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Marie-Noëlle Lienemann répond aux questions des internautes du site lecourant.net

LeCourant.net : Pourquoi commencer votre rentrée par un livre fustigeant Ségolène Royal?

MNL : Alors d’abord mon livre ne fait pas que fustiger Ségolène Royal, il s’appelle “Au revoir Royal!”. Pourquoi la Gauche en est arrivé là ? Pourquoi il ne faut pas désespérer ?

Si je suis aussi brutale avec Ségolène Royal, c’est que j’ai déjà
vécu çà à plusieurs reprises. A chaque défaite c’est la faute à
personne ! C’est pas de la faute du candidat, c’est pas de la faute des
choix qui ont été faits par le parti socialiste ou par d’autre partis,
c’est de la faute des idées de gauches qui sont devenues archaïques. Je
pense exactement l’inverse. Et quand je vois se répéter le mécanisme
avec “c’est de la faute collective, c’est de la faute à personne et nos
idées doivent changer donc il faut se renouveler”. Il faut donc que la
rénovation soit l’abandon, et puis on traîne, on traîne. Les mêmes
restent là et les idées finissent par s’étioler et la gauche recule.
Voilà ce qu’on vit depuis des années ! Donc si le titre est choc, c’est
que je pense qu’il faut en finir avec ce cycle là qui est suicidaire
pour la Gauche. Je ne mets pas seulement en cause Ségolène Royal mais
aussi comment on a pu la désigner. De mon point de vue, il y avait dès
sa désignation tous les ingrédients de la défaite. Ca prouve bien qu’il
y a Ségolène Royal mais qu’il y a des raisons politiques plus
profondes. Et  si l’on veut sortir de ce cycle il faut s’y attaquer.

LeCourant.net : Le Parti Socialiste est en
profonde mutation aujourd’hui, le 1er Secrétaire, François Hollande,
dit vouloir reprendre sa liberté. Quel bilan faites-vous de sa
mandature à la tête du Parti Socialiste?

MNL : D’abord ce n’est pas nouveau qu’il pense qu’être 1er
Secrétaire du PS est un handicap pour être candidat. Je l’ai dit dans
le livre, en 2004, quand je lui demandais si il allait être candidat,
il me le disait déjà. Ca ça me consterne. Je  rappelle que François
Mitterrand était le 1er secrétaire du PS quand il a été élu, que
Nicolas Sarkozy comme Jacques Chirac étaient à la tête de leur parti
quand ils ont été élus. Ca manifeste une étrange idée de l’état de la
gauche, de l’état du PS. Peut-être qu’il fait la même constatation que
moi, c’est-à-dire que depuis qu’il est 1er secrétaire, peut-être un peu
avant, il y a un déssêchement du PS. J’ai adhéré toute jeune au PS, en
1971, à l’époque les gens étaient plutôt gauchistes. J’étais déjà très
à gauche mais je croyais à la démocratie et à l’Unité de la Gauche. Le
PS s’est déssêché parce qu’il a pensé que finalement il ne devait pas
être un acteur nouveau d’une nouvelle forme de dynamique unitaire à
gauche. Il a pensé que ses partenaires allaient tomber et se réduire,
qu’il n’avait pas à travailler avec eux à une nouvelle étape de
l’Unité. Donc pas de volonté unitaire réelle, seulement des accords de
gouvernement, d’appareil etc. M ême lors de la gauche plurielle , il
n’y avait pas de programme commun. Donc déjà un gros problème quant à
la dynamique unitaire. Deuxième problème : une survalorisation des
débats internes. Pourquoi aller faire ce referendum sur l’union
européenne alors même que l’on ne savait pas exactement si Chirac en
faisait un. Dans un cadre qui n’etait pensé que pour des rapports
d’appareil, que pour essayer de battre Fabius, de marginaliser Jospin
et tout ça… mais on en meurt de tout ça. ! Le 1er secrétaire a
entretenu à l’excès cette espèce d’atomisation des débats politiques,
des divisions et des anathèmes jetés contre les uns et les autres,
d’ailleurs la plupart du temps sans fil conducteur, sans se donner une
nouvelle pensée. Troisième chose, le fond de sa ligne : Francois
Hollande, il vient de chez Delors, il vient de la deuxième gauche, eh
bien il porte cette idéologie là, il ne pense pas qu’on peut résister
de manière efficace à la mondialisation actuelle, il est toujours
réservé sur notre capacité à faire vivre une gauche républicaine
alternative à la social-démocratie. Moi je pense que ces choix, ils
sont suicidaires pour la France, pour la Gauche française et pour la
Gauche Européenne. Donc inutile de vous dire que je suis assez critique
sur son bilan. Reste que si il n’y avait que lui, ce ne serait qu’un
demi-mal. Quand j’entends ceux qui l’ont contesté, je les vois de plus
en plus suivre l’idéologie de Sarkozy. Université : c’est pas mal
l’indépendance. La mise en cause des régimes spéciaux, oui c’est
nécessaire. comme si c’était la priorité numéro un et comme si ce
n’était pas une façon de mettre en cause une partie des salariés pour
fragiliser l’ensemble. J ‘entends dire que le marché c’est comme l’air
qu’on respire, heureusement pour moi je respire de l’air qui n’est pas
marchand. Bref on a là un glissement actuel que même certains qui
s’opposaient à Francois Hollande sont en train d’opérer. D’où l’intérêt
d’une initiative que j’ai prise avec des amis communistes, verts,
socialistes… qui est de lancer un club qui s’appelle Gauche Avenir,
qu’on travaille à une charte de l’Unité de la Gauche parce qu’il faut
repartir du fond.

LeCourant.net : Quels sont vos axes de réflexions dans ce club d’amis avec qui vous allez réfléchir à l’avenir ?

MNL : D’abord c’est ouvert à tout homme et à toute femme de gauche, c’est l’intérêt des clubs. A chaque période quand la gauche va mal, les partis ont du mal à se remettre en cause et se sclérosent. Mais il y a des clubs où l’on travaille pour construire et non pour détruire l’adversaire. D’où le mot Fabrique, on aurait pu dire creuset à d’autres époques, en tout cas un lieu de construction. Parce que c’est bien beau de débattre, la démocratie participative c’est bien, chacun dit ce qu’il a à dire mais qu’est-ce qu’on construit en commun ? Qu’est-ce qu’il y a en commun aujourd’hui entre un socialiste, un communiste, un écologiste, un syndicaliste de gauche, un militant associatif ? Ils se disent tous de gauche, mais c’est quoi la gauche ? Quel regard sur le monde, sur la mondialisation, sur l’économie ?  Les valeurs,comment  les décline-t-on ?  Quelles sont aujourd’hui les plus pertinentes ? Comment résister à certains lieux communs de la droite. Voilà c’est cà que nous voulons faire ensemble.

LeCourant.net : Parler de Fabrique cela évoque la Fabrica de Romano Prodi alors que les sociaux-démocrates italiens sont en train de réaliser l’alliance au centre ?

MNL : Oui mais parce que justement c’est là où la logique qui est la nôtre n’est pas celle d’une l’alliance au centre. Nous c’est la fabrique pour l’unité de la gauche. Je rappelle par ailleurs que ce qu’on oublie trop de dire sur l’Italie, tous mes amis sociaux démocrates nous serinent sur l’exemple italien, c’est que sans la montée des partis de la gauche de la gauche qui sont ceux qui ont progressé aux élections, ce centre gauche ne serait pas majoritaire. Nous, nous prenons le mot fabrique pour ce qu’il y a de collectif, d’ouvert aussi. Nous ne pensons pas que le rapport de force culturel est le même en France et en Italie. Et c’est pour ça que nous ne sommes pas des sociaux démocrates.  Parce que qu’il y a le vieux terreau républicain en France, un terreau de résistance au libéralisme, un terreau où les valeurs de gauche sont beaucoup plus ancrées.  Et puis fort heureusement on n’a tout de même pas eu Berlusconi ni d’ailleurs Thatcher.

LeCourant.net : Que faut-il ou qui faut-il au Parti Socialiste pour se relever et enfin gagner en 2012?

MNL : D’abord le qui me paraît prématuré. Personne n’est capable d’être aujourd’hui porteur de la synthèse qui est nécessaire. Deux, je ne crois pas qu’on se rénovera en vase clos. C’est tout l’intérêt du club. Si le parti socialiste ne prend pas le parti d’un vrai nouveau choix unitaire en proposant à ses partenaires un dépassement de chacun et un cadre commun nouveau, alors est-ce qu’il faut que ce soit un seul parti, une fédération avec des adhérents qui ne sont d’aucun parti. il y a mille façon d’inventer cela. Mais si ce n’est pas cette unité là qui est la matrice de notre rénovation et qu’on reste dans les magouilles de “je te prends un peu de MoDem” et pourquoi pas “et si tout le monde était là”etc. Or cette unité “idéologique”, pendant les années 70/80, il en était hors de question. Évidement le mur de Berlin, l’histoire… mais lÀ on est quand même dans une autre période donc on ne peut plus se contenter d’un programme commun ou d’un accord de gouvernement. C e qui est en cause, c’est la capacité de donner du sens à l’idée de gauche, aux idées de la gauche aujourd’hui. C’est pourquoi le dépassement du PS sur l’unité, c’est d’abord accepter l’idée de travailler avec d’autres à une charte de l’unité pour se recaler sur les fondamentaux de la gauche. Je ne sais pas qui va la porter mais je sais ce que je ne veux pas, remettre en cause nos noms, remettre en cause la charte fondamentale pour nous faire reconnaître l’économie de marché en faisant bien toutes les révérences naturelles qu’on souhaite nous voir faire, nous refaire gober la social-démocratie qui est en pleine panade politique partout en Europe, même dans les pays d’Europe du nord auxquels elle a pourtant apporté un certain nombre de choses. Donc je sais ce que je ne veux pas de ce côté là. En revanche ce travail sur l’unité, je ne sais pas qui va l’incarner mais c’est pour moi la grande bataille du renouveau de la gauche et de la rénovation du parti socialiste. Unité sur une idéologie. Comme Paul Quiles le disait tout à l’heure, Jaurès avait trouvé la bonne formule, l’"évolution révolutionnaire". Quand vous pensez que c’est Sarkozy qui a le mot rupture, d’abord y a de quoi rire sauf qu’on voit bien que c’est la rupture atlantiste et néo-conservatrice. Mais enfin, que la gauche ait abandonné en disant “on peut pas trop promettre” . Mais la Gauche c’est à la fois la gestion bien sûr, moi j’ai été ministre, je sais, j’ai été maire, je suis vice-présidente d’une région, je gère quotidiennement. Mais entre la nécessité de la gestion, la petite réforme ou la grande réforme et puis cet univers de contestation d’un ordre qui est de plus en plus instable, de plus en plus injuste et qui par ailleurs une logique propre, qui est celle du capitalisme financier transnational, d’une mondialisation libérale qui a désarmé le poids des états et des peuples ! Si on n’a pas en face non pas un contre modèle mais un socle de valeurs, de déterminations, de propositions de changement de cet ordre la, on va être broyé. Et qui résistera ? les nationalistes, les
islamistes, les ultras-religieux de chacun des camps. Ce sera l’Etat affaibli, la religion qui devient de nouveau non pas une conviction personnelle mais une sorte de fuite en avant idéologique et de l’autre côté vous aurez l’hyper-puissance financière qui commandera, et les Etats-Unis peut-être sur le terrain militaire. Si c’est pas le camp progressiste… et si dans ce pays…y a un ferment particulier à cause de l’histoire républicaine.

LeCourant.net : Une exception socialiste à la française ?

Oui, je pense que Jaurès est plus d’actualité que les sociaux-démocrates allemands. Et d’ailleurs dans mon livre je dit que si Sarkozy a gagné c’est qu’il a appelé au secours Blum et Jaurès pendant que nous on appelait Prodi et Tony Blair. Inutile de vous dire que les français ont préféré Blum et Jaurès à Tony Blair et Prodi. Et si ils n’ont pas eu raison de voter Sarkozy, ils ont eu raison de choisir plutôt ces idées là !

LeCourant.net : On vous a su longtemps proche de Laurent Fabius. Préparez-vous le prochain congrès à ses côtés?

MNL : D’abord je voudrais vous dire, qu’hélas le congrès n’est pas tout de suite mais dans un an. Alors vous dire comment je prépare aujourd’hui le congrès me parait un peu prématuré. Je n’ai absolument aucune raison d’abandonner le combat aux cotés de Laurent Fabius et de tous ceux qui se sont rassemblés autour de lui. Car ce qu’il a posé comme question, et on l’a balayé d’un revers de la main, ça reste des questions d’actualité. Veut-on l’unité de la gauche ou le rassemblement avec le centre ?Tout le monde ricanait pendant les réunions où on disait que c’était LA question. Et on a appris en deux jours qu’on changeait de cap de politique parce que Ségolène Royal avait décidé d’appeler Bayrou. Je reste sur le cap politique que nous avions fixé avec Fabius et qu’il incarne. Deuxièmement, on nous disait que la question salariale c’est ringard. Les démocrates américains, ils ont quand même gagné aussi parce qu’ils proposaient une augmentation du SMIC. Les sociaux démocrates allemands qui nous donnaient des grandes leçon sur le thème “faut négocier”, veulent un smic à 1400 euros. Donc on voit bien que toute une série des thèmes que nous avons développés, le refus du traité européen tel qu’il était, tout ça constitue encore une grande actualité. Par ailleurs je ne pense pas, a priori, que Laurent Fabius, soit définitivement rangé des cartons de l’histoire. Cette thématique “il pourra jamais, il n’est pas sympathique”, mais vous savez moi j’ai vécu la période où, j’étais pas mitterrandiste alors je peux le dire à l’aise, où les sondages portaient Michel Rocard au pinacle et considéraient Mitterrand comme un vieil archaïque, je faisais partie des gens qui faisaient “ah oui quand même il est vieux …” Reste que face à Giscard, le moderne, bouillonnant, qui bougeait partout qui était soi disant la grande modernité de la droite, c’est quand même l’homme fort, l’homme d’état François Mitterrand, sur une stratégie politique qui était l’union de la gauche, qui a gagné. Eh bien j’attends que les donneurs de leçon qui disqualifient Laurent Fabius,  j’attends de voir ce qu’ils sont capable de proposer d’aussi fort. Car rappelez vous, la TVA sociale, qui c’est qui a dégainé ? Ils étaient tous là en train de dire “on va se prendre une raclée”. Celui qui a créé le clivage gauche droite à ce moment là, qui était attendu par le peuple de gauche et d’ailleurs par les français, c’est Laurent Fabius. Et aujourd’hui si Christine Lagarde nous dit que la TVA sociale a du plomb dans l’aile, ce n’est pas tout à fait indifférent aux résultats des législatives. Je n’ai pas abandonné Laurent Fabius,  en même temps mon combat politique ce n’est pas d’attendre que Laurent Fabius décide en lieu et place des militants que nous sommes.

LeCourant.net : On parle en ce moment beaucoup des candidats au poste de 1er Secrétaire du PS, en particulier de Benoît Hamon, Ségolène Royal et Bertrand Delanoë. Pensez-vous que l’un d’eux puisse incarner un changement au PS ?

MNL : Je me méfie de ce genre de truc parce qu’en général on met tout le monde en avant parce qu’il y en a d’autres qui attendent au coin du bois je ne sais quelle situation. Donc moi pour le coup c’est clair, la première raison pour laquelle j’ai fait ce livre, c’est que je me suis dis que si il y a des gens qui s’imaginent qu’on puisse mettre Ségolène Royal à la tête du parti alors là c’est clair c’est non. De ce point de vue je suis en total désaccord. Je ne préjuge de rien sur ce qui va se passer, mais je n’y crois pas. Si elle avait créé une adhésion spontanée après sa campagne, si on s’était tous senti derrière elle et bien représenté, on neserait pas dans cette situation politique aujourd’hui. Deuxièmement je pense que quelqu’un comme Benoît Hamon est quelqu’un de vertébré politiquement, qui a fait des choix courageux et que j’approuve, qui a des qualités personnelles non négligeables. De là à dire qu’il peut être le seul 1er secrétaire incarnant un renouveau avec une ligne stratégique. Un çà dépend de lui, deux ça dépend de la ligne qu’on va être capable de choisir, trois j’ai un peu peur qu’une partie de ceux qui prétendent le soutenir aujourd’hui ne lui soient pas d’une grande fidélité en fin de compte. Mais si il fallait choisir entre ceux que vous m’avez cité, c’est a coup sur Benoît Hamon qui a ma préférence.

LeCourant.net : Pensez vous que le PS risque une scission si Ségolène Royal devient 1er Secrétaire ?

MNL : Ah c’est clair que si le Parti Socialiste choisi définitivement l’alliance au centre, continue à abandonner toutes ses idées de gauche et considère que la "victoire", car c’est comme ça qu’elle la qualifie, de Ségolène Royal doit l’amener à être 1er secrétaire du Parti Socialiste, très franchement je ne suis pas du tout prête à choisir ce chemin là. Je n’ai pas d’inquiétude, je ne pense pas qu’elle gagnera.

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