élections législatives

Ne pas se laisser imposer une lecture présidentialiste des Législatives

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18427032_10154793052367739_1763263522_oLa lecture des résultats électoraux constitue toujours un enjeu. D’ailleurs, Emmanuel Macron et ses amis d’« En Marche ! », l’ont bien compris. Ils tentent aujourd’hui d’imposer l’idée qu’une majorité de Français partagent leur « projet », car ils ont élu Emmanuel Macron. Ils font comme si les 66% obtenus au second tour face à Marine Le Pen étaient un vote d’adhésion.

Certes, il y a de temps en temps des formules, convenues, actant que des votes venaient du refus du FN, mais elles sont immédiatement suivies d’une analyse électorale d’une expression « favorable à l’Europe » – sous-entendu, sa vision de l’Europe, proche de l’Europe actuelle – et aux changements qu’Emmanuel Macron veut engager.

Une confusion largement entretenue qui a de graves conséquences !

La première, à plus long terme, est qu’elle va affaiblir l’idée d’un vote de barrage face au FN à travers le bulletin d’un candidat républicain. En effet, si ce dernier transforme, immédiatement après, ce vote en adhésion, bon nombre de nos concitoyens ne l’accepteront plus. Déjà un effritement significatif s’est manifesté lors de ce second tour : taux d’abstention inédit, niveau considérable du vote blanc ou nul. A mesure que le Front National tendra à se « banaliser » et que le vote contre lui paraîtra instrumentalisé, les risques de le voir accéder au pouvoir se renforceront.

Or l’une des premières leçons qu’il faut tirer de cette présidentielle est l’urgence absolue, non seulement de faire obstacle au FN, au second tour d’une élection , mais bel et bien de le faire reculer de façon décisive et durablement…

Il est pourtant à craindre que les mêmes causes créent les mêmes effets. La politique économique, sociale libérale, un libre échange généralisé au niveau mondial et européen, la concurrence libre et non faussée, les inégalités croissantes, la désindustrialisation, la fragmentation de la société, les communautarismes et l’affaiblissement du pacte républicain constituent des dangers absolus qui font le nid de l’extrême droite. Or le programme d’Emmanuel Macron propose non pas de résister, d’inventer une nouvelle voie mais d’accélérer la plongée de la France dans la mondialisation actuelle et dans un libéralisme qu’on ne peut même pas qualifier de social-libéralisme au regard des nouveaux reculs sociaux qu’il envisage.

La seconde conséquence est qu’il va tenter, grâce aux institutions de la cinquième République, de transformer l’essai aux législatives en cherchant à obtenir une majorité absolue de députés, ou pour le moins proche de ce seuil. Il fait la même erreur que François Hollande en 2012 « le PS a la majorité tout seul, il peut décider seul, et mon projet est ainsi validé ». Alors qu’il n’avait obtenu que 28% des voix – déjà en partie au nom du vote utile – au premier tour de la présidentielle, il déduisit qu’il était majoritaire sur les seules bases de ses propositions, évacuant d’un revers de manche les apports des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et des quelques centristes venus avec François Bayrou – toutefois une large majorité des électeurs du président du Modem avaient voté à droite.

La question des élections législatives est donc très importante, mais la façon dont elles se présentent révèle et amplifie l’état de décomposition du paysage politique français et risque une fois de plus d’acter une profonde distorsion entre la composition de l’Assemblée Nationale et la réalité des courants politiques du pays.

Certes rien n’est écrit et chacun de nous doit veiller à ne pas tomber dans le piège.

Car on voit bien déjà comment la « logique » des institutions est convoquée par le président élu pour atteindre son objectif des « pleins pouvoirs », espérant non seulement une majorité de parlementaires mais les choisissant avec le label en marche au regard de leur totale discipline ! Quelle étrange conception des représentants du peuple, transformés au nom de la rénovation et de la société civile en sous-directeur sur une circonscription de l’entreprise « En Marche ! ». Et si, au contraire, le renouvellement était que les députés soient réellement indépendants, liés au programme qu’ils présentent à leurs concitoyens et porteurs des attentes de ceux qui les ont élus, des citoyens et territoires qu’ils représentent.

Au discours qui va faire office de campagne : « donnez une majorité au président ! », opposons une autre vision de notre démocratie « Nous avons besoin d’un parlement qui représente la diversité et la réalité politique du pays, nous avons besoin que les députés s’engagent sur des choix politiques clairs que les électeurs doivent départager ». Opposons aussi l’affirmation de la gauche comme la mieux qualifiée pour préparer le pays aux enjeux d’avenir et pour améliorer le présent de nos concitoyens.

Or cette réalité politique est qu’en fait la gauche si elle était rassemblée serait la première force politique : le total des voix de Jean-Luc Mélenchon et de Benoît Hamon représente presque 26% des voix alors qu’Emmanuel Macron atteint les 24%.

Mais cette unité, cette capacité à se rassembler est difficile à décréter à cette étape du processus électoral. Depuis très longtemps, des occasions ont été manquées et il est compliqué de surmonter une situation de tension, de division, d’absence de travail programmatique commun au dernier moment. Pour ma part, j’ai toujours pensé que ce n’était pas impossible et que c’était éminemment souhaitable. Je constate les blocages actuels, je les regrette.

Mais force est de constater que la décomposition politique est en marche et n’est pas stoppée.

Ce qui compte est la réussite du pays, l’attente de nos concitoyens et singulièrement celle des plus modestes, des salariés, du monde du travail.

Et cette réussite passe par une politique de gauche qui sort des dogmes économiques libéraux, de la flexibilité du travail, une politique engagée dans la transition écologique, les mutations technologiques avec la volonté de relancer l’activité, de combattre le chômage, de soutenir le pouvoir d’achat, de redistribuer les richesses et de redonner toute sa force à notre République et son ambition d’égalité.

Il ne faut pas tarder à penser la recomposition et à l’engager.

Ce qui compte aussi pour moi, et pour beaucoup, c’est la recomposition à gauche pour que nous soyons capables d’offrir à nos concitoyens une alternative crédible face à la droite et au programme d’Emmanuel Macron si proche des politiques de la droite classique. Car Macron n’est pas « Et de gauche, Et de droite », il est « Et de droite, Et de droite ». Et, j’en veux pour preuve les graves remises en cause de notre modèle social et républicain, qu’Emmanuel Macron veut engager et que nous devons absolument empêcher.

Cette recomposition doit garder le talisman de l’unité sans laquelle la gauche est impuissante.

Cette recomposition devra aussi enfin reprendre l’offensive pour reconquérir les couches populaires, les ouvriers, les employés, en particulier dans les régions qui ont été percutées de plein fouet par la désindustrialisation afin d’affaiblir de façon décisive le mouvement de Marine Le Pen.

Dans l’immédiat, tout doit être fait pour qu’il n’ait pas de député, en tout cas le moins possible !

Voilà la tâche qui est devant nous. Et dans cette période troublée puisse chacun faire des choix sur le fond, en fidélité et en cohérence avec sa vision de l’avenir de la gauche et du pays.

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