Au revoir Royal : sortie le jeudi 30 août

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Au revoir Royal, le dernier
livre de Marie-Noëlle Lienemann n'est pas un pamphlet mais un vrai livre politique. Derrière
la critique de la campagne menée par Ségolène Royal, Marie-Noëlle Lienemann
analyse les causes plus profondes des défaites répétées de la gauche aux
élections présidentielles. Elle présente aussi de nombreuses pistes pour que la gauche se reconstruise et renoue avec le succès.

Les 3 derniers chapitres du livre :

– Une gauche qui aime la France et la république
– La vraie rupture est à gauche
– Comment la gauche peut regagner le peuple

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L’hebdomadaire Marianne a publié dans son magazine du 25 août
les extraits suivants du livre.

La victoire de Ségolène Royal aux primaires au sein du PS est le symptôme le plus patent de la crise de la gauche, plus encore que son score à la présidentielle. Les raisons de cette victoire interne de Ségolène Royal viennent de loin, tout comme sa détermination. Je ne crois absolument pas à la thèse, développée dans la Femme fatale , et qui s’est distillée dans l’opinion, selon laquelle ce sont les affaires du couple Hollande-Royal qui ont amené Ségolène Royale à être candidate. En réalité, cette ambition la tarabuste depuis longtemps. Personne n’a rappelé qu’elle a tenté d’être candidate en 1995 à la faveur de l’affrontement qui, à l’époque, opposait Henri Emmanuelli et Lionel Jospin. Ses intrigues pour devenir présidence de l’Assemblée nationale en 1997, alors qu’elle n’avait pu obtenir un maroquin, ont aussi disparu de l’épopée ségoléniste racontée par les médias. Si Ségolène Royal est « une femme blessée », elle l’est depuis fort longtemps !

Elle a, depuis toujours, sculpté tout son personnage en total décalage avec le politique. A la différence de tous les ténors socialistes, elle n’a jamais pris position dans les congrès, n’a jamais développé ou rallié un corpus idéologique ; enfin, elle ne s’est jamais intéressée aux questions économiques et sociales, ce qui est étrange pour une socialiste. En fait, elle s’est toujours située aux marges de la politique classique, en espérant, par cette méthode, se mettre à l’unisson de larges franges de la société sans jamais aborder les sujets qui fâchent, la mondialisation, le chômage ou le logement.

Je suis maintenant persuadée que Julien Dray, qui est un intime de longue date du couple Hollande-Royal, a joué un rôle important dans sa réussite après avoir longtemps hésité pour savoir qui, d’elle ou de lui, serait en meilleure position. Mais une chose est sûre : dès 2002, il ne voulait plus du retour de Lionel Jospin. François Hollande va mener sa barque avec une rare maladresse durant la campagne sur le traité constitutionnel européen. La première erreur, au mois de décembre 2004, consiste à virer de la direction les partisans du « non », dont je faisais partie. Puis il éjecte Fabius, juste après le « non » majoritaire des Français, ce qui est un comble ! Ainsi, les partisans du Non avaient tort d’avoir eu raison sur les réticences compréhensibles du peuple français. Hollande devient ainsi le grand diviseur du PS alors que sa fonction de leader aurait dû l’amener à rechercher une synthèse entre le oui et le non. Conscient de son affaiblissement, il croit reprendre l’initiative en déclenchant de nouveaux affrontements internes en vue du Congrès du Mans.

Durant l’été 2005, Ségolène Royal comprend que François Hollande aura du mal à rebondir. Elle croit que ceux qui ont appelé au non sont disqualifiés, que Lionel Jospin ne pourra pas revenir, et que Dominique Strauss-Kahn ne peut pas gagner. Pour elle, c’est le moment de se préparer à y aller et donc de peaufiner son image. Elle rappelle alors Christophe Chantepy, son ancien directeur de cabinet au ministère de la Famille, qui sera l’un des stratèges de son dispositif de candidate. C’est au même moment qu’elle entre en clinique pour faire rectifier ses dents. Au Parti, personne ne le sait, mais François Holllande ne peut l’ignorer et il comprend sans doute que cette opération esthétique joue, dans l’esprit de Ségolène Royal, le même rôle que celle effectuée par François Mitterrand avant 1981 pour rendre son visage moins carnassier.

Je n’aime pas trop évoquer la vie privée des hommes et des femmes politiques. Mais, puisque cette interprétation psychologisante joue aujourd’hui un rôle si important, je vais vous faire part de  mon sentiment : je crois que les journalistes du Monde font une erreur. Ségolène Royal savait sans doute depuis longtemps que son compagnon la trompait et que son couple se délitait. Tout le monde était au courant, en tout cas les couloirs du Parti en bruissaient. J’ai déjà pu observer que bien de femmes qui se savent trompées choisissent de ne rien dire. Comme dans toutes les histoires de couples, arrive un moment où la coupe est pleine. Mais ce n’est pas au moment où elle découvre les frasques de son compagnon. Les femmes trompées peuvent disjoncter sans penser aux conséquences de la rupture, mais, souvent, elles n’y songent sérieusement que quand elles se sentent assez fortes pour l’assumer sur les plans matériel, psychologique, financier et social. A mon avis, Ségolène Royal déclenche le cataclysme quand elle estime pouvoir en sortir triomphante, pas au moment où elle apprend qu’elle est trompée, mais à celui qu’elle juge propice pour déclencher le processus de rupture. Je ne peux pas imaginer qu’avec tout ce que moi, qui n’ai jamais été une intime du couple,  j’entendais comme rumeurs sur les maîtresses et les amants des uns et des autres, elle même n’en ait pas eu conscience.

En réalité, je la crois beaucoup moins perméable à la psychologie du couple, beaucoup plus armée qu’on ne veut bien le dire pour faire face à ce qui lui est arrivé. Tant mieux pour elle d’une certaine façon. Quand on observe Ségolène Royal, on perçoit quelqu’un qui prépare ses coups, se contient, et exprime ses colères au moment le plus important.

Que faire contre un capitalisme mondialisé ?

L’existence d’un clivage transversal à la droite et à la gauche sur plusieurs sujets essentiels (la République, le libéralisme, le marché) traduit bien le brouillage qui caractérise la vie politique actuelle. L’impression est que tout se vaut et que, au final, les clivages sont presque aussi importants à droite et à gauche. On peut être de droite et relativement antilibéral parce que tout ne se résume pas au champ purement économique. Et, comme nous l’avons vu, on peut se prétendre de gauche sans jamais s’opposer à la société de marché. 

En fait, seule compte la question suivante : est-on favorable, oui ou non, au capitalisme transnational tel qu’il fonctionne aujourd’hui ? Est-on prêt à résister à cette hégémonie-là ? Tout l’enjeu est de savoir si c’est une droite bonapartiste ou une gauche refondée qui sera capable de relever ces défis. Nicolas Sarkozy a donné l’impression qu’il était mieux préparé et plus déterminé à s’engager dans cette voie, ce qui explique sa victoire. Mais elle repose sur un malentendu, car une partie des forces sociales qui l’ont porté au pouvoir s’inscrit parfaitement dans le cadre de la « mondialisation heureuse ».

Une simple adaptation ne saurait être l’horizon des socialistes. Ségolène Royal, comme trop de personnalités de gauche, n’a jamais pensé qu’on pouvait le changer ou l’influencer. Le capitalisme financier dont chacun dénonce les excès n’est pas une perversion, mais l’aboutissement « naturel » du capitalisme.

Nous avons tenté de mener le débat sur le protectionnisme lors de la campagne pour le non au référendum. Mais les militants de gauche sont habités par une méfiance spontanée à l’égard de la protection. Ils sont persuadés que l’on s’enferme en se protégeant, confondent le protectionnisme avec le refus de l’autre. La gauche veut symboliser l’ouverture, le brassage, la disponibilité à l’autre, l’idée d’un enrichissement mutuel, etc. Je partage ces valeurs, mais il suffit de constater comment on traite les mingongs chinois (les ouvriers migrants) ou certains travailleurs clandestins en Europe pour ne pas être dupe de cet internationalisme-là, qui est en fait celui du capital.

Deuxième phénomène classique à gauche, l’anticolonialisme culpabilisé : « Nous avons pillé le tiers-monde, nous allons réparer cette faute en achetant leurs produits ». Mais l’idée que les pays en voie de développement vont se développer et nous rattraper grâce au libre-échange non régulé est  fausse. La Chine, aujourd’hui, et le Mexique, hier, se développent, mais au détriment du pouvoir d’achat et des conditions de travail et de vie de leurs peuples.

Un nouveau consensus peut émerger en France en faveur d’un monde multipolaire dans lequel de grands espaces géographiques négocient entre eux des accords favorisant leur développement et l’équilibre du monde. Il faut appliquer cette conception raisonnable de la diplomatie sur le terrain économique. Il ne s’agit pas de limiter les échanges, mais de les encadrer par des accords entre grands blocs continentaux : Europe, Méditerranée, Amérique du sud, Amérique du Nord, Asie. La croissance des pays émergents qui n’engendre pas de progrès social pour leur peuple ne doit pas provoquer la destruction de notre modèle. En tout cas, ne pas faire trinquer le prolétaire français pour, prétendument, améliorer le sort du prolétaire chinois.

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