Article dans La voix du Nord : « On va vers un temps où les décisions seront de plus en plus autoritaires »

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin

Logo_La_Voix_du_NordÀ 61 ans, Marie-Noëlle Lienemann est une voix qui compte sur l’échiquier politique. Socialiste depuis ses vingt ans, elle est résolument à gauche et tire inlassablement son parti en ce sens. Un temps investie dans la région, elle a connu la rocambolesque aventure d’Hénin-Beaumont sous Gérard Dalongeville, avant de reprendre sa dimension nationale. Et sa lutte. Elle revient sur l’actualité.

La mort de Mauroy

« Nous sommes tous tristes, évidemment. Pour ma génération, Pierre Mauroy était la figure tutélaire de la rénovation du Parti socialiste. Il incarnait ce qu’il y avait de mieux dans la social-démocratie. Il était très rigoureux dans la gestion, mais cela ne l’empêchait pas de penser toujours à l’avancée sociale. Voilà ce que nous avons perdu. On a connu cela encore, après lui, avec les trente-cinq heures ou la CMU, mais aujourd’hui, nous connaissons plutôt le recul social, sous prétexte d’impératifs économi-ques. En son for intérieur, Pierre Mauroy devait penser que le compte n’y est pas, en matière d’avancées sociales, depuis un an. C’était un homme bienveillant, dur au combat politique sous ses aspects bonhommes, mais attentif aux personnes. Il n’aimait pas beaucoup bousculer son camp. Je sais qu’il aimait mon côté passionaria, mais il trouvait parfois que j’exagérais. Il nous reprochait un côté chien fou…

Par ailleurs, je pense qu’il n’a pas vu venir la gravité de la crise européenne. Il était tellement optimiste, quand il parlait d’Europe, qu’il pensait que tout cela s’arrangerait. Que les classes populaires, auxquelles il était tellement attaché, finiraient par en retirer des avantages… »

La réforme des retraites

« Voilà typiquement le sujet sur lequel il ne faut pas se laisser porter par l’air du temps, qui veut nous dire que réforme égale recul social, sous la pression budgétaire. Nous sommes en période d’hyper faible croissance. Si nous ne relançons pas la croissance, nous ferons une réforme des retraites pour rien ! Personne aujourd’hui ne dit aux Français ce qu’entraînera la réforme Fillon sur les retraites. En 2016, nous serons le pays de l’Union européenne où la retraite à taux plein sera obtenue le plus tard. Et nous aurons dans quelques années une baisse massive des retraites. Or, déjà 10 % de nos retraités vivent sous le seuil de la pauvreté. Ce qu’il faut, c’est rendre ce système moins inégalitaire. Garantir un niveau acceptable aux basses retraites. Faire que les recettes à venir soient consolidées. Faire cotiser les stock-options, améliorer la progressivité de la CSG, pour que les plus aisés puissent contribuer davantage. Et regarder comment on peut améliorer la prise en compte de la pénibilité en gardant les quarante et une annuités. Simplifier le régime au sein du secteur privé, aussi. Mais les retraites, ce n’est pas le problème numéro un de la France. »

La crise en Grèce

« Voilà le résultat de la politique d’austérité et de récession. On le voit en Grèce comme en Espagne ou ailleurs. Au bout du bout, quand la troïka a ponctionné tant de milliards, ces pays sont étranglés et il ne leur reste comme solution qu’à couper dans des choses de plus en plus importantes. Comme le peuple est convaincu que ce n’est pas une bonne politique, ils sont obligés de devenir autoritaires. On va vers un temps où les décisions seront de plus en plus autoritaires. On a franchi un seuil. Avant, quand il y avait un non à un référendum, on contournait le sujet, on s’arrangeait ; là on ne peut plus. On tranche ! J’ai peur qu’au prochain Parlement européen, il y ait de l’extrême droite, et aussi des nazis. J’ai bien dit des nazis ! Les types d’Aube dorée ou leurs homologues hongrois, c’est ça. Même l’histoire n’a servi à rien. »

Le procès Dalongeville

« Il était temps que la justice fasse son œuvre pour permettre à Hénin-Beaumont de tourner la page de cette funeste période. Maintenant, il faut que la gauche locale se renouvelle et retrouve l’esprit de reconquête contre le Front national. Le désespoir social et le climat local viennent d’avant même la période Dalongeville. Ce bassin de population mérite qu’on l’aide. De la même manière que l’on a fait venir l’aéronautique à Toulouse, il faut que l’État trouve le moyen de relancer cette région qui a été foudroyée, mais qui a tant de forces vives. »

Son week-end

« J’ai deux rendez-vous importants : la convention du PS sur l’Europe, puis les assises Pour changer de cap en France, auxquelles je participerai avec Pierre Laurent, Pascal Durand, Clémentine Autain… ou Jean-Luc Mélenchon. Au PS, l’un de nos amendements a eu un très grand succès : il s’agit de faire entendre la voix de la France pour réviser le pacte de stabilité. Ensuite, à la table ronde, nous appellerons à un nouveau Front populaire. »

PAR ÉRIC DUSSART

edussart@lavoixdunord.fr

PHOTOS ARCHIVES « LA VOIX »

LES DERNIERS ARTICLES