Interview dans Libération: « la réforme fiscale est devant nous »

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Marie-Noëlle Lienemann : «La réforme fiscale est devant nous»

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Marie-Noëlle Lienemann au congrès de Reims en 2008. (Photo Benoit Tessier. Reuters)

Interview

Quatre sensibilités de la majorité appellent le gouvernement à mettre en place une grande réforme fiscale, afin de «redonner du pouvoir d’achat aux couches populaires» pour «conserver leur confiance». Elles préconisent notamment la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CGS.

Pour élaborer la prochaine loi de finances, il faudra compter avec l’aile gauche de la majorité. C’est en tous cas ce qu’aimeraient les représentants de quatre sensibilités, Un Monde d’avance, Maintenant la gauche, La Gauche durable et La Gauche populaire, qui ont présenté ce matin à la presse une contribution collective aux travaux du gouvernement. Leur credo : la hausse du pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires «qui ont permis l’élection de François Hollande et attendant des résultats de la gauche [ce] terrain».

Rappelant à François Hollande l’engagement numéro 14 de son programme, ces quelque vingt parlementaires et responsables de la majorité plaident pour une réforme fiscale en quatre temps : rendre la Contribution sociale généralisée (CSG) progressive pour redonner du pouvoir d’achat aux Français modestes, modérer les hausses de TVA, avancer par étapes d’ici 2017 vers l’individualisation de l’impôt et l’unification de la CSG et de l’impôt sur le revenu, enfin, conduire une politique fiscale écologique «populaire et efficace». La sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann a participé, avec Maintenant la Gauche, courant de l’aile gauche du PS, à la réflexion commune. Elle revient sur leurs propositions.

Quel message envoyez-vous aujourd’hui au gouvernement ?

Le message est clair : il y a un très grand nombre de socialistes et de parlementaires qui pensent que la réforme fiscale est devant nous et que nous n’avons pas encore achevé cette œuvre essentielle. L’engagement de François Hollande de rendre convergents la CSG et l’impôt sur le revenu est un engagement majeur, qu’il faut lancer sans attendre, pour être à la fin du quinquennat en situation d’avoir atteint l’objectif.

Il y a une urgence de pouvoir d’achat chez les Français. La proposition que nous faisons de rendre la CSG progressive redonne du pouvoir d’achat à la moitié des salariés, en faisant évidemment contribuer davantage les revenus et les salaires élevés. Cette œuvre de justice fiscale a une efficacité économique puisqu’elle permet de donner du pouvoir d’achat, attendu par les Français mais aussi par notre économie : plus les catégories sont populaires, plus elles consomment des produits ou des services fabriqués en France. Cette réforme est donc indispensable et pour la réussir, il faut l’inscrire dans la durée avec des étapes bien marquées.

Nous avons des chances d’être entendus : il y a une centaine de parlementaires qui nous suit, et les signes politiques de la période sont que les couches populaires sont en attente, voire en désarroi par rapport aux politiques de gauche. Et là c’est une façon d’y répondre qui est responsable économiquement voire positive : quand on donne du pouvoir d’achat aux catégories populaires, c’est l’économie réelle, la croissance et l’emploi qui en sont bénéficiaires.

Est-ce à dire que le travail de réforme fiscale a été, jusqu’ici, insuffisant ?

A la veille du débat budgétaire, nous, parlementaires, anticipons. Et nous disons : attention, nous pensons que cette deuxième étape est venue. Nous contredisons ce que Jérôme Cahuzac avait prétendu, en disant que la réforme fiscale était déjà réalisée. Pour autant, nous voyons bien que nous ne sommes pas les seuls à être attentifs à cela : Bruno Le Roux [chef de file des socialistes à l’Assemblée nationale, ndlr] pense qu’il faut prévoir la grande réforme pour 2015.

Nous ne sommes pas d’accord et on pense qu’il faut aller beaucoup plus vite, parce qu’il y a urgence sociale et urgence économique. Mais il y a aussi Harlem Désir, le premier secrétaire du PS, qui a lancé un groupe de travail «fiscalité et pouvoir d’achat». Donc nous sommes en plein dans ce moment où s’interroge le gouvernement, en tous cas le parti socialiste et ses groupes, et nous avons pensé utile de sortir de l’incantation abstraite avec des propositions concrètes.

Comment votre proposition de rendre la CSG progressive se traduit-elle en termes de pouvoir d’achat ?

L’idée, c’est de dire que tous ceux qui ont un salaire inférieur au salaire médian, vont avoir une baisse de la CSG, pendant que la moitié des salaires et revenus supérieurs auront une augmentation, progressive évidemment. Le Conseil constitutionnel estime que l’impôt CSG est individualisé et que l’impôt progressif doit être familiarisé. Nous allons donc mettre en place un système technique qui va permettre des compensations sur l’impôt sur le revenu, en créant des ponts entre impôt sur le revenu et CSG. Un salarié au smic aura ainsi 30 euros mensuels supplémentaires. Trente euros, tous les mois : quand on gagne le smic, ce n’est pas neutre.

Vous avez pour objectif d’aller vers l’individualisation de l’impôt. Or le Conseil constitutionnel a déjà censuré des propositions qui allaient dans ce sens…

Eventuellement, il faudra changer la Constitution, mais l’individualisation de l’impôt est une perspective politique que nous mettons en route, et qui n’a rien de révolutionnaire. Dans beaucoup de pays d’Europe, c’est comme ça, ce qui permet d’ailleurs le prélèvement à la source. Donc il faut engager une révolution fiscale : là on a fait un croisement, on individualise des choses mais on se préserve de l’inconstitutionnalité avec des mécanismes de compensation familiale.

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