J’ai voté, ce lundi soir, au bureau national du PS, contre le texte de soutien au pacte de responsabilité et je soutiens les parlementaires qui le refuseront demain à l’Assemblée Nationale.
Voici les 10 raisons qui fondent mon choix.
– 1- 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques en 3 ans constituent une ponction massive sur le pouvoir d’achat, une baisse de l’investissement public, dangereuse économiquement et injuste socialement. Cette ponction va avoir un effet négatif sur la croissance et sur l’emploi et in fine sur les recettes fiscales qui seront moindre qu’attendues. C’est la spirale de l’austérité observée dans tous les pays qui ont privilégié la réduction drastique des dépenses à une stratégie ciblée de relance. Même les experts du FMI ont réévalué leurs estimations des effets négatifs sur la croissance de ces baisses de dépenses publiques. C’est presqu’un point de PIB qui est ainsi sacrifié
– 2– Emploi, redressement productif, réduction des déficits doivent aller de pair. Pour ce faire, la recherche d’une croissance ciblée, durable est la priorité absolue et mieux vaut un chemin plus progressif pour restaurer une saine situation des comptes publics. On notera que l’obsession d’atteindre 3% de déficit en 2015 est davantage un dogme qu’une donnée économique intangible. Par exemple le déficit public de la Grande Bretagne est de 6,3 % en 2013 et celui des USA de 6,2% à comparer avec les 4,3 % de la France. Ces pays ont privilégié le soutien à l’activité plutôt que les dogmes budgétaires et peuvent engager désormais une baisse des déficits.
– 3- La baisse des cotisations sociales, voir la suppression de toutes cotisations au niveau du SMIC ne réglera pas les problèmes de « compétitivité» de notre pays et constituera un effet d’aubaine pour de nombreux secteurs qui n’ont pas besoin d’aides publiques et n’embaucheront pas. Les choix effectués, centrés sur les bas salaires, versés sans ciblage ne soutiennent pas suffisamment l’industrie et les secteurs engagés dans une compétition internationale pour contribuer de façon décisive au redressement de nos exportations et de la balance commerciale de la France. Là, le lancement de véritables politiques industrielles et de filières seraient plus décisives et tardent à se concrétiser (cf dossiers récents et manque de moyens de la BPI)
– 4- Le système des baisses systématiques de cotisations sociales, organise un gaspillage de fonds publics. Les entreprises qui touchent le plus ne sont pas celles qui en ont réellement besoin. A titre d’exemple, les entreprises de la grande distribution ont reçu plus de 3 milliards d’Euro au titre du CICE en 2013. Chiffre à comparer au gain d’environ 3,3 milliards d’Euros attendu par le gel du point d’indice dans la fonction publique, cette année.
Les PME, la plupart des entreprises françaises ont surtout, pour embaucher ou restaurer leurs marges de carnets de commandes pleins, or bon nombre d’entre elles vivent de la demande intérieure. Sans pouvoir d’achat, sans investissement des collectivités territoriales, elles connaitront une réduction et au mieux une stabilisation de leurs activités. Une baisse des cotisations n’aura aucun effet d’embauche dans ce cadre.
– 5- Cette méthode, en dépit des annonces – jamais vérifiées- ne fera pas reculer le chômage à court et moyen terme. D’ailleurs nul ne parle plus des fameuses contreparties, tombées manifestement dans les oubliettes de l’histoire. La création d’un observatoire des contreparties et l’attente de négociations de branche ne fait pas illusion. Les cadeaux à toutes les entreprises tout de suite, les bénéfices prétendus aux calendes grecques !
A supposer que la baisse du coût salarial ait un impact prix qui favorise les exportations, au regard de la sous-utilisation de notre appareil productif, cet effet ne sera observable que dans quelques années alors même qu’immédiatement le gros des entreprises tourneront au ralenti et n’embaucheront pas. Il est fort à craindre que la fameuse confiance sensée sortir le pays de l’ornière soit davantage la poursuite d’une dépression collective. Sacrifier la demande intérieure à une prétendue théorie de l’offre est aberrant c’est un équilibre entre ces deux levier demande et offre qui est indispensable et inséparable. D’ailleurs le haut comité pour les finances publiques indique dans son avis
« Il existe un risque que les effets positifs sur l’emploi et les salaires de la politique d’offre n’atténuent pas les effets négatifs sur l’activité́ de la consolidation budgétaire à la hauteur et au rythme de ce qui est prévu par le Gouvernement…..les mesures d’économies sont concentrées sur le début de la période 2015-2017 (avec une légère baisse de la dépense publique en volume en 2015) et pourraient peser davantage que prévu par le Gouvernement sur la croissance à court terme. »
– 6- Les efforts ne sont pas justement répartis. Les catégories populaires et moyennes sont durement mises à contributions,la qualité des services publics sera entamée, la protection sociale dégradée. Ce ne sont pas les quelques concessions de dernières heures du premier ministre (dont on comprend mieux qu’il ait eu du mal à se qualifier socialiste quand on voit qu’il faut la fronde des députés pour qu’il prenne conscience qu’on ne saurait matraquer les petites retraites !) qui modifie le déséquilibre profond des économies annoncées.
* 11 milliards de non revalorisation des prestations sociales, au-delà des retraites, les allocations logements, familiales etc.)
* 18 milliards des dépenses d’Etat dont 3,3 milliards par an de gel de l’indice mais il faut s’attendre à des baisses de crédits même dans des secteurs clefs comme la recherche.
*10 Milliards pour la sécurité sociale, dont le chiffrage n’est pas détaillé et on peut douter que la seule mise en place de la chirurgie ambulatoire et d’une politique plus rigoureuse du médicament (évolution tout à fait nécessaire et qui aurait déjà mérité depuis longtemps des décisions avec des estimations de l’impact financier réel). Du coup, on peut redouter de nouveaux déremboursements ou autre mesure pénalisant l’hôpital.
*11Milliards pour les collectivités locales ; la prétendue chasse au mille feuilles territorial qui s’apparente à la mise en œuvre de la réforme Sarkozy que nous avons combattu et remis en cause en 2012 devrait rapporter 500 millions d’Euros sans qu’on ait des estimations précises et qui ne sera pas en tout cas observé dans les 3 années à venir (ça risque même d’être le contraire). En réalité le gros de l’effort sera fait en réduisant les dotations aux collectivités. Il est fort à parier que les programmes ambitieux de constructions de logements, de création de places en crèches ou d’emplois d’avenir seront au mieux réduits voir stoppés
Cette politique a un nom l’austérité.
-7- l’indispensable réforme fiscale est enterrée. Les inégalités vont se creuser. D’ailleurs les annonces récentes de Manuel Vals ciblent les plus pauvres sans engager plus globalement une politique de justice sociale.Faute de réforme des prélèvements ce sont les couches moyennes et populaires qui vont payer. Déjà entre 2011 et 2014. Ce sont 60 milliards de prélèvements qui ont été réalisés et payé au 2/3 par les ménages et même à 90% pour la période récente. Cela va encore s’aggraver avec les annonces de suppression de la C3S et l’allégement de l’IS pour les entreprises qui s’ajouteront aux 35 Milliards sur les cotisations. Or une réforme fiscale aurait permis d’assurer un financement plus juste et plus favorable à l’emploi de la protection sociale ; elle aurait pu rééquilibrer les contributions entre grandes et petites entreprises, favoriser l’investissement et réduire les écarts de revenus qui ne cessent de se creuser. On est loin du redressement dans la justice promise en 2012.
8- beaucoup d’impasses, beaucoup de flou, un risque majeur que les objectifs annoncés ne soient pas atteints et que nous perdions sur tous les tableaux, que la France sorte affaiblie de cette séquence, que la gauche soit discréditée et délaissée par son électorat et enfin que notre crédibilité en Europe soit durablement entamée.
Que représente le coût du geste annoncé ce jour par Manuel Vals ? Il ne donne aucun chiffre. On peut au mieux l’estimer à 1milliard d’Euro par an. A comparer aux 50 Milliards annoncés. Comment va-t-il être compensé?
Comment explique- t-on qu’avant le pacte de responsabilité on annonçait déjà la nécessité de réduire les dépenses publiques de 50 Milliards. Avec ces allégements nouveaux, il faudrait faire davantage encore pour atteindre l’objectif des déficits de 3% en 2015. Nous ne l’atteindront pas.
Croyons-nous que les » marchés » soient dupes? Pourquoi cette fuite en avant?
Comment va t on financer notre protection sociale avec toutes ces hémorragies de recettes? En réalité c’est cela que saluent les marchés. La remise en cause de notre modèle social qu’ils ont en ligne de mire depuis des années.
9- Une politique rejetée par une large majorité de la gauche et des forces syndicales. Une crise politique s’ajoute à la crise économique et sociale.
Notre pays demeure sans perspective d’avenir, sans grands projets mobilisateurs, sans vision à proposer aux européens. Nos électeurs ont parfaitement compris que nous menons une politique opposée aux engagements pris en 2012 et au discours du Bourget. L’ensemble des syndicats sont opposés aux mesures annoncées par Manuel Vals tandis que le MEDEF se réjouit. Une partie de la droite d’ailleurs approuve et même envisage de pouvoir voter ce plan. Cherchez l’erreur.
Derrière ce tournant, le président et son premier ministre ne sont-ils pas enclin à organiser une nouvelle alliance politique au centre, sacrifiant le Parti Socialiste, la gauche au profit d’une autre vision du débat politique ?
-10– une autre politique est possible.
Nous avions dès février 2013 proposer une politique de relance industrielle, économique et sociale pour 40 Milliards répartis entre un soutien au pouvoir d’achat et un programme ambitieux d’investissements autour de grands projets.
Nous avons proposé en décembre 2013, une réforme fiscale favorable à la compétitivité et porteuse de justice sociale.
http://ns28072.ovh.net/~jguedj/wp-content/uploads/2013/12/re%C2%B4forme-fiscale-conf-presse.pdf