Le Nouvel Observateur Sénatrice PS, j’estime qu’il ne faut pas ratifier mais renégocier le traité européen

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LE PLUS. Europe Ecologie-les Verts s’oppose à la ratification du traité budgétaire européen. Le parti écologiste n’est pas le seul à dénoncer un texte proposé par Sarkozy. Au sein du PS, Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris et ancienne ministre, envisage des alternatives.

Édité par Mélissa Bounoua

 UNION EUROPÉENNE. Il n’y a aucune urgence à ce que la France ratifie le traité de pacte budgétaire. Les critiques qui lui sont faites sont légions et justifiées. Mais l’essentiel est et demeure qu’il soit renégocié pour répondre à la crise monétaire actuelle, pour relancer la croissance et pour réorienter en profondeur la construction européenne. Ne pas renoncer à une vision de l’Europe

Car, il ne faut, en aucune mesure, renoncer à ce beau projet d’Europe politique, espace de solidarité, de progrès et de dynamisme partagés que nous sommes nombreux à espérer, au motif que la déferlante libérale l’a brisé net. Mais, force est de constater que poursuivre sur la voie qui a prévalue depuis près d’un quart de siècle et amplifier encore cette logique de concurrence exacerbée, de désengagement public, de malthusianisme budgétaire affiché et de déficits accumulés discréditerait l’Europe aux yeux des peuples et l’affaiblirait davantage dans le Monde.

La France et la gauche doivent par la non-ratification refuser le « There is no alternative » (TINA) des libéraux et montrer qu’une autre voie est possible, en exigeant la renégociation du traité. La plupart des pays du Sud voient tous les jours l’abîme dramatique dans laquelle les politiques austéritaires les plongent. Ils peuvent entendre nos contrepropositions et peser pour qu’elles soient réellement rediscutées. Le véto allemand ne saurait être accepté d’autant qu’il pourrait tout autant s’y voir opposer un véto français !

Alors fixons quelques balises sur le contenu d’une renégociation.

Il y a d’abord l’urgence de la crise monétaire. Chacun voit bien qu’il est essentiel que la Banque centrale européenne (BCE) puisse intervenir pour prêter directement aux États, avec des taux d’intérêt réalistes qui ne creusent pas davantage les déficits des pays. Il faut cesser cette mécanique où la BCE prête de l’argent aux banques qui prêtent aux États, faisant au passage de substantiels bénéfices, coûtant cher aux budgets des pays. Le rachat de dettes souveraines par la banque centrale stopperait la spéculation et permettrait de redéfinir sérieusement une politique d’avenir.

Modifier les missions de la BCE

Les récentes annonces de la BCE sur le rachat illimité de certaines obligations est en trompe l’œil car il s’agit de prêts de très courte durée sous condition d’austérité. Mais déjà sur ce point, l’avis de l’Allemagne s’est trouvé totalement isolé. Modifier les missions de la BCE constitue l’un des changements structurels majeurs qui s’impose en Europe. Il suffit de prendre la mesure de l’intervention actuelle de la banque fédérale américaine pour comprendre l’enjeu pour notre avenir et notre croissance.

Le second point est la question posée par la France dès le traité de Maastricht, à savoir la nécessité d’un gouvernement économique de la zone euro. Après le départ de François Mitterrand, les présidents de la République ont abandonné ce terrain en acceptant d’inscrire un cadre macro-économique contraint et gravé dans le marbre des traités en lieu et place d’une instance commune chargée de fixer, en accord avec les États membres et les parlements une stratégie économique et financière pluriannuelle.

Il faut donc substituer à la règle d’or et aux sanctions automatiques, la création d’un conseil macro-économique de l’Euro, qui doit, tous les 3 ou 5 ans, fixer le cadre des déficits à ne pas dépasser pour chaque État, en tenant compte de la situation mondiale, du soutien nécessaire à la croissance, aux efforts à mettre en place, en en répartissant la charge et fixant à chacun des objectifs atteignables.

Les parlements nationaux seraient consultés et voteraient une loi pluriannuelle de mise en œuvre. Cette idée du gouvernement économique est donc tout le contraire de la règle dogmatique aveugle. Rien n’est pire que des objectifs annoncés et jamais atteints, car irréalistes. C’est, de surcroît, déresponsabilisant. L’assainissement budgétaire, par ailleurs nécessaire, peut être progressif, inscrit dans la durée pour être solide et structurel. Il faut aussi veiller à ce qu’en cas de croissance soutenue, la résorption des déficits soit bel et bien effective.

Les fondements libéraux de l’Europe en cause

Mais il faut aller plus loin. La crise trouve ses racines dans un constat plus fondamental : il ne peut y avoir une monnaie commune avec des écarts économiques et sociaux aussi considérables entre pays, et qui, de surcroît, s’accroissent de plus en plus. Mais là, ce sont bel et bien les fondements libéraux de l’actuelle construction européenne qui sont en cause.

Le système libéral met les peuples en concurrence et non en coopération solidaire, il renforce le fort et écrase le faible, il accroît les inégalités entre et au sein des pays et il affaiblit la puissance publique, les outils de redistribution et les capacités d’arbitrage démocratique des citoyens. Voilà ce qui s’est passé et s’opère encore sous nos yeux, voilà ce qui a guidé les choix européens depuis plus de vingt ans et qu’il faut résolument changer.

On doit, dès à présent, faire de nouvelles propositions :

– faire converger progressivement les politiques sociales : instauration partout de Smic nationaux, qui année après année, devront être augmentés en vue d’atteindre, à une date butoir, un Smic européen ; des règles communes antidumping social.

–  harmonisation fiscale et véritable lutte contre les paradis fiscaux et autres méthodes d’évasion fiscale en Europe.

– taxer les transactions financières, les transports poids lourds… pour constituer une ressource propre de l’UE afin de financer des politiques d’investissements de modernisation des régions européennes.

– instaurer des politiques industrielles communes, par exemple dans le secteur des énergies renouvelables, des technologies du vivant et rétablir les aides publiques pour soutenir les filières industrielles, la recherche.

Les principes de coopération européenne, de juste échange, de lutte contre les inégalités doivent se substituer à la concurrence libre et non faussée.

Notre continent ne sortira pas d’une crise aussi profonde par des mesures d’ajustements techniques imposés par les événements et qui ne s’attaque pas aux vrais problèmes, qui confortent les pires travers de l’actuelle construction européenne. La stratégie des petits pas n’est plus de mise. Il faut un acte politique fort. Exiger la renégociation du traité. Il faut changer !

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