Immigration

Demandeurs d’asile : une mobilisation politique et citoyenne urgente et indispensable

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La-crise-des-refugies-s-invite-a-la-rencontre-Merkel-Hollande-et-Porochenko-sur-l-Ukraine_article_popinÉtranges coïncidences : le même jour a eu lieu d’une part  la pré-rentrée des classes avec à l’ordre du jour l’éducation morale et civique et d’autre part, la visite du premier ministre avec un commissaire européen à Calais pour annoncer la création de 1.500 places dans un centre d’accueil d’urgence… Et si au fond on avait là, les deux faces d’une même crise, celle de la crédibilité du projet républicain mis à mal dans la réalité quotidienne et ce manque de confiance de notre pays en lui-même. Serions-nous arrivés au point que nous  n’osions même plus affronter sans défaillir celles et ceux qui veulent tirer la France vers le bas, reléguant l’humanisme au rang de l’angélisme.

J’ai toujours plaidé la nécessité de renforcer et moderniser l’enseignement civique et la transmission des valeurs républicaines, mais j’ai toujours aussi tenté d’expliquer que les valeurs ne pouvaient pas être transmises si elles ne progressaient pas et ne s’incarnaient pas dans la réalité.

Nous avons besoin de donner à nos enfants, la fierté d’être Français en relevant les défis du monde contemporain, en faisant vivre notre modèle républicain.

Or jeunes ou plus âgés, nous n’avons guère à être fiers de la façon avec laquelle, l’Union Européenne et la France traitent le problème de ces réfugiés qui traversent la Méditerranée ou le sud-est de l’Europe pour trouver asile.

Oui, le traitement actuel de la crise de l’asile, de l’accueil de réfugiés est indigne de nos valeurs.

Il est indispensable de nous ressaisir immédiatement.

C’est évidemment d’autant plus vrai pour la gauche. On ne peut plus rester dans l’ambiguïté des déclarations, agir a minima, laisser s’accroître les problèmes, céder à la pression de l’extrême-droite et se laisser imposer par elle les termes du débat et de l’action, plutôt que de soutenir, valoriser tous les engagements solidaires de nos concitoyens.

Le temps est venu d’une initiative politique indispensable pour apporter de nouvelles solutions et stopper l’insupportable.

A la Rochelle, j’ai présidé une conférence organisée dans le cadre des Université du PS, avec Benjamin Stora et Catherine Withol de Wenden et la participation de nombreux militants. Tous demandaient une offensive politique pour mobiliser la gauche, les Français avec un signal politique majeur du gouvernement. De ce point de vue, l’attitude d’Angela Merkel et d’une importante partie de l’opinion publique allemande est à saluer. Il serait quand même inacceptable que la France, terre des droits de l’homme, ne soit pas à la hauteur et paraisse en retrait, crispée sur ses peurs et ses doutes. Ressaisissons-nous !

D’abord, décrivons avec rigueur ce que nous vivons, proposons, mobilisons et agissons.

Un regard lucide sur la réalité : pour une large part, les migrants d’aujourd’hui ont droit à l’asile.

Notre continent doit faire face à une crise de l’asile et à l’accueil d’un nombre croissant d’hommes, de femmes et d’enfants qui fuient leur pays pour survivre et vivre. Les réfugiés d’aujourd’hui ne sont pas tout à fait les mêmes qu’hier. Ils sont pour une large part des demandeurs d’asile qui rentrent dans les critères définissant les réfugiés selon les règles internationales. Donc traitons d’abord sans hésiter l’accueil de ces réfugiés. Dès qu’est envisagé l’accueil de ces réfugiés, nos dirigeants en rajoutent des tonnes pour bien rappeler que les immigrés (illégaux) pour des raisons économiques seront reconduits à la frontière, comme pour se dédouaner de l’on ne sait quel laxisme : ils entretiennent ainsi le doute sur les raisons de l’arrivée de ces hommes, femmes et enfants dans nos pays. De surcroit, bon nombre de ces réfugiés sont éduqués, diplômés et toujours décidés à se rendre utiles.

Non ! les migrants qui arrivent ne sont pas une déferlante ou un tsunami qui déstabiliseraient l’Union européenne et la France. La droite et le FN nous présentent la situation comme un cauchemar, quasiment une invasion. Il suffit d’entendre les discours de Nicolas Sarkozy comparant cette immigration à un tuyau d’eau au sein d’une maison qui craquerait et inonderait les pièces !! Bonjour l’humanisme ! N’oublions jamais qu’on parle d’êtres humains !

Ce qui est vrai, c’est qu’à cause de l’instabilité politique durable des régions dont ils proviennent, qu’il s’agisse de la Syrie, de l’Afghanistan ou de l’Erythrée, ces vagues de migrants risquent de durer. Il faut donc le dire clairement et s’organiser en conséquence et montrer comment nous allons réussir à relever ce défi.

L’an dernier, il y a eu environ 620 000 demandeurs d’asile dans les 27 pays de l’Union européenne pour 508 millions d’habitants.

Des pays, comme la Turquie, la Jordanie en accueille plus d’un millions et sont plus petits et moins riches. Ce n’est donc pour l’Europe absolument pas insurmontable. Faut-il encore assurer une bonne répartition de l’accueil de ces familles, entre pays et dans notre pays.

Il faut tordre le cou à l’idée du risque d’appel d’air, cette thèse qui fait croire qu’en réservant un traitement correct, humain, respectant les règles du droit d’asile on créerait les migrations.

J’ai encore hier entendu Rachida Dati reprendre ces sottises, transformant ces familles qui sont menacées persécutées en froids profiteurs et calculateurs qui viendraient dans nos pays pour bénéficier indûment de notre protection sociale ! La plupart des Afghans, Syriens, Irakiens, Erythréens ignorent souvent tout de notre fonctionnement social et viennent parce qu’il y a, chez eux, la guerre, l’ignominie, la barbarie et la misère. C’est leur vie qui est en cause. Du coup, rien ne les arrêtera. Ne pas les accueillir dignement, c’est ajouter encore à leur malheur et ne régler aucun problème. Et puis, quel sens aurait notre combat contre les terroristes et les tyrans si lorsque des populations fuient leurs horreurs, nous les renvoyons à leur triste sort !

D’ailleurs, une constatation simple montre que l’Europe n’est pas plus accueillante depuis quelques années et pourtant le nombre de ces migrants a doublé voire triplé.

Une question internationale, une urgence européenne.

La raison de ces migrations est connue de tous : des crises politiques majeures, des guerres qui se sont intensifiées dans de nombreuses régions du monde et singulièrement en Afghanistan, en Syrie, en Irak. Et pour une large part, les occidentaux ne peuvent se dédouaner de leurs responsabilités dans le déclenchement et la gestion de ces dernières. Nous paieront hélas encore longtemps les choix de Bush en Irak, l’intervention en Afghanistan et la gestion calamiteuse par Sarkozy du dossier libyen. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux Réfugiés, le nombre des nouvelles demandes d’asile déposées dans les pays industrialisés a ainsi crû de 45 % entre 2013 et 2014. Parmi celles-ci, les Syriens sont les plus nombreux avec 150 000 demandes, dont 138 000 pour Europe. L’Allemagne a traité 41 000 demandes, la Suède 30 000, les Pays-Bas 9 000, la Hongrie 7 000 et la Bulgarie 6 000. La quasi-totalité des demandes traitées ont été acceptées. Ces chiffres sont cependant loin de ceux que connaissent des pays comme le Liban et la Turquie, qui accueillent respectivement 1,1 et 1,7 millions de réfugiés sur leurs sols.

Je crois que Patrick Weil a raison de suggérer dans une interview qu’il a donné au journal La Croix le 25 août que cette crise dépasse largement le cadre de l’union Européenne : « l’enjeu est mondial et la question doit être gérée au niveau planétaire avec ses dimensions militaires, sécuritaires et économiques… »  « il faut que tous les pays et particulièrement ceux qui ont contribué au désordre dans la région, tels les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, etc. soient partie prenante des solutions… » Il en appelle à une réunion internationale.

La France qui siège au Conseil de Sécurité de l’ONU doit demander une réunion d’urgence sur cette crise.

Pour autant l’attitude actuelle de l’Europe est inadmissible et nous devons soutenir celles et ceux qui prône la solidarité, l’humanisme, et ne plus tolérer l’intolérable !

Oui il faut dénoncer la création d’un mur en Hongrie, rappelant des heures sombres de notre continent : il faut arrêter de subventionner ces pays. Oui il faut dénoncer l’attitude de la Slovaquie qui veut bien accepter quelques migrants, mais seulement chrétiens… Oui il faut soutenir – une fois n’est pas coutume – la proposition de la Commission européenne de répartition solidaire entre pays de l’UE sur la base d’un accord chiffré précis. Oui il faut soutenir Madame Merkel – là aussi  ce n’est pas si souvent et n’enlève rien aux critiques majeures qu’on peut faire de sa politique intransigeante d’austérité européenne – qui affronte sans faiblir les tendances fascisantes qui s’expriment aussi en Allemagne, dit la vérité à son peuple – le nombre des réfugiés à accueillir va être important – en appel à la mobilisation de tous.

Franchement on attend du gouvernement français qu’il soit, lui aussi à la hauteur.

Les grandes déclarations sur « la France respectera le droit d’asile » avec ensuite deux heures d’explications sur « oui mais, oui mais non.. » ne sont plus acceptables.

Oui il faut lutter contre les « passeurs » peut combattre l’exploitation des migrants mais il faut cesser de faire croire que c’est un moyen pour réduire les flux d’immigration. Il faut clairement annoncer le principe de l’accueil de ces réfugiés et organiser leur arrivée et leur répartition sur l’ensemble des pays et régions de l’UE.

La réponse ne peut se résumer à celles – individuelles – des pays au contact direct des arrivées. Voilà longtemps que les associations, certains politiques, et même le Pape tirent la sonnette d’alarme. Il faut une coopération européenne à la fois politique et matérielle, sans quoi c’est également l’Union européenne que nous prenons le risque de mettre à mal. Sur l’île de Kos, en Grèce, la municipalité de 30 000 habitants ne peut absorber l’arrivée de 7000 migrants en l’espace de quelques nuits. Il en est de même pour Lampedusa. En les laissant seuls face à cette immigration massive, nous favorisons bien sûr les réactions de rejet et de xénophobie.

C’était d’ailleurs toute la pertinence de créer une agence européenne des frontières, l’agence Frontex (pour Frontières extérieures de l’espace Schengen). Hélas elle s’est vite transformée en outil de lutte contre l’immigration avec l’efficacité qu’on peut voir et surtout en laissant des milliers d’homme et de femmes prendre le risque- parfois confirmé- de périr en mer. Il a fallu du temps que les italiens qui ont heureusement lancé l’opération Mare Nostrum puisse être entendus et voir Frontex prendre le relais.

Il faut immédiatement reprendre la proposition de la commission sur une répartition solidaire de l’accueil et la France doit la soutenir sans double discours. Les mots ont leur importance mais les faits plus encore. Le mot « quota » ne figure pas dans le texte de la Commission. A l’époque la répartition solidaire devait concerner 40 000 migrants arrivés en Grèce et en Italie. Il faut aller plus loin mais il faut le faire et exercer des pressions sur les Etats membres qui refusent cette solidarité, par exemple en gelant toute une partie des fonds régionaux. En tout cas, l’UE doit dégager des fonds européens plus importants pour financer l’accueil des réfugiés sur tout son territoire.

Une fois de plus la taxe sur les mouvements de capitaux – sans cesse promise et jamais mise en œuvre – ne pourrait-elle pas être instaurer dans l’urgence et servir à financer dans la durée de tels programme. La libre circulation des capitaux ne peut-elle contribuer à  une certaine libre circulation des êtres humains ? En tout cas, Il faut rapidement mettre des moyens financiers substantiels pour une politique commune de l’accueil.

Il convient aussi de remettre en cause le principe dans Schengen du retour au pays de la première arrivée qui favorise une non maîtrise collective de la gestion de l’accueil et fait la part belle aux passeurs.

Mais ne nous cachons pas derrière l’impuissance européenne pour laisser perdurer la situation en France.

Sur les 40 000 migrants à accueillir en Europe la France a proposé un accueil pour 6 752. Pas de quoi angoisser le pays. Certes, d’autres réfugiés arrivent en France, reste qu’en 2014, 26 555 demandes d’asile ont été réalisée en France sur les 626 710 de l’UE soit guère plus qu’en Suède (22 360). La France, qui s’est grandi tout au long de son histoire d’être une terre d’asile, n’a reçu, elle, que 3 000 demandes de Syriens. Elle en a refusé un tiers !? Actuellement, le total des demandeurs d’asile et des réfugiés représente pour l’instant 0,4 % de la population. C’est 1,1 % en Suède. Franchement, qui peut croire que c’est impossible de traiter ce sujet avec humanité et dignité pour notre pays. Il en va de l’honneur de la France.

En juin, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé la création de 10 500 places d’hébergement. Cette initiative est positive mais n’est pas suffisante.

Il y a, d’une part, la question du nombre mais aussi, et c’est essentiel, les conditions d’accueil

  1. Il faut non seulement accélérer les conditions d’octroi du statut de réfugié ; il doit être quasi systématique pour les Syriens, les Erythréens, Afghans et Irakiens avec des procédures simplifiées. Si on prenait cette mesure immédiatement, une partie des migrants de Calais verraient s’offrir une solution immédiate et correcte ;
  2. Il faut mettre en place un enseignement systématique du Français pour les aider à se faire comprendre, à nous comprendre et réussir leur accueil ;
  3. Il faut organiser une répartition de ces personnes et familles sur l’ensemble du territoire national en bannissant tout ce qui les met à l’écart, les regroupe excessivement. Nos enfants auront-ils la même honte demain que celle sui nous étreints quand on voit le traitement réservé alors aux exilés de la guerre d’Espagne ou aux Harkis ?
  4. Il faut dégager des moyens financiers et humains pour leur accompagnement. Chaque année, nous allouons 600 millions d’euros de de notre budget national aux demandeurs d’asile, soit 0,05 % des dépenses publiques. Qu’on ne se cache pas derrière l’argument de la crise la Grèce et l’Italie accueillent davantage de migrants avec des difficultés économiques et sociales bien supérieures ! Mais au-delà de l’exigence de financements européens, je fais remarquer que les nouvelles dispositions de la Loi Macron sur les actions gratuites et les « impatriés » coutent à l’Etat presque la même somme. Quand on veut faire des choix, on peut. Il faut le faire ;
  5. Dans de nombreuses villes moyennes ou villages, il est possible de mobiliser des logements vides et d’accueillir quelques familles qui peuvent contribuer positivement à la vie locale. La plupart des expériences ainsi réalisées ont été couronnées de succès. Sans compter que parfois l’arrivée d’enfants est la bienvenue pour maintenir des classes ;
  6. Une fois arrivés et installés, il faut permettre à ces réfugiés de travailler. Non, ils ne vont pas faire de concurrence aux emplois de nos concitoyens. Ils sont souvent diplômés, formés et seraient bien utile à l’économie nationale. Ce qui menace l’emploi est plutôt qu’ils soient embauchés au noir, mal payés et sans participer aux cotisations sociales.

Il faut donc des mesures concrètes immédiates et substantielles mais il faut aussi un signal politique majeur !

Un signal politique majeur venant du sommet de l’Etat, mais aussi un discours engagé et fort de la gauche.

Nous devons en appeler à tous ces Français solidaires qui n’ont pas l’intention de laisser défigurer  leur pays par ceux qui veulent le tirer vers le bas, vers la petitesse et la peur… Ils se sont mobilisés en janvier pour la République et la Liberté. Ils doivent le faire aujourd’hui pour la République et la Fraternité. Le gouvernement doit d’abord parler à cette aile marchante du pays et ne pas passer son temps à tenter de répondre aux arguments – au demeurant fallacieux – de l’extrême-droite et de la droite qui a perdu ses boussoles.

Elle doit dire la vérité de la situation aux Français et en appeler aux meilleurs d’eux-mêmes.

Patrick Weil, dans le même article que je citais plus haut, indiquait à juste titre « qu’on a du mal à accueillir les autres quand soi-même on ne se sent pas bien. » et de constater que les Français n’ont plus confiance en eux-mêmes. C’est pourquoi on ne peut séparer aujourd’hui notre combat pour la justice sociale, des conditions digne de vie, l’emploi, la souveraineté populaire, l’égalité de celui de l’accueil et de l’asile.

Tout se tient et renoncer à traiter cette grave crise de migration en cohérence avec nos valeurs ne peut qu’entretenir la spirale de doute sur nos valeurs, notre modèle et nous–mêmes.

La gauche doit reprendre l’offensive sur l’accueil et engager une mobilisation citoyenne et de ses élus.

Le sentiment de suspicion sur les étrangers et les réfugiés est d’autant plus fort quand on ne connaît pas les personnes et bien des barrières tombent lorsque des liens humains concrets s’organisent. C’est pourquoi nous devons non seulement lancer des appels locaux unitaires et large pour appeler à l’accueil des réfugiés et pourquoi pas des meetings pour expliquer, convaincre, témoigner. Mais nous devons aussi promouvoir, soutenir et initier des initiatives locales du type « les habitants accueillants » au Danemark ou à l’instar des mouvements qu’on observe en Allemagne.

Nos élus doivent aussi répondre présents et déjà certaines communes ont eu le courage de s’engager. Le conseil municipal du Vigan dans le Gard a voté à l’unanimité l’accueil de plusieurs familles et personnes en mobilisant des logements vides de la commune. Le mouvement HLM a donné son accord pour loger des réfugiés dans les logements vides. Mais cela n’est possible qu’avec un accompagnement pour garantir le vivre ensemble et bien sûr dans des logements hors des quartiers connaissant déjà des concentrations de difficultés ou de mixité sociale.

Ce genre d’initiative devraient se généraliser et sera un moyen de créer l’indispensable rapport de force avec le FN, son idéologie qui atrophient la société française et permettre aux républicains et à la gauche de relever la tête.

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