Travailleurs détachés : un tout petit pas, une vigilance indispensable, la révision complète de la directive et des mesures immédiates en France.

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Attention aux annonces péremptoires et aux fausses illusions !

Le compromis établi entre ministres européens consacre quelques progrès. Mais, franchement, il ne réglera pas l’essentiel et on doit craindre que nos concitoyens aient le sentiment d’avoir été floués quand ils observeront que le dumping social continuera voire s’amplifiera puisque de nouveaux pays vont entrer dans le mécanisme.

C’est le cas cette année de la Roumanie et de la Bulgarie.

Les avancées sont désormais connues : renforcement des documents exigibles lors des contrôles, responsabilité renforcée des donneurs d’ordre mais seulement dans le BTP.

Elles sont largement insuffisantes.

Bernadette Ségol, secrétaire générale de la Confédération Européenne des Syndicats , pointe bien, dans une interview du journal Libération, les incertitudes qui pèsent dans l’accord obtenu :
1- les documents exigibles en cas de contrôle ne sont pas issus de la stricte décision des Etats et devront être validés par la commission. Comme le dit la secrétaire générale de la CES, ancienne responsable nationale de la CFDT : « Quand on connaît les orientations libérales de la Commission, il y a un risque que les régulations accrues soient vidées de leur substance. »
2- La responsabilité solidaire est extrêmement limitée. La même responsable de la CES indique :  » le compromis ne répond pas à nos attentes et nos revendications restent sur la table car la «responsabilité en chaîne» ne concerne que le BTP et oublie les secteurs de l’agroalimentaire, des transports etc. »

On voit les limites de l’avancée !

Mais chacun remarque bien que le mécanisme même de la directive ne peut, d’une part, en aucune façon garantir son strict respect et, d’autre part, elle accepte, par nature et par principe, le dumping social et les distorsions de concurrence. Il faut donc la réviser complètement et ne pas s’en tenir à des modifications de mise en œuvre

Tout d’abord, faute de déclarations et d’autorisations préalables avant l’intervention dans un pays, les entreprises étrangères qui font appel à des travailleurs détachés sont en réalité peu susceptibles d’être sanctionnées. On estime à 350.000 le nombre de travailleurs détachés en France. Combien faut-il d’inspecteurs du travail pour vérifier toutes ces interventions ? Un nombre considérable !

On notera au passage que la création de postes pour contrôler a posteriori coûte cher et entre en totale contradiction avec la baisse des dépenses publiques exigées de la même Commission européenne. Il faut permettre aux États d’exiger une notification préalable pour autoriser l’intervention de l’entreprise et des salariés déclarés sur le territoire national.

En second lieu, les décisions prises ne règlent en rien la non prise en compte des coûts de la protection sociale, des charges fiscales etc. Et donc contrôlés ou non, le travailleur détachés coûtera moins cher que la salarié d’une entreprise française. C’est donc un dumping social inacceptable. Il faut imposer le principe du pays d’accueil où est réalisé la prestation, ou pour le moins le principe d’équivalence. Ainsi doit être prévue la possibilité pour les États membres de voter des taxations compensatoires s’ajoutant au salaire pour garantir une équité des coûts.

Enfin, la responsabilité du donneur d’ordre, et ce tout au long de la chaîne de sous-traitance, doit être engagée et pas seulement dans le BTP. Elle pourra d’autant plus s’exercer que des autorisations préalables seront délivrées et donc que les entreprises pourront exiger ces documents de tous les sous-traitants. Sinon, il peut y avoir des procès sans fin et des « renvois de balles » entre entreprises. Du coup, on peut craindre que les grands groupes ne se sentent guère plus responsabilisés qu’aujourd’hui.

Des mesures conservatoires et une suspension immédiate de la directive par la France !

Reste que de toute façon, les dispositions annoncées au conseil des ministres du 9 décembre ne rentreront au mieux en application que dans deux ans. Or il y a urgence et on doit mettre un coup d’arrêt immédiat à des pratiques inacceptables.

C’est pourquoi, avec le club Gauche Avenir, nous avons lancé un appel au gouvernement français et aux dirigeants européens. Cet appel demande la suspension immédiate par la France de la mise en œuvre de cette directive et la restauration des contrôles et d’une autorisation préalable avant toute intervention de salariés d’une entreprise étrangère en France, en particulier dans les secteurs où les abus actuels sont manifestes.

Cette mesure, qui peut prendre la forme d’une loi, aurait une double fonction : pouvoir arrêter cet afflux massif de travailleurs détachés, et le dumping ainsi induit, mais aussi de poser un acte politique manifestant la détermination de la France à exiger la renégociation globale de la directive et son refus de laisser perdurer la situation. Sans créer le rapport de force du fait accompli, les  » avancées  » seront dérisoires et les emplois supprimés en France considérables. Comment croire que nos concitoyens pourront accorder durablement leur confiance en l’Europe en laissant commettre ce qui est un scandale ? Comment croire que le gouvernement et le président garderont le moindre crédit sur leur engagement de réorienter l’Europe si au quotidien tout continue comme avant ?

A ceux qui agiteront le spectre d’une sanction de la France par les instances et tribunaux européens, je rappellerai que les délais pour ces recours sont très longs, que tout cela fait l’objet de moultes négociations préalables et que, lorsqu’il s’agit, par exemple, du non-respect de la directive Nitrates sur la pollution des eaux que la France ne respecte pas depuis des lustres, les mêmes bonnes âmes ne semblent ni préoccupées ni traumatisées. A supposer même que la France soit ultérieurement condamnée, il vaut mieux qu’elle le soit en ayant fait reculer le chômage et l’injustice sociale que d’être la bonne élève de mauvaises lois européennes avec des entreprises au tapis et des salariés au chômage.

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