Emmanuel Macron cherche-t-il vraiment à réduire Marine Le Pen au plus bas pour solidifier notre République ? Ou tente-t-il de faire une OPA sur le rejet du FN, en cherchant à le transformer en vote d’adhésion à son programme ?
J’avais déjà senti un lourd malaise en écoutant sa déclaration de dimanche soir, qu’il avait j’imagine pourtant bien préparée. Plutôt que de parler aux Français pour les mobiliser avec gravité face aux dangers de l’extrême droite, il ne cesse d’expliquer que le second tour doit être l’élargissement du « rassemblement » qui s’est opéré au premier autour de son projet. Il n’évoque d’ailleurs la question du FN (sans le citer, ni Marine Le Pen) que deux fois en quelques secondes dans une allocution largement tournée vers ses soutiens, sur En Marche et sa démarche. La lecture de ces deux phrases sont d’une ambiguïté inquiétante : dans une longue tirade sur je serai le président qui… il reprend ses thèmes du premier tour et y insère cette formule : « je serai un président patriote contre le nationalisme » mais ensuite : « le défi à partir de ce soir n’est pas d’aller voter contre qui que ce soit, le défi est de décider de rompre jusqu’au bout avec le système qui a été incapable de répondre aux problèmes du pays depuis plus de 30 ans ».
Outre le fait que le fameux système qu’il dénonce a justement mené la politique que lui et ses soutiens politiques ont largement inspiré voir mené, ce qui est inquiétant c’est qu’il dit explicitement qu’il ne veut pas voir un vote contre, contre le FN. Il veut tenter de justifier pour l’après que son score de second tour sera un vote d’adhésion constitutif d’une nouvelle majorité.
Cette attitude est clairement assumée par ses soutiens. Je participais le lendemain du premier tour à une émission réunissant différents soutiens des candidats. François Patriat a alors tenu la même argumentation, en étant encore plus explicite : « j’entends des gens ici qui voteront au second tour pour Emmanuel Macron et ne voudront pas voter pour lui donner une majorité aux législatives suivantes.. Quelle cohérence y a-t-il ? ».
Ces propos sont très graves et jettent plus qu’un trouble chez tous ceux- probablement majoritaires- qui en mettant un bulletin Emmanuel Macron voteront uniquement contre Marine Le Pen et les risques majeurs que l’extrême droite fait peser sur notre pays et la République !
Il le sait sans doute. Alors son attitude témoigne d’une étrange conception de la démocratie.
Que cherche-t-il ?
Emmanuel Macron estime sans doute qu’il a déjà gagné et qu’il faut préparer les législatives en jouant à fond sa carte personnelle plutôt que de concentrer ses efforts pour conjurer l’influence du FN, et défendre l’avenir du pays, l’image de la France dans le Monde.
Cette attitude, si elle n’est pas rectifiée, risque de donner des arguments à ceux qui n’ont pas l’intention de voter pour lui parce qu’ils sont opposés à sa politique et convaincus que Marine Le Pen ne sera pas élue, et qui sont indifférents au rapport de force qui sortira des urnes au final !
Ainsi, Emmanuel Macron joue avec le feu. Il continue un jeu dangereux : celui de laisser Marine Le Pen à un haut niveau pour mieux faire passer ensuite les reculs sociaux qu’il prépare en sortant a tout moment le spectre d’un FN qu’il aura laissé prospérer.
Alors demeurons vigilants, mobilisés, pour faire barrage efficacement à Marine Le Pen mais tout autant pour nous opposer à la politique, libérale, antisociale d’Emmanuel Macron et par une alliance rouge rose vert contre cette logique et ceux qui s’en revendiquent, sur la base d’une plateforme offensive commune pour les législatives.
Car quoiqu’en dise Emmanuel Macron et les socialistes qui se précipitent dans ses bras : le total des voix Mélenchon/Hamon est supérieur à son résultat ! La gauche a hélas manqué son rassemblement aux présidentielles, elle peut et doit ses ressaisir aux législatives !