Modifier l’accord de Flexisécurité au Parlement

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Le débat va bientôt commencé sur l’accord Flexi-securité au Parlement. D’abord bien sûr à l’assemblée nationale, ensuite au Sénat. Le forum organisé par Gauche Avenir, lundi 25 Mars, a été très riche, a montré de larges convergences entre des représentants de toutes les sensibilités de la gauche et des écologistes, en lien avec les organisations syndicales. A l’issue de ces travaux, nous pouvons fixer concrètement des propositions qui  rééquilibreraient le texte  en faveur des salariés et des chômeurs, ou pour le moins l’amélioreraient réellement. Ces propositions se déclineront en amendements parlementaires, elles ne sont pas exhaustives.

  • Sur l’article 1er « généralisation de la couverture complémentaire santé pour les salariés et les demandeurs d’emploi »

Passer la part du coût de protection complémentaire santé financée par l’employeur à 60%

L’objectif est de prévoir un montant minimum de financement de la protection sociale à la charge de l’employeur de 60 %, au lieu des 50 % prévus dans le projet initial. En effet, ce montant est inférieur à ce qui est aujourd’hui observé en moyenne, à savoir 57 % d’après l’IRDES (institut de recherche et documentation en économie de la santé).

Instaurer une portabilité unique pour que les salariés ayant perdu leur emploi conservent pendant 12 mois leurs droits à la complémentaire santé

Dans sa version initiale, le projet du gouvernement limite le bénéfice des droits à la complémentaire santé après la fin du contrat de travail à la durée d’indemnisation du chômage, sans que ce délai puisse excéder leur dernier contrat et sans pouvoir excéder 12 mois. Nous proposons de ne pas pénaliser les chômeurs ne bénéficiant que d’une faible indemnisation, conservant uniquement le délai lié à la durée du dernier contrat dans une limite de 12 mois.

Instaurer la possibilité pour les accords de branche de comporter une clause de désignation

Le but est de prévoir la possibilité pour les accords de branche relatifs à la protection sociale complémentaire de comporter une « clause de désignation », c’est-à-dire une stipulation imposant aux entreprises de la branche de recourir à un assureur identifié, le plus souvent un institut de prévoyance paritaire.

  • Sur l’article 4 « amélioration de l’information et des procédures de consultations des institutions représentatives du personnel »

Faire peser l’intégralité du coût des expertises, pour appuyer le comité d’entreprise dans l’appréciation des données stratégiques de l’entreprise, sur l’employeur

Il s’agit de supprimer toute dérogation à l’article 2325-40 du code du travail qui pose le principe de financement par l’employeur en matière d’expertise. Les différences de moyens entre les comités d’entreprises (CE) peuvent être très considérables et il est donc important de supprimer les 20% de « reste à charge » qui pèsent sur les CE dans le texte initial.

Concilier les règles de confidentialités liées à l’accès à la base de données avec le droit à l’information des salariés

Le projet de loi fait peser une obligation de discrétion sur les membres des CE et les délégués syndicaux s’agissant des données à caractère confidentielles. Bien sûr, cette obligation se comprend mais elle doit être mise au regard du droit d’information dont disposent les salariés, mise en balance largement confirmée par la jurisprudence. L’amélioration de l’information des institutions représentatives du personnel ne doit pas conduire à un affaiblissement du droit à l’information des salariés.

Renforcer un contrôle à posteriori, par les institutions représentatives du personnel, de l’utilisation du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi

Cet amendement vise à prévoir une transmission systématique du rapport constatant une utilisation non-conforme à la finalité du CICE à l’administration fiscale, notamment au regard de l’impact sur l’emploi. Il a pour but de démontrer l’impératif de conditionnalité et le cas échéant de remboursement de cette aide publique dont le coût est chaque année de 20 milliards d’euros.

  • Sur l’article 5 « participation des salariés aux instances de direction des grandes entreprises »

Abaisser les seuils de taille d’entreprises pour élargir la représentation des salariés dans les instances de direction

Il s’agit d’élargir considérablement de la présence des salariés dans les conseils d’administration des entreprises. Il est donc proposé d’abaisser le seuil de 5 000 à 2 000 salariés en France et de 10 000 à 5 000 salariés dans le monde, faisant ainsi passer de 25 à 50% les salariés français ainsi représentés par leurs pairs au sein des organes de gouvernance des entreprises. Il s’agit également d’intégrer la notion d’équivalent temps plein pour prendre en compte les salariés à temps partiels dans le seuil et pas uniquement les salariés permanents comme le prévoit le projet initial. Rappelons qu’en Allemagne ce seuil est à 500 salariés soit 10 fois moins que dans le projet gouvernemental.

Doubler le nombre de représentants des salariés dans les instances de direction

Lorsque les conditions de seuils sont remplies, nous proposons de passer le nombre de représentants des salariés de 1 à 2 dans les conseils d’administrations représentants moins de 12 membres et de 2 à 4 lorsque ces derniers comprennent plus de 12 membres. Rappelons qu’en Allemagne au seuil de 2 000 salariés les conseils de direction sont composés par des représentants des salariés à hauteur de 50% (cf. un excellent rapport sénatorial sur la participation des salariés à la gestion de leur entreprise) quand le texte du gouvernement prévoit une représentation à hauteur de 8%.

Faire bénéficier les représentants salariés aux conseils d’administration du statut de salariés protégés

Il s’agit de permettre aux représentants salariés dans les CA de pouvoir exercer librement leurs fonctions d’administrateurs.

  • Sur l’article 7 « majoration des cotisations d’assurance chômage à certains contrats à durée déterminée »

 -Taxer tous les contrats à durée déterminée ainsi que l’Intérim 

La taxation prévue ne touche que les CDD courts; le Parti socialiste avait toujours plaidé pour la mise en œuvre d’un système de bonus/malus, fondé sur une taxation de tous les contrats précaires (Intérim inclus). Nous proposons ainsi d’élargir la taxation à tous, en envisageant quelques exemptions comme certains contrats d’usage.

  • Sur l’article 8 «  réglementation du travail à temps partiel »

Supprimer la possibilité d’abaisser, par accord de branche, le taux de majoration des heures complémentaires de 25% à taux-plancher de seulement 10%

Jusqu’à aujourd’hui, le taux de majoration des heures complémentaires au-delà d’un volet correspondant à 1/10 de la durée contractuelle était de 25%. Les heures de la tranche entre 1 et 10% au-delà de la durée contractuelle n’étant pas majorées. La majoration de 10% à compter de la première heure est dès lors une avancée, mais elle est compromise par la faculté offerte aux partenaires sociaux de négocier une majoration jusqu’à 10% (au lieu de 25%) pour toutes les heures. Il s’agit de supprimer cette faculté et de maintenir un taux de majoration à 10% pour le premier volet d’heures complémentaires (1/10) et de 25% au-delà.

Réduire le nombre d’avenants maximum au contrat de travail de 8 à 4 par an

Le projet initial revient à ouvrir la faculté pour les employeurs, par accord de branche, à modifier le contrat des salariés au maximum toutes les 6 semaines. Ces avenants, permettant l’augmentation du temps de travail, sont un facteur d’insécurité et de précarité notamment pour les femmes qui doivent concilier vie professionnelle et vie familiale (en 2010 30% des femmes occupaient un travail à temps partiel contre 6% seulement des hommes selon l’INSEE). Nous proposons donc de réduire le nombre d’avenants maximums pour que les contrats de travail ne puissent être modifiés que tous les 3 mois.

Supprimer la possibilité pour l’employeur de refuser jusqu’en 2016 l’application de la durée minimale de travail hebdomadaire de 24 heures pour les salariés à temps partiel

Le texte actuel prévoit que pour les contrats en cours au 1er janvier 2014 et jusqu’au 1er janvier 2016, la durée minimale de 24 heures peut être refusée par l’employeur « compte tenu de l’activité économique de l’entreprise ». Nous refusons cette dérogation aussi large soit-elle et d’instaurer un régime applicable différent entre les salariés qui auront signé leur contrat de travail en 2014 et ceux qui l’auront fait avant. Ainsi, la durée minimale encadrant le temps partiel s’appliquera à tous dès 2014.

  • Sur l’article 10 « mobilité interne dans l’entreprise »

Conditionner les accords de mobilité interne à l’absence de projet de baisse d’effectifs

Le projet actuel conditionne ces accords à l’absence de projet de licenciements. Si ces accords ne doivent pas être détournés pour procéder à des licenciements, il convient également d’empêcher tout effet d’aubaine en matière de plan de départs volontaires et de non remplacement. C’est pourquoi nous souhaitons introduire comme condition de validité à l’engagement des accords l’absence de projet de baisse d’effectifs, formulation d’ailleurs prévue par l’ANI.

Encadrer la mobilité en tenant compte de la vie personnelle et familiale du salarié

Il s’agit de limiter la mobilité par la prise en compte de la vie personnelle et familiale du salarié, selon les termes de la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation qui recourt à cette notion pour encadrer la mobilité géographique.

Conditionner l’accord de mobilité à la conclusion d’un accord majoritaire dans l’entreprise

Il s’agit de conditionner la mise en œuvre des conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à la conclusion d’un accord d’entreprise au regard des implications lourdes qu’emporte cet article sur la vie professionnelle et personnelle des salariés.

  • Sur l’article 12 « accords de maintien dans l’emploi »

Supprimer les accords de maintien dans l’emploi

Le code du travail reconnait dans le contrat de travail le lien de subordination du salarié à l’employeur. De cette subordination de fait et de droit découle la logique protectrice du code du travail en faveur des salariés. Le présent article déséquilibre trop profondément cette logique en faisant primer sur le contrat de travail les accords d’entreprises. Ainsi, les dispositions du contrat librement consenties et aussi importantes que la rémunération et le temps de travail peuvent se voir imposer contre sa volonté à l’une des parties contractantes, en l’occurrence le salarié. C’est pourquoi il est proposé de supprimer cet article.

Interdire toute conclusion d’accord de maintien dans l’emploi en cas de distribution de dividendes aux actionnaires

Au cas, hélas probable où l’amendement de suppression ne serait pas voté, plusieurs amendements dits de repli pourraient être proposés. Il s’agit d’interdire tout versement de dividendes dès lors que qu’un accord de maintien dans l’emploi a été conclu dans l’année écoulée. Il n’est en effet pas acceptable de favoriser l’actionnariat dirigeant ou financier dès lors que les salariés acceptent des sacrifices.

Rétablir les règles du licenciement collectif aux accords de maintien dans l’emploi

Cet amendement a pour but d’empêcher un détournement de l’utilisation des accords de maintien dans l’emploi pour provoquer plusieurs licenciements sans que les conséquences liées aux licenciements collectifs pour motif économique et notamment le plan de sauvegarde de l’emploi ne pèse sur l’employeur. Nous proposons donc de rétablir les règles applicables en cas de licenciement collectif pour motif économique aux accords de maintien dans l’emploi

Aligner les efforts des dirigeants sur ceux des salariés en cas d’accord de maintien dans l’emploi

La notion d’efforts demandés aux dirigeants est trop vague dans le projet initial. Il faut prévoir explicitement que les dirigeants d’entreprises devront diminuer leur rémunération globale à proportion de l’effort demandé à leurs salariés en matière de salaires.

Interdire les ruptures conventionnelles ainsi que les plans de départs volontaires dans l’entreprise en cas de conclusion d’un accord de maintien dans l’emploi

La philosophie des accords de maintien dans l’emploi étant de ne pas licencier de salariés en échange de sacrifices demandées à ses derniers et privée de sens si l’employeur peut toujours avoir recours ces outils de licenciement que sont les ruptures conventionnelles et les plans de départs volontaires. Nous proposons donc d’interdire le recours à ces deux possibilités pendant la durée d’application de l’accord. Rappelons que ce sont plus d’un million de ruptures conventionnelles qui ont été prononcées depuis leur introduction dans le droit du travail en 2008 dont 80% seraient imposées aux salariés.

Prévoir un contrôle de la réalité des difficultés économiques justifiant la conclusion d’un accord de maintien dans l’emploi et des sanctions en cas d’absence de motif

Les accords de maintien dans l’emploi sont justifiés, selon le projet de loi, « en cas de graves difficultés conjoncturelles ». S’il prévoit que ce diagnostic est analysé avec les organisations syndicales, le projet de loi ne comprend aucun contrôle de la réalité de ces difficultés et encore moins des sanctions en cas d’absence de motif. Nous prévoyons donc d’instaurer un contrôle effectif de ce motif et des sanctions à savoir l’annulation de l’accord, la réintégration des salariés ayant refusé qu’ils s’appliquent à leur contrat et le remboursement de la perte de salaire depuis sa conclusion. C’est un premier pas vers une législation encadrant rigoureusement les licenciements économiques et interdisant les licenciements boursiers.

Prévoir des sanctions en cas de non-respect de l’accord et de non loyauté par l’entreprise

Ces sanctions pourraient être  le remboursement des pertes de salaires des salariés.

  • Sur l’article 13 « renforcer l’encadrement des licenciements collectifs »

Supprimer cet article introduisant l’homologation administrative

Ce point du texte, avec l’introduction d’une homologation conduit à la déjudiciarisation des licenciements collectifs et affaiblit de ce fait la protection collective des salariés. Par ailleurs il contribue à l’explosion du bloc de compétences judicaires entre deux ordres juridictionnels ce qui fera peser, sur les salariés comme sur les employeurs, une insécurité juridique très forte. Nous proposons donc sa suppression.

Allonger les délais dans lesquels l’administration doit se prononcer sur l’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi

Là, encore c’est un amendement de repli en cas de refus de l’amendement précédent. Le projet initial enferme l’administration dans des délais très courts : si pendant les 21 jours qui suivent la réception du plan de licenciements elle n’apporte aucune réponse son licence vaut acceptation. Nous proposons donc de rallonger d’une part le délai où l’administration accuse bonne réception et d’autre part celui où elle doit donner sa réponse à respectivement 21 au lieu de 8 jours et 60 au lieu de 21. Il s’agit notamment de donner le temps à la puissance publique d’analyser au fonds ces projets de licenciements économiques et de regarder de manière lucide les moyens mis à disposition pour traiter la complexité de ces dossiers.

-Proposer une obligation d’examiner la mise en place de mesures de chômage partiel avant toute procédure de licenciements collectifs.

Il est essentiel d’améliorer le système de chômage partiel en particulier dans les PME et entreprise de taille intermédiaire, avec un financement substantiel. De ce point de vue l’exemple allemand est utile. Le financement renforcé pourrait être dans un premier temps trouvé par la taxation de tous les contrats précaires.

  •  Sur l’article 14 « obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture de site »

Instaurer une procédure effective de recherche de repreneur et une obligation de cession en cas d’offre viable

Il est très important de prévoir une procédure effective pouvant conduire à la reprise de sites, et non une simple information des représentants du personnel comme le fait le projet de loi. Il est tout autant indispensable d’introduire une obligation, pesant sur le propriétaire, de céder l’entreprise à un repreneur si son offre est viable. Ce point central reprend un engagement de campagne fort de François Hollande ainsi qu’une proposition de loi portée par ce dernier et déposée par le groupe socialiste le 27 février 2013 en plein débat sur l’avenir du site de Florange.

  • Sur l’article 16 « aménagements s’agissant des contentieux judiciaires relatifs aux droits du travail »

Suppression de la réduction des délais de prescription pour les actions portant sur l’exécution et la rupture du contrat de travail ainsi que sur le paiement des salaires

La réduction des délais de prescription à deux ans s’agissant de l’exécution et de la rupture du contrat et de cinq à deux ans s’agissant du paiement des salaires n’a pas sa place dans un projet de loi portant sur la « sécurisation de l’emploi ». De plus, il n’est nulle part démontré que cette réduction serait favorable à une quelconque flexibilité ou favorable à l’emploi.

C’est pourquoi nous demandons le rétablissement du délai de prescription de droit commun à 5 ans pour ces faits.

Préciser que le barème fixé pour le versement de l’indemnité au salarié lors de la conciliation n’a qu’un caractère indicatif

Il s’agit ici de rappeler que le barème fixant les indemnités versées à l’occasion des conciliations a une vocation indicative et n’introduit pas un plafond qui empêcherait les parties d’accorder un niveau supérieur. D’autre part, il s’agit d’éviter que ce barème devienne une référence pour le juge lors des procédures contentieuses et qui conduirait à des décisions moins favorables aux salariés (rappelons que ce ne sont que 7% des affaires aux prud’hommes qui se concluent par une conciliation).

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