Rerouvez mon interview à Public Sénat sur la compétitivité

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François Vignal
Le 07.11.2012 à 13:32
lienemann - AFP

© AFP

La hausse de la TVA annoncée hier par l’exécutif déplait à la gauche du PS. «Quand on fait l’inverse de ce qu’on a dit, cela pose un problème politique», prévient la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, membre de l’aile gauche du PS. «Cette hausse aura un effet injuste», ajoute-t-elle, parlant de «cadeau de 20 milliards aux entreprises». Entretien.

La TVA va augmenter pour financer une partie de la baisse du coût du travail. Quelle est votre réaction ?
Je considère que la TVA n’est pas la bonne méthode. Ce qu’on a dit avant l’élection est toujours valable. La TVA est un impôt injuste qui pèse sur tout le monde. Cela peut paralyser une part de la demande sans laquelle les entreprises n’auront pas de débouchés. Cela aura un effet négatif, injuste et anti économique sur la croissance. Je n’approuve pas l’arbitrage qui a été pris par le premier ministre et l’exécutif.

D’autant plus que dans certains secteurs, cette hausse va s’avérée catastrophique : dans le logement sociale, la TVA va passer à 10%, elle aura quasiment doublé en un an et demi. Ça va être un handicap pour l’objectif de construire 150.000 HLM par an fixé par le gouvernement, sauf à  considérer que le logement social soit un bien de première nécessité. Le taux intermédiaire concerne beaucoup de secteurs créateurs d’emploi. Certes, il ya des allégements de cotisation, mais c’est un système de gribouille : les HLM vont payer plein pot la TVA et ne vont pas avoir de baisse significative de leur masse salariale.

La baisse systématique du coût du travail me paraît une mauvaise décision. On a auditionné Louis Gallois ce matin au Sénat. Il nous explique que sur l’ensemble des 20 milliards d’euros, il n’y a que la moitié vraiment destinée au secteur industriel. Je considère que cette mesure est un cadeau aux entreprises un peu systématique. Elle n’est pas ciblée sur les vrais secteurs qui en ont besoin. Cette mesure coûte trop cher.

Après avoir supprimé la TVA sociale en juillet, conformément à son engagement de campagne, François Hollande se contredit aujourd’hui…
Il n’a pas échappé à nos concitoyens que nous avions dit que nous étions  contre la hausse de la TVA et on le fait. Je regrette que le débat engagé lors du congrès du PS, où des personnes comme Martine Aubry avaient émis les plus vives réserves, n’ait pas été pris en compte par le gouvernement. Il aurait dû entendre davantage son électorat et rester fidele à sa ligne.

La TVA ne couvre que 7 milliards. Et les autres 10 milliards vont être une baisse des dépenses publiques. Elles vont s’ajouter aux baisses considérées comme indispensables au regard de la volonté d’équilibrer le budget. Ça risque d’être une sérieuse hémorragie dans les dépenses publiques. Je crains une réduction des investissements publics, des grandes infrastructures et pour la qualité des services publics.

Cette hausse de la TVA sera-t-elle un danger pour le pouvoir d’achat ?
Oui, on ne prélève pas 7 milliards d’euros sans conséquences.

Comment expliquez-vous cet arbitrage du gouvernement sur la TVA ?
Je suis étonnée du flottement et du changement de pied. J’observe que cela s’est fait sans concertation. On nous explique qu’on ne fait pas de mesure sur les licenciements boursiers car on ne peut pas le faire sans concertation et en même temps on fait un cadeau de 20 milliards aux entreprises et là, pas de consultation syndicale ! Cette précipitation a peut-être une explication : les avertissements d’Angela Merkel sur la fragilité française et les pressions du FMI pour faire des réformes structurelles. Ce sont certainement des éléments qui ont influé sur les décisions du gouvernement. Je ne comprends pas qu’ils y cèdent, c’est une affaire sans fin. On va vers un dumping fiscal et social redoutable pour notre modèle social et notre croissance. Si on ne relance pas la consommation intérieure par des redistributions de richesses, on ne peut pas compter sur que sur l’extérieur. C’est une politique de court terme sous pression d’une politique européenne qui n’a pas été réorientée.

Pensez-vous qu’il manquera des voix au Parlement lorsque ces mesures seront examinées ?
Non, on ne va pas traiter chaque désaccord par un vote différent.  La solidarité gouvernementale s’imposera à nous. On a dit ce qu’on avait à dire sur le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ndlr), qui était un combat de longue haleine. Mais ces mesures viennent se rajouter au flottement politique qu’il y a au sein des forces de gauche au regard du soutien gouvernemental.  Il est important d’avoir un débat sur les mesures qui peuvent être améliorées et de renouer avec nos partenaires un climat de confiance, fortement entamé. J’ajoute qu’aucune mesure de redressement économique ne peut se faire sans soutien populaire et syndical.

Mais n’y a-t-il pas un problème de coût du travail auquel il faut apporter des réponses ?
Si, mais la bonne méthode est de modifier le calcul des cotisations sociales, en partie sur la valeur ajoutée. Beaucoup d’entreprises ne paient pas de cotisations car elles sous-traitent à des PME qui elles, les paient plein pot. Il faut mieux répartir les efforts et mieux cibler les secteurs qui auraient besoin d’être soutenus à l’exportation.

La hausse de la TVA risque-t-elle d’être difficile à défendre  sur le terrain ?
Je n’en sais rien. Mais il est  clair que quand on fait l’inverse de ce qu’on a dit, cela pose un problème politique.

Globalement, les mesures proposées par Jean-Marc Ayrault vont-elles dans le bon sens ?
Il y a des tas de choses très positives : les mesures hors coût, la politique de soutien des filières, le développement de la Banque publique d’investissement, les mesures bancaires, le Small busines act à la française. Mais des choses manquent : quelle stratégie européenne pour lutter contre l’euro fort et le dumping fiscal ? Et sur la nature de capitalisme français, qui est de moins en moins un capitalisme national, alors que les Allemands ont gardé un capital plus national, notamment via leurs banques des régions. Chez nous, avec les privatisations, la plupart des fleurons de notre industrie sont partis.

vous pouvez retrouver cette interview sur http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/tva-lienemann-tonn-e-flottement-changement-pied-334337

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