Tribune de Marie-Noëlle Lienemann dans le Nouvel Observateur: Les banlieues, un terrain déserté par la droite et vilipendé par l’extrême droite

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LE PLUS. Quel avenir pour les banlieues ? Chômage, dégradation des conditions de vie, absence de perspectives, cinq ans après l’élection de Nicolas Sarkozy, la situation de ces territoires n’a pas évolué, selon Marie Noëlle Lienemann, sénatrice (PS) de Paris et ancienne ministre du Logement, qui déplore le manque d’ambition de la droite.

> Par Marie-Noëlle LienemannSénatrice PS

Edité par Sébastien Billard

On ne peut pas prétendre défendre les valeurs républicaines et contourner ou rejeter sans cesse les habitants des quartiers populaires de nos villes qui ont tant besoin que s’applique pour eux, comme pour les autres, la devise « liberté, égalité, fraternité ».

Il faut bien avoir à l’esprit que c’est le tiers de la population française qui vit en banlieue (selon les données de l’INSEE datant du recensement 2006) et plus de 7% dans les quartiers classés en zone urbaine sensible (ZUS).

Or c’est précisément là que Nicolas Sarkozy fait tout pour éluder le sujet et pour éviter les visites sur le terrain, craignant sans doute que la rencontre avec la population révèle la faiblesse de son bilan, la dégradation des conditions sociales et de vie des familles mais aussi les difficultés et l’absence de perspective d’une jeunesse particulièrement nombreuse dans ces villes.

Il ne fallait pas voir et encore moins entendre ce qu’ils avaient à lui dire. Devant l’investissement personnel de François Hollande qui consacra deux jours au contact des citoyens, des acteurs engagés dans les banlieues, le candidat sortant s’est sans doute cru obligé de réagir et d’organiser une visite en coup de vent à Drancy.

Nicolas Sarkozy en visite à Drancy, le 10/04/2012. (DUPUY FLORENT/SIPA)

Nicolas Sarkozy en visite à Drancy, le 10/04/2012. (DUPUY FLORENT/SIPA)

Une rencontre avec les responsables religieux de la ville, ce qui au passage en dit long de la vision qu’il privilégie dans ces territoires. On ne peut dès lors s’empêcher de se souvenir de son discours de Latran en 2007, insupportable pour tout laïque : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé ».

C’est d’ailleurs là qu’il vient annoncer sa volonté de créer un institut de formation des Imams de France, en associant les universités à la partie « civique » de cette formation ! Tout cela est pour le moins étrange. Puis une visite au centre culturel berbère enfin un déjeuner restreint avec des invités bien choisis. On ne peut guère s’empêcher de noter un penchant communautariste dans cette unique visite organisée en catimini !

Des territoires stigmatisés

Dans le même temps, Marine Le Pen s’est crue elle aussi obligée de réagir à l’initiative de François Hollande en tentant d’opposer les territoires ruraux aux quartiers, autrement dit « la vraie France » à celle qu’elle refuse de voir, de reconnaitre et elle aussi de rencontrer !

« L’immense majorité de la population vit dans la ruralité », assène-t-elle pour justifier son refus de s’y déplacer. Rappelons d’abord l’inexactitude totale de son propos car selon l’INSEE, ce sont 18% de nos compatriotes qui vivent dans les espaces ruraux. On soulignera également la vision très comptable et pour le moins cynique de la politique comme de l’action publique ainsi révélée. Les habitants de nos villages, ceux du monde rural, ont droit à la même attention, à la même considération que ceux des banlieues et que tous les autres français. Dans la République, tous sont égaux et qu’importe le territoire ! Si Marine Le Pen se gargarise en permanence du mot républicain, elle vient de montrer avec éclat combien elle en renie en permanence le sens.

En affirmant que « ce sont des milliards qui se déversent dans les banlieues », elle entretient tous les stéréotypes éculés qui montent les citoyens les uns contre les autres et qui sont totalement faux ! Et Nicolas Sarkozy, par ses propos mensongers sur le financement du Plan National de Renouvellement Urbain, ne fait qu’alimenter l’idée selon laquelle les banlieues bénéficieraient de crédits mirobolants.

Réenchanter le rêve français

La réalité est tout autre et le pays n’a pas dépensé contrairement à ce qu’il déclare 46 milliards d’euros pour les banlieues. Seulement 55% de cette somme et du programme ont été mis en œuvre et dépensés aujourd’hui. De plus, l’essentiel de ce qui est financé l’est par les HLM (donc par les locataires de logements sociaux), les collectivités territoriales concernées et le 1% logement. Nicolas Sarkozy aura été le premier président de la République à avoir organisé l’assèchement continu des financements de l’Etat en direction des quartiers et depuis 2009, l’Etat ne met plus un euro pour ces programmes.

Si l’on refuse que la rénovation s’arrête ainsi, les futurs gouvernements devront trouver les financements nécessaires et conséquents. Nicolas Sarkozy n’en dit rien et annonce une somme dérisoire pour un second programme de 18 milliards d’euros alors même que tous les experts, même de droite, le chiffrent à 40 milliards !

Agir sur la qualité du bâti et de l’habitat est essentiel mais il faudrait impérativement et corrélativement prendre en compte l’humain. Inutile de commenter l’abandon des politiques de la ville, la suppression des postes dans l’éducation, la baisse et la disparition de subventions pour le monde associatif! Quant au Plan Marshall de Fadela Amara, ce lointain souvenir se suffit à lui-même. Les banlieues ont été oubliées, méprisées et reléguées par Nicolas Sarkozy.

Il est urgent de réenchanter le rêve français et cela impose une véritable feuille de route du rattrapage républicain dans ces quartiers.

Tenir la promesse républicaine

Il doit se traduire par l’obligation pour chaque administration et chaque service public de rendre des comptes publiquement sur sa présence, son action et des méthodes qu’il compte déployer pour ce rattrapage afin de garantir l’égalité d’accès de tous à des services publics de qualité, adaptés aux besoins de chacun. On voit l’importance de cette méthode pour l’éducation, les transports ou encore l’accès à l’emploi…

J’ai souvenir d’avoir dû constater avec une délégation du Conseil Économique Social et Environnemental à Clichy-Sous-Bois en vue du rapport sur le bilan et les perspectives du Programme National de Renouvellement Urbain (PNRU) que Pôle Emploi était absent de ces quartiers.

Cette feuille de route doit avoir pour corollaire le bouclier rural. Elle doit aller de pair avec un financement réel, conséquent et continu de l’Agence Nationale de Renouvellement Urbain, sans doute à travers un prélèvement dédié.

L’achèvement du PNRU1 et la création d’un nouveau programme est décisif pour l’avenir du pays qui se joue dans ces territoires trop souvent caricaturés et délaissés. Celui-ci dépend aussi de la mobilisation citoyenne qui doit permettre que se tienne enfin la promesse républicaine.

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/522570-les-banlieues-un-terrain-deserte-par-la-droite-et-vilipende-par-l-extreme-droite.html

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