C’est la commission européenne qu’il faudrait mettre sous surveillance renforcée. Pas la France !

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La commission européenne veut mettre la France sous surveillance renforcée. On croit rêver. Voilà des lustres que nous dénonçons cette absurde système où la commission européenne est transformée en surveillante générale des gouvernements élus, alors même que les peuples n’ont pas pu directement la choisir et moins encore clairement la mandater. En réalité, voilà bien longtemps que c’est la commission européenne, ses choix libéraux que nous aurions dû mettre sous surveillance renforcée.

Si le gouvernement et le président de la république n’avaient pas fait la grave erreur de faire ratifier le fameux traité Merkozy, et s’en étaient tenu aux engagements de le renégocier, nous aurions une plus grande légitimité à refuser l’absurde choix de l’austérité, de la réduction massive – et à marche forcée- de la dépense publique et la remise en cause de notre modèle social. On aurait pu -et dû- placer comme prioritaire la recherche d’une croissance durable, sociale et environnementale. François Hollande pendant la campagne électorale expliquait qu’il fallait 2% de croissance pour pouvoir réduire les déficits.

Notons d’abord que la plupart des critères que l’on présente comme des dogmes intangibles et sérieux, sont des ratios ramenés au PIB et fixés sans pertinence réelle. Si le PIB diminue ou n’augmente que très faiblement, les efforts faits sur les dépenses publiques peuvent n’avoir  aucun effet sur le fameux ratio dépenses publiques par PIB, pris en compte tant dans le pacte de stabilité que dans le nouveau traité (quasi règle d’or).

Quand on baisse fortement les dépenses publiques, qu’ailleurs la croissance est atone, et, qui plus est, quand nos voisins mènent la même politique de restrictions, alors cela crée un très fort ralentissement de la croissance, un accroissement du chômage. C’est le serpent qui se mord la queue, le PIB baisse, le ratio « dépense publique/PIB » se maintient voire  se détériore.

Le pire est que ce scénario a beau se répéter partout, les libéraux, Mme Merkel et les instances européennes persistent et signent. Pire encore est qu’ils demandent qu’on aille encore plus fort, plus vite.

Les bons élèves de la commission européenne sont les catastrophes de demain. La «  vertueuse » Finlande est entrée, cette année, en récession.

Le comble de ce raisonnement est atteint en Finlande où le gouvernement tançait en permanence les pays en difficulté, les pressait d’atteindre coûte que coûte une réduction drastique des dépenses publiques, allait même jusqu’à menacer de refuser de voter les aides aux sauvetages prévus. Mais voilà ces parangons de l’austérité budgétaire touchés par la récession. Car la politique donnée à tous en exemple provoque aujourd’hui une croissance négative (-1,4%)

Si l’on voulait être mauvaise langue, on ferait remarquer à la commission européenne que chaque fois qu’un pays est donné en exemple comme bon élève du pacte de stabilité, ça se finit mal quelques années après. L’Irlande et l’Espagne furent longtemps citées comme modèle car respectant les critères d’endettement, de limitation de la dépense publique. Jusqu’à ce que chacun découvre que tout cela était du vent, fondé sur la bulle immobilière ou  financière.

Et bien en dépit de tout, l’UE continue coute que coute, vaille que vaille, à distribuer les bons et mauvais points en se trompant allègrement. Je l’ai déjà écrit sur ce blog, la France ne doit plus tolérer cela et indiquer qu’elle n’a pas l’intention de s’incliner et de suivre une voie qui s’avère partout dangereuse.

 

Notre problème majeur est bel et bien la croissance, l’activité économique réelle, l’emploi. Là, sont les priorités absolues.

Elles sont contradictoires avec les politiques d’austérité prônées par les instances européennes. Il faut une relance de l’activité qui a besoin tout à la fois d’une politique ciblée de la demande et d’une stratégie industrielle et productive nouvelle. Elle n’a rien à voir avec cette pseudo politique de l’offre fondée sur la baisse – jamais suffisante aux yeux du capital et de la finance – du coût du travail.

Et cette relance a besoin d’investissements publics comme d’un haut niveau de protection sociale, d’un état social mobilisé.

Alors aujourd’hui baisser de 50 milliards la dépense publique est une erreur stratégique majeure et procède d’une sorte de rite sacrificiel pour les marchés ou la commission européenne qui de toute façon demeureront insatisfaits tant que notre pays ne rentrera pas dans leur système généralisé de baisse des salaires, de privatisation en particulier des protections collectives et de valorisation maximale du capital.

Non les dépenses publiques de la France n’ont rien de scandaleuses, nous ne vivons pas au-dessus de nos moyens. Tout simplement notre croissance est étranglée et notre fiscalité demeure très injuste et pas toujours adaptée aux enjeux d’aujourd’hui.

Rétablissons quelques vérités sur les dépenses publiques en France, comparées aux autres pays.

D’abord, nous n’avons pas le record toute catégorie des dépenses publiques en pourcentage du PIB. Il y a au moins le Danemark qui nous dépasse de plus d’un point et demi. Cependant, il est vrai que l’on se trouve à 6,5 points au-dessus de la moyenne européenne. Mais nous n’avons pas à en rougir. Car l’essentiel de cet écart est lié aux dépenses de protection sociale.

Et là se mêlent deux réalités. L’une est que dans les autres pays on dépense de l’argent pour la santé, la retraite, etc… même si ces dépenses sont privées, elles pèsent sur le pouvoir d’achat des habitants et l’économie du pays. D’ailleurs, dans ces pays où le système n’est pas d’ordre public, l’endettement privé est très élevé (bien plus que dans notre pays). Or pour prendre en compte l’endettement d’un pays, il faut ajouter la dette privée aux dettes publiques et la France, là, n’est que dans la moyenne.

La deuxième réalité est qu’en effet, notre protection sociale -à travers en particulier des prestations familiales, des retraites-, constitue un indispensable bouclier – encore insuffisant- contre la pauvreté. C’est ainsi que le taux de pauvreté déjà insupportable chez nous est supérieur dans la riche Allemagne !

Et là, il faut savoir si l’économie est au service de l’humain ou si les êtres humains ne sont que les pions d’un système qui vit pour lui-même, et en fait une petite minorité.

Alors cessons nos complexes, nos airs coupables, assumons notre choix de société et donnons-nous les moyens de financer correctement la protection sociale – d’où l’urgence d’une réforme fiscale et des prélèvements- mettons sous la vigilance citoyenne son fonctionnement, son efficacité, car il faut faire mieux et veiller à bien utiliser l’argent cotisé.

Une fois enlevés les coûts de la protection sociale, l’ensemble des dépenses de l’Etat et des collectivités locales représentent 22,4% du PIB soit moins que la moyenne de la zone euro (22,6%).  

Nous dépensons légèrement plus que la moyenne des européens pour l’enseignement. Pour autant, on dépense moins qu’en suède, au Danemark et au Royaume-Uni- et soulignons que nous faisons plus d’enfants que nos voisins ce qui évidemment induit des dépenses éducatives. On ne va pas s’en plaindre !

Bien sûr, nous consacrons aussi plus que la plupart de nos partenaires européens pour la défense, toutefois c’est moins qu’au Royaume-Uni Et là, à l’évidence, un débat public, incluant le débat sur le nucléaire militaire s’impose.

Notons que nous consacrons un peu plus d’argent public que les autres pour le logement et les équipements collectifs. Sans doute convient-il de regarder si l’argent va bien aux priorités du pays. S’agissant du logement pendant des années cela n’a pas été le cas.

En revanche, contrairement à ce qui est souvent répété en boucle,  le train de vie de l’Etat n’est pas trop coûteux puisque dans les comparaisons européennes, les dépenses dites services généraux se situent pour la France en dessous de la moyenne européenne (6,4% PIB en France pour 6,8% pour moyenne zone Euro).

Donc tous les raisonnements sur la baisse de la dépense publique, des crédits budgétaires et la réduction du nombre de fonctionnaires sont hors de propos. Qu’on cherche à mieux gérer tous ces crédits pour améliorer l’efficacité, mieux atteindre nos objectifs en particulier de croissance et d’emploi et combattre les gaspillages est un exercice salutaire et normal en démocratie. Mais théoriser la baisse conséquente de ces dépenses est une erreur. Rappelons que la dépense publique n’a jamais aussi faible que ces dernières années, qu’elle ne connait donc nulle dérive, qu’au contraire, elle est déjà soumise à de nombreuses restriction. Elle n’a augmenté en volume que de 1,4% par an en moyenne depuis 2007, contre plus de 2% par an au cours de la période antérieure. Cette hausse ne sera même plus que de 0,9% en 2013 et de 0,5% en 2014 ! Si, depuis le début de la crise, la part des dépenses publiques par rapport au PIB s’est accrue, malgré tous ces efforts de maîtrise, c’est seulement parce que la croissance (au dénominateur) fait défaut. Voilà un des enjeux majeurs du changement indispensable de cap.

Or, s’il est vrai qu’il faut réorganiser l’Etat, améliorer la qualité et l’efficience des services publics – en associant d’ailleurs étroitement les fonctionnaires qui sont souvent les premiers à observer des disfonctionnements et à proposer de nouvelles pratiques- cela ne peut en aucune façon se faire en réduisant les crédits et les effectifs globaux. Au contraire. Des pans entiers de l’action publique manquent de personnel et en revanche, dans d’autre domaine, des disfonctionnements évidents doivent cesser.

Fleur Pellerin, à juste titre, indique que nous pouvons gagner beaucoup d’argent avec l’usage du numérique dans l’action publique. Mais avant ces économies, qui seront bienvenues, il faut des investissements et l’austérité les bloquent. Absurde. Des dépenses aujourd’hui font parfois les économies de demain !

Alors ne cédons pas aux injonctions bruxelloises. A propos, la commission européenne a trouvé en quelques jours 11 Milliards pour soutenir l’Ukraine. On peut d’étonner qu’elle ne les a pas trouvé pour concourir à la relance européenne…

 

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