Intervention de Marie-Noëlle Lienemann au BN du PS, mardi 27 novembre 2012, sur le plan  » compétitivité »

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin


Intervention à la suite de la présentation du plan compétitivité du gouvernement par Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.

Nous avons de vrais désaccords avec le plan compétitivité présente par le gouvernement et en particulier avec le dispositif de crédit d’impôt “compétitivité”.

Nous n’avons jamais nié qu’il était nécessaire d’apporter des aides aux entreprises pour soutenir l’industrie, sa compétitivité  et favoriser les capacités exportatrices du pays. Je suis favorable au soutien des forces productives. Mais le crédit impôt compétitivité pose de graves questions. D’abord, quoiqu’Arnaud nous dise aujourd’hui, en faisant du crédit d’impôt la mesure phare du plan compétitivité,  la démarche gouvernementale vient en appui de la thèse du rapport Gallois sur la baisse des “coûts” du travail.

 C’est une forme d’abdication idéologique qui apporte de l’eau au moulin de la droite… c’est une spirale sans fin.

J’y reviendrai, mais je voudrais avant noter qu’Arnaud a dans son propos ouvert des sujets connexes particulièrement importants qui touchent directement à la « demande », au pouvoir d’achat. Il vient de nous expliquer qu’il souhaite que la majorité réfléchisse au financement de la protection sociale, et il insiste à juste titre sur le fait qu’une partie de celle-ci procède de la solidarité nationale et non plus du salaire différé. Il a raison. Depuis très longtemps nous sommes nombreux à gauche à penser qu’il est indispensable de ne pas faire peser sur le seul travail le coût de la protection sociale et nous demandons une réforme majeure du mode de calcul des cotisations en prenant comme base, pour tout ou partie, la valeur ajoutée produite dans l’entreprise.

Et pour prolonger cet appel à la réflexion d’Arnaud, je vous rappelle qu’il y a une autre réforme que nous préconisons et qui était dans notre programme : l’unification de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans un grand impôt progressif. Parce que la progressivité c’est la justice sociale.

Mais hélas, Arnaud, tu le sais, on ne parle plus de tout cela et le plan compétitivité revient à la bonne vieille méthode des allègements de cotisations, qui au passage n’ont jamais fait la preuve leur efficacité, loin s’en faut.

Donc, nous allons accorder 20 Milliards de cadeaux aux entreprises dont une majorité ne va absolument pas servir à améliorer la compétitivité de nos entreprises et à rétablir le déficit de notre balance commerciale.

En effet, les premières évaluations montrent que dans les faits, l’industrie capterait seulement 20% des 20 milliards d’euros d’allègements de charges. Me service aux entreprises 17% c’est à dire que seuls 37% des allègements vont aller aux secteurs importants pour la compétitivité. À côté de cela le commerce et singulièrement les grandes surfaces vont capter 19% de ces crédits, les cliniques privées, les banques, bref de très nombreux secteurs qui ne sont en rien confrontés réellement à la concurrence internationale vont engranger à nouveau, l’équivalent d’allègements de cotisations dont ils n’ont absolument pas besoin.

Malgré ses limites et ses dangers, la décision semble prise le gouvernement. Je me place donc dans ce contexte. Et je vous le dis franchement : « la moindre des choses serait que ces crédits d’impôts soient ciblés vers les secteurs exportateurs et afin qu’ils servent vraiment à la relance industrielle. La moindre des choses serait qu’il y ait des réelles contreparties, en terme d’emplois, d’investissements d’avenir, en particulier. »

Pour en revenir au crédit d’impôt, nous avons bien noté l’argumentaire du gouvernement visant à expliquer que le contrôle de l’usage des aides, les contreparties seraient négociées dans les entreprises. Et vous me trouverez toujours du côté de celles et ceux qui défendent  la négociation sociale. Mais je sais aussi, par l’expérience, que la négociation, en temps de crise et de pression extrême sur le salariat, sans point d’appui pour le rapport de force, n’est qu’un vain mot. Clairement, si la loi n’encadre pas quelques points clefs, il est évident que le rapport de force ne sera, dans la plupart des cas, pas favorables aux salariés. Pire, dans les entreprises sans CE aucune espace de régulation ne sera institué.

Il est évident que si les contreparties ne sont pas explicitées maintenant, au début du processus, en cas de délocalisations ou départs, la puissance publique ne pourra pas exiger le remboursement des aides !

Notre second désaccord concerne les modalités de financement du «  crédit d’impôt  compétitivité »

Mais bien sûr le pendant de 20 milliards de crédit d’impôts pour les entreprises, c’est naturellement la question du financement : par la TVA et une nouvelle réduction des dépenses publiques. Inutile ici de reprendre l’argumentaire sur l’injustice de la TVA fut elle réorganisée. Inutile aussi de mettre en évidence la catastrophe  et les pertes d’emplois  que pourrait provoquer dans le secteur du bâtiment le passage de la TVA du logement social à 10 %.

Mais  il est clair que cette  augmentation de la TVA  va lourdement pénaliser  la croissance. Comme la diminution budgétaire annoncée de 10 milliards d’euros qui va s’ajouter à la réduction massive des crédits prévue pour atteindre un déficit de 3% de PIB puis l’équilibre en 2017. Déjà cette perspective constituait un lourd handicap pour la croissance, mais 10 milliards d’économies supplémentaire par an est intenable, et va plomber les collectivités locales, tuer l’investissement nécessaire à la modernisation du pays et à la croissance.

En clair, on soutient une hypothétique relance par l’offre en tuant toute stratégie de soutien par la demande c’est plus que paradoxal. Non seulement nous avions toujours dit que nous devions trouver un équilibre entre les deux démarches, mais en plus les effets d’une relance de l’offre seront nécessairement assez longs et risquent de n’avoir qu’une très faible crédibilité si une panne de la demande nous entraîne en récession.

En troisième lieu, Arnaud qui nous tient un langage très optimiste et ferme et je le soutiens, omet pudiquement certains sujets, pourtant essentiels. Il nous parle de la nécessité d’amener l’Europe à être vigilante sur une certaine réciprocité avec les pays tiers  par exemple la Chine. Mais la politique monétaire, celle de l’Euro fort constitue un handicap majeur pour notre compétitivité.

L’autre point est l’absence de convergences sociales et fiscales au sein de l’UE. Aujourd’hui en n’organisant pas cette convergence, vers le haut, c’est le dumping social et fiscal que l’UE organise. C’est inadmissible. D’autant plus inadmissible que cette carence est largement entretenue par Angela Merkel et l’Allemagne, le pays le plus riche de l’Union.

Oui il faut des convergences sociales et fiscales européennes pour sortir de a spirale régressive, oui, nous le savons bien, la baisse des “coûts du travail” est un piège sans fin. Les mesures d’austérité imposées dans la plupart des pays du Sud, ou de l’Est, ont visé exactement à cela : réduire les salaires, accroitre la flexibilité du travail… Pour quel résultat ?

  Nous le disions hier, nous devons le redire aujourd’hui il faut une autre voie.

Cette autre voie, c’est celle qui organise des filières, monte en gamme, soutient l’innovation, promeut l’investissement à travers des fonds publics, et bien d’autres dispositions. D’une certaine façon, il convient sous des formes nouvelles de réinventer une planification, en lien avec les Régions. De ce point de vue, la partie du rapport Gallois sur ce qu’on appelle les mesures hors coûts comprennent de nombreuses propositions indispensables à mettre en œuvre.

Le BN d’aujourd’hui pour le moins doit réaffirmer que nos parlementaires ne sauraient voter le dispositif de crédit d’impôt et de hausse de la TVA sans cibler les aides, imposer des “conditionnalités”, veiller au contrôle de leur usage et revoir l’actuelle répartition de TVA en attendant une réforme fiscale et des prélèvements sociaux, digne de ce nom.

LES DERNIERS ARTICLES