ne saurait céder à son chantage. Pour lui, un seul modèle d’entreprise est légitime : le modèle capitaliste, l’entreprise propriété des gestionnaires, et tournée vers leur rémunération maximale.

Il a d’ailleurs en permanence voulu marginaliser celles et ceux qui défendent l’entreprendre autrement et en particulier l’économie sociale, coopérative ou mutualiste.

Le MEDEF a ainsi réagi négativement au projet de loi sur l’ESS, critiquant l’obligation d’information des salariés en cas de transmission ou de projet de reprise des entreprises de plus de 50 salariés ainsi que l’instauration d’un délai, dans les plus petites, leur permettant de présenter une offre de rachat en cas de cession.

On a l’impression de vivre dans un autre temps avec d’un côté des patrons décidant seuls dans leur coin et de l’autre des salariés indifférents à la bonne santé de l’entreprise.

Fort heureusement, les temps ont bien changé et très souvent les capacités de dialogue, un échange régulier d’information, la recherche des meilleures solutions pour le développement de l’activité sont la norme. Mais il y a encore des patrons défaillants, des patrons méprisants vis-à-vis de leurs employés, des patrons qui se croient seuls maîtres à bord et propriétaires exclusifs d’une entreprise dont la richesse dépend  surtout des salariés, sans compter les patrons voyous. Et c’est pourquoi la loi doit être protectrice et éviter la vulnérabilité des salariés, de l’emploi, du développement économique face à des carences ou un mépris de l’intérêt général.

Le MEDEF avait déjà manifesté son désaccord sur toute limitation au pouvoir patronal, dans ce cas de la reprise d’entreprise, lors de l’examen de l’excellent rapport de Patrick Lenancker et Jean-Marc Roiran au Conseil économique, social  et environnemental qui a été approuvé par tous les autres groupes.

Le CNPF (Conseil National du Patronat Français) du père de l’actuel président de l’organisation patronale portait bien son nom. Il représentait le patronat, et le MEDEF reste bien sur cette ligne, privilégiant une certaine défense des chefs d’entreprises et non l’entreprise en soi. Ne soyons pas dupes et ne laissons pas à l’organisation de l’avenue Bosquet la légitimité de parler au nom des entreprises.

Améliorer le projet de loi pour tenir l’engagement de François Hollande pendant la campagne présidentielle: La préférence de rachat par les salariés.

Le projet de  loi sur l’ESS qui  va désormais être soumis au Parlement ne va pas assez loin. Le Sénat, qui l’examinera en premier, doit faire entrer dans nos textes l’engagement que François Hollande avait pris durant la campagne électorale, le 2 mars 2012, devant le CEGES (Conseil des Entreprises, Employeurs et Groupements de l’Economie Sociale), à savoir : « Faciliter la transmission ou la reprise d’entreprises par les salariés en instituant un droit de préférence de rachat, à égalité d’offre, au bénéfice des salariés. »

C’était l’une des 10 mesures que le candidat proposait pour soutenir le développement de l’économie sociale et solidaire. 

Le rapport d’information que j’ai présenté le 25 Juillet 2012 au sénat sur les coopératives en France, reprenait cette idée et  fut largement approuvé par mes collègues.

Comme rapporteur j’ai prolongé ce travail en déposant une proposition de loi sur la reprise d’entreprise en société coopérative de production et qui montre la faisabilité et la conformité à la Constitution d’un dispositif assurant  la préférence des salariés.

Ce sujet est important car il en va aussi de la lutte contre les délocalisations. Les salariés sont souvent d’excellents remparts contre l’intervention de repreneurs qui sont de véritables prédateurs de nos entreprises. Ainsi par exemple, il s’en est fallu de peu pour qu’une entreprise SET, entreprise de pointe, soit vendue à une compagnie singapouro-américaine, alors même que les salariés de l’entreprise avaient fait une offre de reprise et que le repreneur avait fait la preuve en Suisse de ses pratiques de dépeçage des usines rachetées. La première décision du tribunal de commerce n’a pas retenu l’offre des salariés. Après une mobilisation de tous jusque dans les ministères, l’appel a permis de sauver cette entreprise savoyarde.

Pour un cas repéré combien sont ignorés ? Les salariés eux même étant parfois dans l’ignorance de ce qui se trame et dans l’impossibilité de réagir en temps utile. Si, de surcroît, un signe politique et une disposition juridique n’indiquent pas qu’ils peuvent être prioritaires, on peut redouter qu’ils deviennent vite fatalistes et renoncent devant ce qui peut leur paraître une démarche complexe et aléatoire. Trop souvent les dédommagements financiers prennent le pas sur le maintien des activités et c’est redoutable pour l’avenir industriel du pays.

Le Ministre de l’économie sociale et solidaire, il y a un an, indiquait lui-même dans un communiqué de presse le 12 juillet, soutenant les salariés du SET : « Benoît HAMON souhaite que la création d’un droit de préférence pour le rachat d’une entreprise par ses salariés et un statut intermédiaire pour faciliter les reprises en SCOP puissent déboucher à l’occasion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire qui sera présenté au premier semestre 2013 ».

Bercy a encore frappé ?

Alors, il faut tenir nos promesses.

 

Une fois de plus, on nous fait le coup des risques d’inconstitutionnalité d’une telle mesure ! D’une part, les dispositions indiquées dans ma proposition de loi sont conformes à la constitution, d’autre part je ne peux imaginer que les engagements du candidat Hollande aient été pris à la légère, au mépris de nos textes fondamentaux!

On ne peut pas faire « comme si », jouant sur des mots, des formules qui peuvent laisser  croire que des solutions ont été trouvées et que le changement est effectivement engagé, quand au final ce n’est pas le cas.

En tous cas, je serai mobilisée et déposerai au Sénat des amendements pour faire avancer cette idée de la préférence aux salariés, en cas de reprise et de transmission d’entreprises.

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