Capital public : ne pas déshabiller Jacques pour Paul. Le renforcer !

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usine

Le gouvernement  vient d’annoncer la vente d’actions d’Airbus Group réduisant ainsi sa participation au capital de l’ex EADS et d’ailleurs au capital d’ADP.  L’Etat français a cédé cette semaine 1% de ses parts  après en avoir déjà abandonnée 2,1% en avril dernier pour ne détenir plus que 11% groupe, tout comme l’Allemagne.

L’argument donné est la nécessité de monter au capital de Peugeot pour sauver l’entreprise. Ce n’est pas une bonne méthode car  deux exigences s’imposent et ne doivent en rien s’opposer : d’une part  consolider la participation publique dans Airbus group secteur stratégique, d’autre part accroître la voilure du capital public, de façon durable ou temporaire, dans de nouvelles entreprises, pour assurer le redressement industriel du pays.

La baisse de la participation des États dans Airbus group a, de fait, des conséquences sur l’emploi, le niveau de la recherche en France et la capacité du groupe à porter une vision à long terme dans des domaines stratégiques pour notre pays et l’Europe.

Tous les observateurs ont noté que le management d’Airbus « libéré d’un poids important des États  » dans les orientations du groupe avait pu engager un grand plan de réduction des effectifs dans le secteur militaire et avait même supprimé des postes d’ingénieurs et un laboratoire en France.

Et ce, alors même qu’en 2013, le groupe atteignait tous les records des ventes dans l’aéronautique. On aurait pu  imaginer qu’il soit en mesure de préparer une nouvelle étape de développement, plutôt que de se séparer de compétences précieuses, même si les commandes militaires diminuaient. Non le choix fut, d’un côté, de valoriser les actionnaires et, de l’autre, d’annoncer en décembre dernier la suppression de 5800 emplois, 2700 pour l’Allemagne et 1300 pour la France.

En clair la gestion de cette entreprise n’a plus rien d’original. Elle privilégie le court terme, n’engage pas de réflexion sur ses produits à très long terme et sur les reconversions internes visant à un redéploiement dans de nouveaux secteurs de l’aéronautique civil et militaire. Ce désengagement du capital public est très grave et portera inéluctablement de néfastes conséquences sur la place de l’Europe et de la France dans ce secteur, comme pour l’emploi et notre balance commerciale à terme. Sans parler d’une certaine indépendance militaire.

 

Mais de surcroît cette affaire est une mauvaise opération financière et budgétaire. Les actions EADS ont vu leur valeur s’accroître de 75% pour l’année écoulée!

Pourquoi se séparer d’actions extrêmement rentables qui plus est dans un secteur industriel stratégique pour la France et l’Europe ?

Mais surtout c’est faire fi des dividendes importants engrangés par l’état pour ces actions et qui contribuent à la réduction du déficit budgétaire ou au moins pourraient abonder les sommes consacrées à une montée en puissance des fonds réservés à des prises  de capital dans d’autres entreprises via la BPI.

 

Il faut stopper la réduction du capital public dans les entreprises.

 

Les privatisations et la vente des participations de l’état dans les années précédentes ont été des éléments déterminants de la désindustrialisation du pays. Captes par des fonds de  pensions et des financiers, de nombreux fleurons de notre économies qui jadis étaient attachés à l’avenir de la France et du territoire national sont ainsi  devenus des machines à cash, obsédées par la rémunération de l’actionnaire laissant faire des vagues de délocalisations, de sous investissements dans notre pays.

 

Ces privatisations et vente d’actions étaient sensées permettre le rétablissement des comptes publics. C’est l’inverse qui s’est produit, elles ont induit des pertes de recettes considérables et bien sûr de croissance et d’emplois.

On notera au passage que  les arguments donnés alors paraissent aujourd’hui pour le moins cocasses. Souvenons-nous des discours des tenants de la privatisation de Renault qui proclamaient : l’Etat n’a rien à faire dans l’automobile!  Et aujourd’hui, on prétend réduire encore les capacités d’influence dans Airbus au motif d’aider Peugeot.

Ils disaient que parce que le capital public était important, des alliances industrielles étaient impossibles. Et les fonds souverains du Quatar ne sont-ils pas des fonds d’état? Et les fonds chinois sont-ils moins publics que ceux de la CDC ou la BPI ?

Alors stoppons l’hémorragie et inversons la donne.

Il n’est pas inutile d’introduire des capitaux publics pour assurer l’avenir de PSA Peugeot Citroën et  il faut consolider des capitaux publics au sein d’EADS.

Nous ne pouvons que manifester notre désaccord avec une vision des participations de l’Etat dans ces secteurs clefs qui reviendrait à « déshabiller Paul pour habiller Jacques ».

Renforcer les capitaux publics et ne pas craindre de nationaliser. Créons un fond spécial par un emprunt gagé sur les résultats.

Cette stratégie de l’accroissement de la présence de capitaux publics soit de façon durable dans des secteurs stratégiques -l’aéronautique en fait partie-  soit temporaire pour assurer les mutations de certaines entreprises  ou l’émergence de nouveaux secteurs et produits est indispensable, comme peut l’être dans certain cas la nationalisation. Je reste persuadée que ne pas avoir nationalisé Florange ou Pétroplus à Quevilly sont de lourdes erreurs. Mais continuer ce jeu de chaises musicales du capital public sans lisibilité  est grave. Il faut au contraire prendre de nouvelles initiatives pour renforcer les capacités d’intervention du capital public et veiller à un vrai contrôle démocratique sur l’utilisation des fonds et les choix soutenus dans les entreprises

Oui, alors que les taux d’intérêts sont historiquement bas, il faut se saisir cette opportunité pour abonder un fond  » souverain  » consistant dont la rentabilité globale devrait  dépasser les 2 à 3% de remboursement des emprunts réalisés pour le constituer. Or manifestement les rendements d’actions doivent y parvenir sans mal. Sans compter le bénéfice global pour le pays et son indispensable redressement.

 

A ceux qui soutiennent le  » socialisme de l’offre  » je rappellerai que la formule contient socialisme et donc au moins pour une part une certaine appropriation collective des moyens de production et d’échange. Sinon c’est l’offre seule. Le libéralisme pur sucre. Evidement il ne s’agit ni d’une économie administrée, ni renforcer le poids des participations de l’Etat n’importe comment. Pour la ré-industrialisation, il faut une stratégie offensive avec de nouvelles filières ou des investissements permettant les mutations mais aussi parfois une stratégie défensive pour éviter l’affaiblissement de nos outils face à la finance.

Une double stratégie industrielle pour l’emploi: offensive vers les secteurs d’avenir, défensive pour les mutations nécessaires.

S’agissant d’EADS, la puissance publique aurait  dû refuser le plan social annoncé alors qu’il n’est pas justifié économiquement. Rappelons qu’en ramenant le niveau de dividende par action prévu pour 2014 au niveau de dividende de 2012 (soit 0,6 euros au lieu de 1,29 euros) c’est 540 millions d’euros qui seraient économisés, montant suffisant pour payer le salaire…de 5600 ouvriers qualifiés et techniciens (avec une de rémunération de 4000 euros par mois).

Ce débat ne doit pas être éludé. La création de la BPI pour intéressante qu’elle soit ne saurait suffire, si des moyens importants ne sont pas dégager pour permettre le renforcement du capital public.

 

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