Assurance Chômage

Assurance chômage: que la Cour des comptes reste à sa place

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Dans Newsring, Marie-Noëlle Lienemann réagit sur les annonces de la Cour des comptes  visant à raccourcir le temps d’indemnisation. Vous pouvez donner votre avis en cliquant:

http://www.newsring.fr/economie/1703-pour-ou-contre-la-reduction-des-allocations-chomage/29207-assurance-chomage-que-la-cour-des-comptes-reste-a-sa-place

« En quoi la Cour des comptes est légitime dans ce rôle d’instigateur des choix politiques? Qu’elle analyse les dépenses publiques, qu’elle pointe du doigt les déficits, c’est une chose. Qu’elle se transforme en gardienne du temple libéral en est une autre. Cela commence à devenir inquiétant et ce n’est pas sa mission.

Le 21 janvier dernier, le gouvernement a adopté un plan de lutte contre la pauvreté. Or, qu’observe-t-on? Que notre taux de pauvreté est inférieur à hauteur de 2% à celui de l’Allemagne. Pour une large part, cela est lié au principe de l’indemnisation chômage.  Il s’agirait  aussi de souligner qu’un chômeur sur deux en France n’est pas indemnisé, un chiffre considérable. Que nous disent ces deux réalités?  C’est simple, si l’on décide de raccourcir le temps d’indemnisation, on va accroître automatiquement la pauvreté dans notre pays. La proposition est donc inacceptable.

Une manière de discréditer la mutualisation générale des risques

Quant à la réduction de la prestation chômage,  une réflexion sur les niveaux des plafonds pour les salaires les plus élevés est peut-être envisageable ; mais globalement, le taux tourne autour de 60% du brut pour tous . Ce qui représente, quel que soit le revenu, une importante baisse du pouvoir d’achat.  Alors, ceux qui expliquent que ce taux n’est pas assez incitatif pour retrouver un emploi, permettez-moi d’être dubitative. Quand il ne restera plus que les fainéants comme demandeurs d’emploi, ça se verra et le problème sera d’autant plus facile à gérer. Pour le moment, on en est loin puisque notre pays est confronté à un chômage de masse.

Faut-il intervenir, dès lors, sur les salaires les plus élevés? Comme je le disais précédemment, sans doute faut-il revoir les plafonds mais attention à ne pas mettre en péril la cohérence du système. Et c’est là que l’on perçoit sans mal la philosophie très libérale de la Cour des comptes, dans la mesure où sa stratégie est  de faire évoluer l’assurance chômage en système d’aide sociale. Dit autrement, on n’accorde plus les mêmes prestations aux cadres et on n’aide que les pauvres, les plus bas revenus. Or, cette manière de discréditer la mutualisation générale des risques au profit d’un socle minimal garanti à tous favorise l’adhésion aux  assurances privées. Lorsque la Cour des comptes proposent de donner l’équivalent du RSA à tous, auquel s’ajouterait un mécanisme assurantiel, on voit aisément comment cela peut dériver. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la question du taux de remplacement des hauts salaires qui peut renflouer les caisses.

Une grande réforme fiscale s’impose 

On évoque un déficit, cette année, de cinq milliards mais il s’agit de mettre ce chiffre en perspective. Car, dans les périodes de crise économique, l’Unedic est victime d’un double mécanisme: une  récession qui implique moins de recettes et un fort chômage qui conduit à davantage de dépenses. Le système ne peut donc s’apprécier sur une durée longue. De plus, ces cinq milliards peuvent être également comparés à d’autres sommes.  Le crédit impôt compétitivité, par exemple, accorde un cadeau fiscal de près de 4 milliards aux commerces. Les géants de la grande distribution en bénéficient alors que, de toute évidence, ils n’en ont pas besoin, ou du moins ils ne rentrent pas dans le cadre d’une amélioration de compétitivité des entreprises françaises pour les exportations.  En résumé, les cadeaux fiscaux, aucun souci mais l’Unedic, c’est le drame du siècle !

Reste qu’il faut financer le système de protection sociale et que cela impose, d’autant plus, une grande réforme fiscale. Réforme à mener en concertation avec les partenaires sociaux. Doit-on relever les cotisations ? Doit-on augmenter la CSG, sachant que cela ne concernerait pas l’ensemble des citoyens ? Je rappelle ici que dans les propositions de François Hollande, la convergence impôt sur le revenu-CSG était l’un des piliers de sa réforme fiscale. Ce qui permettrait de disposer de plus de ressources et nous ramènerait  aux fondamentaux de la protection sociale depuis la Libération. A savoir, chacun contribue à proportion de ses facultés respectives et la prestation délivrée à chacun pour couvrir le risque est du même ordre.

Que la Cour des comptes se contentent de faire son boulot

Quand au régime de l’intermittence si dépensier, rien de nouveau sous le soleil! Avec la Cour des comptes, c’est simple,  dès que le politique leur refuse quelque chose, elle pilonne. En gros, quand on la sort par la porte, elle passe par la fenêtre.  C’est un choix de politique culturel de ne pas céder sur ce point précis. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a rien à changer, je pense notamment à l’abus du statut d’intermittents par des sociétés de production télé. Mais bon, le régime d’intermittence, c’est le marronnier à la Cour des comptes. Elle a maintes fois alerté le gouvernement sur ce sujet, qui n’a pas, pour autant, arbitré en sa faveur. Car, dans une démocratie, c’est encore le politique qui décide.

Ces gens-là se prennent pour qui? Ce ne sont pas à eux d’imposer les décisions politiques et je crois, d’ailleurs, qu’il serait bon de changer leurs fonctions. A chaque fois, avant même qu’ils sortent leur rapport, vous savez d’ores et déjà ce qu’il va en sortir. C’est toujours le même discours : l’État gaspille de l’argent, on dépense trop pour mener tel ou tel type de politique et il faut la cibler socialement. Soi-dit en passant, en ne concentrant ces politiques de solidarité qu’en direction des pauvres, on les vide de toute cohérence et on finit par les assassiner. Le fait est, leur boulot ne consiste pas à trouver des solutions aux problèmes, mais d’appréhender les enjeux financiers et de s’assurer du bon respect des règles.  On leur demande de mettre le doigt sur les gaspillages, pas d’évaluer les politiques publiques. Ça, c’est le rôle du parlement, que la Cour des comptes reste à sa place. « 

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