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Les propositions d’Emmanuel Macron vers un démantèlement de l’assurance-chômage

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L’étatisation de l’UNEDIC ou la disparition de l’assurance chômage…
Macron c’est les politiques de Bruxelles et de Bercy réunies. Halte au feu !

17499966_10154647238357739_1785906497_oDerrière les mots de solidarité, de pouvoir d’achat restauré, d’universalisation des prestations, la suppression de la cotisation chômage des salariés constitue une menace majeure pour notre système d’assurance-chômage, et prépare de fortes réductions de l’indemnisation de chômeurs, la disparition du paritarisme. Ainsi, Emmanuel Macron prévoit de donner le pouvoir à Bercy, pour faire entrer à coup de nouvelles régressions sociales la France dans l’étau des critères européens des 3% du pacte de stabilité.

Soyons précis…

Coté alléchant.

Deux promesses :

  • les salariés verront leur salaire net amélioré puisqu’ils n’auraient plus à payer les cotisations chômage qui représentent 2,4 % de leur salaire brut (pour le SMIC c’est mensuellement) ;
  • les indépendants, commerçants et artisans bénéficieraient des mêmes prestations que les salariés. Les salariés qui démissionneraient auraient droit eux aussi aux indemnités chômage.

Côté inquiétant.

Comment financer l’assurance chômage ?

Emmanuel Macron annonce qu’il va augmenter la CSG.

De combien ? Là est la première impasse budgétaire du candidat. Il est assez pudique sur le nouveau taux de CSG pour compenser cette baisse des cotisations (1 point de CSG représente 11 Milliards d’Euros). Le coût annuel de l’assurance chômage est de 30 milliards d’Euros (une partie vient des cotisations salariales – 2,4 % du salaire brut – et de la part entreprises – 4 % masse salariale. Emmanuel Macron ne dit rien sur les cotisations patronales, donc on peut imaginer qu’il ne les supprime pas. Toutefois, il annonce qu’il veut baisser de 6 points les cotisations patronales. C’est pourquoi il y a fort à parier que les cotisations patronales pour l’assurance-chômage seront impactées à la baisse.

En attendant, nul chiffrage des conséquences de l’élargissement aux non-salariés n’est effectué ! L’entourage d’Emmanuel Macron indique une hausse de la CSG de 1,7 % ce qui semble très sous-estimé.

Cette sous-estimation n’est pas neutre : elle masque une volonté manifeste de réduire l’indemnisation actuelle des salariés, suivant en cela les recommandations de Bruxelles qui exhorte la France d’engager les « réforme structurelles », à savoir la réduction de la voilure de la protection sociale !

En tout cas, l’amélioration du pouvoir d’achat du salarié serait ultra-modeste : pour un salarié au SMIC (avec un SMIC brut de 1480euros environ, la cotisation chômage est de 35,76 euros, la CSG supplémentaire à payer serait de 25,33 euros ; ce qui aboutirait à une hausse de pouvoir d’achat de 10,43 euros par mois ! une hausse de 0,7 %).

Emmanuel Macron propose donc une augmentation substantielle de la CSG, sans dire évidemment que la diminution des indemnités qui se profile à l’horizon. Mais c’est plus fondamentalement un pilier de notre protection sociale qui serait démantelé pour être mieux réduit.

Qui va payer ?

Des publics qui ne bénéficient pas de l’assurance-chômage, comme les fonctionnaires et retraités, pourraient désormais payer pour l’assurance chômage – en particulier les retraités les plus modestes seraient mis à contribution alors même que leurs ressources sont de plus en plus modestes. On nous dit qu’ainsi le capital cotiserait. En réalité, il ne le ferait de façon marginale, puisque les recettes de la CSG ne proviennent que pour 11,5% du capital. La part des revenus de substitutions comme les retraites est supérieur à 18% ; et les salaires à 70%.

D’ailleurs, Emmanuel Macron n’a absolument pas le projet de rendre plus juste la CSG (ni aucun autre impôt, en l’occurrence), en particulier en instaurant une progressivité qui permettrait de la faire converger avec l’impôt sur le revenu.

Bercy se donnerait ainsi les moyens de diviser pour mieux régner et imposer ces vues.

Au-delà de l’injustice de ce prélèvement, on voit bien quelle serait la tentation de Bercy de jouer sur l’opposition entre inactifs et actifs pour réduire la protection de ces derniers. Avec toujours les mêmes grosses ficelles : on ne va pas demander à nos retraités modestes de payer pour des chômeurs qui ne veulent pas travailler. On ne va pas verser des indemnités de chômage substantielles aux cadres au chômage payées par les plus modestes. Tout cela non pas dans un esprit de justice sociale mais des réductions budgétaires.

C’est un changement de philosophie qui aura de graves répercussions : en réalité, on quitte la logique de notre protection sociale actuelle, à savoir une assurance-chômage – les salariés cotisent et bénéficient d’une indemnisation lié à leur salaire (même s’il y a un plafond) et celle d’un salaire différé, d’une mutualisation des risques pour les salariés.

Vers une baisse de l’indemnisation du chômage

On passerait de fait à une logique d’aide sociale, telle qu’elle existe en Grande-Bretagne avec des prestations très faibles. Une aide sociale prétendument universelle mais en réalité a minima. Peu à peu, si cela était mis en place, on glisserait vers un modèle de filet de sécurité minimale avec des prestations chômage uniformes.

Bien sûr, dans un premier temps, Emmanuel Macron s’en défend et dans un entretien publié par Les Échos, il indique que les paramètres de l’indemnisation ne seraient pas modifiés : « ni la durée ni les montants ». Mais quelques lignes plus tard, il semble signifier le contraire en affirmant : « Nous sortons réellement d’un système assurantiel ou chacun se dit « j’ai cotisé, j’ai droit à être indemnisé ». ». On voit bien que rien ne justifierait des inégalités de prestations au regard des salaires antérieurs, et même que l’indemnisation ne serait plus un droit lié à l’assurance, mais une aide octroyée par l’État. Ce dernier fixant ces conditions et d’éventuelles contreparties. Et c’est l’autre face de ce recul.

En Grande Bretagne, l’indemnité unique versée aux chômeurs est limitée à 350 euros par mois pour les plus de 25 ans (moins pour les plus jeunes).

Les chômeurs devraient accepter un emploi même avec une baisse de salaire de 25 % par rapport à leur précédente rémunération ! Au bout du second refus, l’indemnisation serait supprimée ! Une pression inacceptable vers le déclassement !

A qui profite le crime ? En réalité, il ne s’agit pas d’inciter les gens à travailler mais d’accélérer la baisse des salaires et de les tirer vers le bas. Lorsqu’une personne aura accepté une déqualification pour éviter le chômage, elle aura par la suite le plus grand mal à retrouver un niveau de rémunération correspondant à ses compétences. Un vieux rêve du patronat et sa logique de la baisse du coût du travail.

On voit bien aussi l’idéologie sous-jacente : on vante la valeur travail pour culpabiliser ceux qui n’en ont pas et moins valoriser le travailleur !

En second lieu, On sait que ce n’est pas « la chasse » aux indemnités chômage qui motiverait une prétendue volonté de ne pas travailler, ou alors de manière extrêmement marginale. Aujourd’hui, plus de 60% des chômeurs ne sont pas indemnisés… Toutes les enquêtes et études montrent que la totalité des Français souhaitent travailler. Lorsqu’il ne restera plus que les fainéants au chômage, je pense qu’on saura faire pour régler le problème… Évidemment ce n’est absolument pas le cas.

La mise à l’écart des partenaires sociaux

La suppression du paritarisme est grave et permet la mainmise du Bercy sur notre protection sociale, pour la dénaturer et la réduire de façon drastique.

Le grand rêve de l’administration du ministère des finances, qui manifestement inspire très largement le programme d’Emmanuel Macron, est de supprimer le poids des corps intermédiaires (collectivités locales, partenaires sociaux) dans les choix budgétaires et financiers du pays, pour avoir une mainmise directe sur les arbitrages et pouvoir ainsi rentrer dans les clous de ce qu’impose Bruxelles comme objectif (la barre des 3 %) et comme méthode (les « réformes structurelles » et la dérégulation généralisée). Tout cela vendu avec sourire, main sur le cœur, propos rassurants ; mais la logique qui se met en route est celle-là et il est difficile de l’arrêter, une fois qu’on a mis le petit doigt dans l’engrenage !

Il sera plus facile de casser que de reconstruire, donc ne laissons pas faire !

Et le Parlement ?

La réalité est que le parlement Français a peu de marge sur les choix budgétaires. Il peut gagner des batailles sur les marges mais non sur l’essentiel et ce au regard du fonctionnement de la Vème République. Quand le président de la République et le gouvernement présentent leur budget, la majorité – même quand elle veut s’opposer – se trouve vite mis en demeure de suivre. Et si elle veut amender, chaque fois qu’elle crée une dépense, elle doit trouver une recette ! Chaque fois que dans la loi elle veut modifier un cadre, si cela crée une dépense et que l’on est hors débat budgétaire l’amendement peut être refusé d’examen… Tout cela est très corseté.

Et ce n’est pas la moindre raison qui plaide en faveur d’une VIème République qu’Emmanuel Macron se garde bien de vouloir changer ; au contraire il revendique son adhésion à ces méthodes et au du 49-3.

Il vante le dialogue social au niveau le plus bas, dans l’entreprise en démantelant les règles collectives, car il sait que très souvent le rapport de force social est sous la pression du « si vous n’acceptez pas, on délocalise » ou « je vais licencier parce qu’on est pas compétitif » etc. En revanche, il le refuse lorsqu’il s’agit des protections collectives des salariés, de la protection sociale héritée du Conseil National de la Résistance.

Après 1945, le dialogue social s’est concrétisé en Allemagne par la cogestion dans entreprises (avec des droits de veto sur gestion, etc.), en France par le paritarisme pour gérer la protection sociale… Avec les choix d’Emmanuel Macron, nous n’aurons ni l’un, ni l’autre.

C’est un affaiblissement terrible du monde du travail qui est programmé avec l’étatisation de l’assurance-chômage.

De surcroît, étatiser l’UNEDIC, c’est priver les partenaires sociaux de négocier avec les moyens d’agir sur des enjeux essentiels pour notre avenir comme la sécurisation des parcours professionnels dont certaines mesures (ruptures conventionnelles, taxation des contrats courts, droits rechargeables…) pour devenir concrètes, doivent être déclinées au niveau de l’UNEDIC et l’objet d’un accord interprofessionnel. Avec les propositions d’Emmanuel Macron, c’est au final l’État qui déciderait ce qu’il accepte de payer ou non, qui imposerait sa vision (budgétaire) des choix. Aujourd’hui l’État peut refuser d’étendre une convention et obliger les partenaires à rediscuter. Là, il déciderait en fait de tout. L’État, mais en fait le gouvernement car sur bon nombre de ces sujets le Parlement n’est pas saisi.

Pour une véritable réforme de l’assurance-chômage

Si l’on veut améliorer le pouvoir d’achat des salariés, si l’on veut élargir l’assurance-chômage aux indépendants, d’autre méthodes conformes à nos principes d’assurance chômage sont possibles !

Benoît Hamon fait de nombreuses propositions pour augmenter la feuille de paye, en particulier de tous ceux qui gagnent moins de 2 200 euros par mois. Ensuite, s’agissant des indépendants, micro-entrepreneurs, il est possible de leur ouvrir le bénéfice de l’assurance chômage et de les intégrer dans le régime, via par exemple une cotisation sur la valeur ajoutée.

Cette idée de taxer la valeur ajoutée produite dans l’entreprise (ce qui est différent de la TVA) est d’ailleurs celle qui est retenue pour la taxe robot, qui est en fait une taxe sur la richesse produite par les robots.

Enfin, la vraie façon de restaurer des comptes équilibrés de l’assurance chômage, c’est de réduire le chômage – Benoît Hamon en fait justement la grande priorité –, c’est de faire plus cotiser les entreprises pour les pratiques qui coûtent cher à l’assurance-chômage comme les CDD courts et l’intérim, au moment où l’on constate leur explosion.

Voter c’est choisir ! Ne laissons pas démanteler l’assurance chômage !

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