Merci pour ce changement

« Le renoncement de François Hollande » – les bonnes feuilles de « Merci pour ce changement ! » sur l’Europe – Marianne

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marianne-logoMarianne – 15 avril 2016

Dans son nouveau livre, Merci pour ce changement ! paru aux Editions du Moment, la sénatrice PS, Marie-Noëlle Lienemann interpelle François Hollande. Le président doit s’engager en faveur d’une réorientation de l’Union européenne. Extraits.

La crise démocratique est structurelle. […] Les Français sont de plus en plus en désaccord avec les politiques européennes agressives qu’on leur impose. Lors de l’élection présidentielle de 2012, le candidat François Hollande ne peut ignorer ces attentes, il doit s’engager en faveur d’une réorientation de l’Union européenne. Mais laquelle ? Agir à la marge ou entrer dans une nouvelle phase sur des bases différentes ? Durant la campagne européenne, j’ai scruté à la loupe ses déclarations. Je connais son sens de l’ambiguïté, avec des discours où les mots clés sont là, les formules attendues, prononcées, mais assorties d’imprécisions ou d’addenda qui en atténuent le fond, laissant la porte ouverte à toutes les interprétations ultérieures. C’est pourquoi en pleine campagne présidentielle, alors que je trouve son engagement de renégociation de plus en plus incertain, je lui fais parvenir en main propre une lettre privée, jamais dévoilée jusqu’alors.

« Cher François,

Je me permets de t’envoyer ce message personnel parce que je crois que la question européenne est un enjeu important de la campagne présidentielle. Le cours actuel de la construction européenne fait l’objet de vifs débats à gauche. Sur ce sujet, tu le sais, nous avons parfois eu de vrais désaccords, de méthode comme de fond. Mais il ne s’agit pas pour moi d’entretenir à l’envi ces divergences. Si je crois utile de te saisir de cette question, c’est que je constate qu’une partie de nos électeurs, comme un nombre significatif de nos concitoyens tentés par l’abstention, expriment aujourd’hui des doutes profonds sur notre détermination à réorienter effectivement le cours de l’Union européenne. Je crois très positif et justifié que tu te sois fermement engagé à renégocier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire.

« LA SEULE FAÇON DE REGAGNER LA CONFIANCE […] EST D’ANNONCER QUE LA RATIFICATION DU TRAITÉ [EUROPÉEN] SE FERA PAR VOIE RÉFÉRENDAIRE. »

[…] Néanmoins, des incertitudes subsistent sur le contenu de cette renégociation. Je conviens aisément qu’il est difficile d’en fixer très précisément les contours. Mais tes déclarations récentes laissent à penser que l’essentiel serait d’obtenir un volet complémentaire soutenant une stratégie de croissance, incluant éventuellement une modification des objectifs de la BCE. Du coup, les modifications de l’actuel traité, concernant notamment l’instauration d’une « règle d’or » budgétaire et l’adoption du principe des « sanctions automatiques », semblent écartées ou pour le moins placées au second rang.

[…] Aussi, il me semble que la seule façon de regagner la confiance de celles et ceux qui redoutent que la logique dominante du traité ne soit pas infléchie est d’annoncer que la ratification du nouveau traité se fera par voie référendaire. Je crois qu’il s’agit là d’un engagement essentiel et j’estime qu’il serait judicieux que tu le prennes devant les Français avant le premier tour de l’élection présidentielle. […] Je sais que ton temps est compté et que cette campagne est harassante, aussi j’ai pensé plus simple de te faire parvenir cette lettre, à titre strictement personnel et sans intermédiaires.

Avec ma fidèle amitié, Marie-Noëlle Lienemann »

Aucune réponse

Je n’ai reçu aucune réponse directe. Mais il a sans doute entendu l’alerte. Dans « L’agenda du changement », document très diffusé fixant ses engagements pour la première année, il écrit : « Transmission à nos partenaires européens d’un mémorandum détaillé proposant un pacte de responsabilité, de croissance et de gouvernance pour modifier et compléter le traité de stabilité et réorienter la construction européenne vers la croissance – dès fin mai, en vue du Conseil européen des 28 et 29 juin. » J’avais alors noté avec satisfaction les deux termes : « modifier » et « compléter ». Cependant, le traité que le président soumettra à la ratification du Parlement français sera strictement le même que celui qu’avait accepté Nicolas Sarkozy… Le sommet de juin 2012 s’avérera déplorable.

[…] Ce renoncement, ce manque de courage, ce mépris des engagements sonnera pour moi comme le grand déclencheur d’un échec prévisible. A peine deux mois après son entrée en fonction, le chef de l’Etat a déjà entamé considérablement sa crédibilité. Lorsque, pendant toute la campagne, la droite répétait que la renégociation était impossible, François Hollande répondait que son élection modifierait la donne. Encore eût-il fallu qu’il montrât la détermination et la volonté nécessaires, que face à l’intransigeance de la chancelière il ne se plaçât pas dans la posture du mauvais élève de l’Europe libérale, pantois, quémandant la compréhension de ses alliés.

[…] Pourquoi se laisser culpabiliser alors même qu’en 2012 notre croissance était supérieure à la moyenne européenne et que les politiques d’austérité faisaient partout des dégâts sans résoudre réellement les problèmes de fond des économies européennes, singulièrement celles du Sud ? Comment un pays républicain comme le nôtre peut-il accepter que le poids politique d’une nation soit mesuré au trébuchet de ce genre de critère ?

MNL_Marianne_15-04-2016

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