Congrès du PS

Le congrès de Poitiers : un rendez-vous manqué

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2048x1536-fit_preparatifs-congres-poitiersUn rendez-vous manqué avec les Français, avec la gauche et les militants socialistes.

Découvrant le vrai désarroi des militants socialistes, les dirigeants en place ont tenté de combler l’hémorragie en annonçant une nouvelle étape du quinquennat de François Hollande. « Le temps de la distribution rendue possible par les premiers résultats, fruit des efforts des Français ».

Après le discours de Carcassonne, Jean-Christophe Cambadélis croyait pouvoir annoncer le temps de la redistribution. Ce fut une éphémère illusion qui a été totalement contredite par les interventions du premier ministre, par les reculades de « l’appel aux Français » qui devait, nous disait-on, rassembler les socialistes et aussi par le discours du premier secrétaire.

Le message qui sort de Poitiers est clair : on continue comme avant. Pas de nouvelle phase.

Or il est clair que le message récurrent des Français est très massivement soit un désaveu franc de la politique menée, soit une ultime attente de la concrétisation des engagements pris lors de la présidentielle.

Ni les uns, ni les autres ne seront convaincus après Poitiers.

Nul message non plus en direction des partenaires de gauche et écologistes. A part les rituelles formules sur la volonté de rassembler, aucune piste, aucune initiative n’est prévue pour fédérer et conjurer l’effritement de l’alliance rouge-rose-verte sans laquelle François Hollande n’aurait pas été élu et sans laquelle nulle victoire n’est envisageable en 2017.

La direction du PS et, sans doute aussi, le Président de la République comptent probablement sur des accords bureaucratiques pour sauver les meubles, négocier quelques postes en s’exonérant d’inflexions et de décisions prenant en compte les attentes maintes fois exprimées par ces partenaires. Ne serait-ce que celles que la Motion B a portées, lors de ce congrès, et qui font largement consensus à gauche et chez les écologistes, comme une réforme fiscale ou la conditionnalité des aides aux entreprises. Et, même à supposer que quelques dirigeants de ces partis ou mouvements se laissent séduire, leurs électeurs ne seront pas dupes et ne suivront pas !

On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre, disaient nos aînés. Il en est ainsi du peuple de gauche et des écologistes.

Rendez-vous manqué aussi avec les militants. Certes la direction du PS se rassure du haut des 60 % des exprimés en faveur de la Motion A : c’est pourtant le plus bas score jamais atteint par une direction, en particulier lorsque le PS est au pouvoir. D’autant plus qu’elle était présentée par tout le gouvernement, les dirigeants sortants et avec le renfort de Martine Aubry ! C’est du jamais vu.

Jamais vue, non plus, la chute des effectifs et la faible participation.

Et même jean Christophe Cambadélis obtient moins de voix – un pourcentage comparable – qu’Harlem Désir comme premier secrétaire.

D’ailleurs, les phrases du premier secrétaire dans son discours final prenaient des tonalités d’oraison funèbre qui révèlent un pessimisme redoutable, là où il faudrait un volontarisme qui ne peut s’exprimer qu’avec des propositions fortes et une adresse au gouvernement. Peser plutôt que suivre !

Mais le plus alarmant est l’attitude des dirigeants socialistes face aux militants et ce total mépris du contenu des textes votés par les militants. Et c’est d’ailleurs une des raisons qui a rendu impossible un accord de toutes les motions et singulièrement avec celle que j’ai soutenue et défendue « A gauche, pour gagner ! ».

Ainsi la Motion A qui a recueilli une majorité de suffrage indiquait :

« les ménages, nous souhaitons que le chantier de limpôt citoyen soit engagé dès le projet de budget pour 2016 par un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et une réduction de la CSG sur les premières tranches de revenus. Lisible pour le contribuable, cette première étape permettra de poser le socle du rapprochement entre l’impôt sur le revenu et la CSG. »

Et concernant le pacte de responsabilité :

« Les engagements ne semblent pas, à ce stade et par toutes les branches professionnelles, respectés. Si cette situation est confirmée par l’évaluation nationale, nous estimons que les 15 milliards du Pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi, l’investissement privé productif et les investissements publics. »

Nous avons demandé que ces engagements soient confirmés dans l’adresse aux Français. Nous avons essuyé un refus de la direction et des premiers signataires. De surcroît, le Premier Ministre a clairement montré que tout cela n’était pas dans l’agenda du gouvernement, tentant au passage de faire croire que la mise en œuvre de la retenue à la source (qui ne sera perceptible qu’en 2018 !) serait l’indispensable pour aller vers la CSG progressive.

D’une part, c’est inexact, d’autre part ce n’est absolument pas ce que le PS a dit, ni en 2012 ni en 2015 par le vote des militants.

Ce genre de duperie, cet écart cynique entre les promesses électorales ou de congrès et les actes, la politique mise en œuvre, est un véritable drame pour notre démocratie et explique un discrédit majeur de la parole de nos dirigeants.

D’habitude, un certain temps s’écoule avant que n’apparaisse clairement ce mépris des électeurs et des militants. Depuis ce quinquennat et plus encore avec ce congrès de Poitiers, il n’y a même plus cette pudeur.

Comment s’étonner alors que nos concitoyens doutent des partis ? Comment s’étonner de la très mauvaise image du PS ? Sans compter qu’ils estiment qu’il n’est plus à gauche. Le PS devient un objet politique non identifié et de plus en plus discrédité.

Nous espérions que le congrès Poitiers serait celui du sursaut, engagerait non seulement une nouvelle étape de la politique gouvernementale mais aussi un nouveau cycle politique, celui de la reconquête de l’électorat de gauche, des couches populaires, celui du rassemblement rouge-rose-vert afin de relancer une dynamique unitaire (qui ne retrouvera pas sa vitalité sur le refus du FN et de Nicolas Sarkozy).

Nous espérions que ce congrès ouvrirait un renouveau, celui d’un PS pluraliste capable de s’ouvrir en trouvant les indispensables synthèses entre des points de vue différents. Une fois de plus, les mots sont comme des écrans de fumée. On dit « plans sociaux » lorsqu’on licencie, on parle de « sauver le régime de retraite » quand on retarde les départs et qu’on diminue fortement les pensions ! Jean-Christophe Cambadélis intitule sa motion « Renouveau socialiste » alors même qu’il acte de fait son déclin !

La tentation du caporalisme – nous sommes majoritaires donc vous devez vous aligner – a toujours échoué en politique, mais plus encore au sein du PS et de la gauche française. Cette intransigeance a déjà beaucoup nuit à la capacité de rassembler la gauche, que ce soit lorsque François Hollande était premier secrétaire, candidat ou Président de la République. C’est ce sectarisme qui a prévalu pour refuser d’entendre ce que disaient les Français avec leur vote NON contre le projet de constitution européenne. Et cette profonde incompréhension pèse lourd encore aujourd’hui.

Au nom d’un pseudo-pragmatisme économique, qui est une façon détournée d’endosser un libéralisme au service du capitalisme financier, c’est une raideur idéologique intolérante qui s’exprime. Nulle place pour celles et ceux qui pensent autrement. Nul compromis, nul équilibre avec les propositions qui n’acceptent pas cette voie : Elle amène le pays dans l’impasse, qu’importe !

Dans une sorte de messianisme dangereux, on nous annonce des lendemains qui chantent, ou l’on prétend trouver dans les expériences étrangères la justification d’un succès attendu. Il ne vient pas, qu’importe !

Quand une direction n’arrive pas à rassembler les siens, comment imaginer rassembler plus largement ?

Le congrès de Poitiers est, hélas, un congrès de la bunkèrisation : La rétractation autour d’un noyau homogène pour tenter de résister à un monde hostile, en s’enfermant sur ses certitudes. Cette vision défensive et cette peur s’expriment à travers les positions de certains militants et responsables qui demandent qu’aucun débat ou désaccord ne soient visibles à l’extérieur et en appellent à la discipline. Etrange réflexe de camarades qui semblent ne pas voir que nous ne sommes plus à l’époque du modèle soviétique, du parti contre-société. Ces camarades oublient que la vision d’un parti démocratique et pluraliste fut déjà l’enjeu de la scission entre communistes et socialistes. Les mêmes prétendent s’ouvrir aux mouvements sociaux. Comment croire qu’ils puissent venir au PS pour se taire à l’extérieur ?

Une telle attitude serait déjà inquiétante si le PS était dans l’opposition mais elle devient alarmante lorsqu’il est au pouvoir.

La réalité est que l’assise politique du gouvernement est très étroite et se réduit de plus en plus. Déjà, diriger le pays avec le seul soutien du PS et des radicaux est difficile. Mais avec seulement 60% d’un PS affaibli, là c’est franchement hasardeux.

C’est surtout un handicap majeur pour tenter de remobiliser le pays.

Non seulement le congrès de Poitiers n’a rien résolu, mais d’une façon il a accru les problèmes en fermant bien des portes, en particulier celle d’un nouveau temps du quinquennat.

Il n’y aura pas beaucoup de nouvelles occasions pour l’indispensable sursaut.

Mais il ne faut jamais désespérer.

Quand on regarde de près les résultats, on voit qu’il est possible d’obtenir une majorité pour défendre certaines positions au sein des instances du PS. Ce n’est pas neutre.

Et surtout plus que jamais les Français ont besoin qu’on les défende, qu’on ne laisse pas se poursuivre la détérioration de leurs conditions de vie, qu’on valorise leurs initiatives et répondent à leurs attentes.

Reprenons ce slogan de François Mitterrand : il faut tenir bon !

Il faut reprendre l’inlassable combat pour le rassemblement de la gauche, de tous celles et ceux qui veulent porter une transformation sociale, réaliste, donc ambitieuse.

Rassembler la gauche politique, sociale, associative et citoyenne et permettre ainsi au peuple de gauche de reprendre la parole et de se faire entendre !

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