Vite, la social-écologie!

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Tribune publiée dans la rubrique Présidentielle, le débat de Libération.fr

La France est très loin de Kyoto, nous alertait, il y a peu,
Guillaume Duval, rédacteur en chef d’alternatives économiques. Le constat global est juste, la critique sur le décalage, classique chez Jacques Chirac, entre les paroles et les actes est fondée, sa déception sur la gauche bien compréhensible.

Cependant, Je trouve surprenant que dans le protocole de Kyoto, le
rédacteur en chef d’alternatives économiques se focalise sur le marché
des droits à polluer qui est très contestable du point de vue de
l’efficacité écologique et parfaitement intégré à la logique libérale
de financiarisation généralisée .
Au sein de la commission environnement du Parlement Européen, j’ai, dés
2000, contesté la méthode de la bourse d’échange des quotas
d’émissions. J’étais à l’époque bien isolée. Depuis l’euphorie est
retombée, ce système montre ses limites, et nombreux sont ceux qui
cherchent. Un échange marchand fondé sur une allocation de droits à
polluer, fixé par les Etats est, par nature, biaisé. Mais surtout, ce
système dispense, les plus riches des efforts maximaux, n’incite ni à
l’innovation systématique ni à des actions à long terme, pourtant
indispensables pour lutter contre le changement climatique (la faible
visibilité des avantages à retirer d’un investissement lourd, au regard
des cours aléatoires de la bourse CO2 n’incite pas à l’optimum).
Enfin, Il est malthusien. Fermer une activité industrielle en Europe
est positif au regard de ces quotas ! Tant pis si ensuite le
rapatriement des produits réalisés ailleurs, dégage bien plus de gaz à
effet de serre. Les mécanismes dit flexibles, acceptés par l’UE,
permettront de surcroît aux entreprises de déduire les investissements
dit propres réalisés hors Europe !
De grâce, attachons nous à l’essentiel, à savoir réduire nos émissions
et non à je ne sais quelle orthodoxie libérale ! De même, expliquer les
insuffisances de la gauche par le refus du ministre des finances et de
Lionel Jospin d’instaurer les écotaxes est de mon point de vue erroné.
Rien ne prouve que la taxation des activités polluantes les réduise
ipso facto.
En France, l’essence est l’une des plus taxée d’Europe, le trafic
automobile n’y est pas plus faible ! Internaliser les coûts
environnementaux, surtout de façon indifférenciée, comme c’était le cas
avec la TGAP, est quasiment neutre dans la concurrence entre
entreprises, en tout cas françaises, et se répercute comme impôt
indirect, donc inégalitaire, sur les consommateurs. Ajoutons que pour
réellement être efficace et modifier les pratiques, la taxation doit
être sélective, dissuasive, et mise en oeuvre quand des alternatives
existent.
Dans ce cas, mieux vaut carrément édicter des normes et des obligations
de résultats ! Mais refusant, la contrainte normative, le rôle
régulateur de la puissance publique, les libéraux croient pouvoir s’en
affranchir en laissant le marché, et la formation des prix trouver le "
bon " équilibre et pousser à des pratiques écologiques " vertueuses " !
Il ne s’agit pas de rejeter toutes les écotaxes, mais elles ne sont pas
l’alpha et l’oméga de la lutte contre le changement climatique. Il y a
tant d’autres actions efficaces à développer qui ne l’ont pas été par
le gouvernement de la gauche plurielle, ou qui furent décidées trop
tard.
C’est seulement en Janvier 2002 que nous lancerons un plan ambitieux "
Habitat, construction et développement durable " (le bâti représente 30
à 40% de nos gaz à effet de serre). Il est largement resté dans les
cartons, car la droite n’en a repris que quelques éléments épars et
parce que la haute administration n’est pas encore réellement
convaincue de l’enjeu !
En tout cas, faire porter sur laurent Fabius les insuffisances du
gouvernement de la gauche plurielle est une étrange relecture du passé
qui ne tire pas les leçons de notre incapacité collective à relever le
défi de Kyoto. C’est aussi injuste, car il est l’un des premiers
responsables du PS à proposer une nouvelle synthèse entre l’identité
historique de la gauche et l’écologie, la social-écologie !
En tout cas, l’essentiel est désormais de tenir nos engagements et au
delà d’entrer dans l’ère de l’après pétrole, de la rareté énergétique
et des matières premières. Et là, il faut changer de méthode, de
rythme. La première des choses est de créer une culture, des savoirs et
une compréhension partagés plutôt que de tout parier sur la contrainte,
la culpabilisation et le catastrophisme.
La seconde est de faire de la lutte contre l’effet de serre, un grand
défi collectif. La France a besoin de grands projets pour catalyser la
mobilisation générale.
Enfin, l’Etat doit convaincre, entrainer et être exemplaire. Les plans
confus, accumulant des masses de dispositifs aussi bureaucratiques les
uns que les autres, qui ont jusqu’alors prévalu, sont incompréhensibles
pour les citoyens et n’engagent pas vraiment la nation. Seule une loi
de programmation, avec des obligations claires, précises et datées,
nous permettra d’atteindre les objectifs de Kyoto. Elle devra fixer le
niveau d’économie d’énergie et de réduction d’émission pour chaque
secteur d’activité et chaque territoire. Ce pilotage public par
objectif devra être décliné dans chaque collectivité locale et en
particulier dans les régions. La connaissance du but à atteindre, des
délais est un préalable à l’implication des acteurs économiques, des
citoyens comme des élus. Cette loi devra s’inspirer d’exemples
étrangers intéressants comme le plan Minergie du canton de Genève en
suisse, ou de la stratégie sur l’éco-conception au Japon, fixer les
quotas d’émissions pour les industries, édicter des normes rigoureuses
mais progressives, obliger les collectivités et entreprises publiques à
développer les meilleurs pratiques, imposer à tout producteur
d’électricité 20% d’énergie renouvelable, conditionner toutes les aides
et subventions à une meilleur efficacité énergétique, orienter toute
commande publique vers les technologies propres, soutenir des
recherches, des politiques industrielles innovantes dans le
développement durable et l’énergie, lancer de grands investissements
publics tant dans les transports que dans l’habitat et ainsi accélérer
les profondes mutations qui s’imposent dans notre mode de production,
l’organisation de nos services et dans nos pratiques. Au fond, il
s’agit de réinventer une forme nouvelle de planification, participative
et décentralisée, et de jouer la carte de la relance par les
investissements d’intérêt général.
Une voie de gauche et écologique ! En 2007, les Français devront
choisir un président capable de ce volontarisme en faveur d’une
révolution verte qu’ils sont prêts à engager si elle s’inscrit dans la
perspective du progrès collectif, de l’intérêt général, de la justice
sociale auxquels ils sont attachés. vite la social-écologie !

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