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Macron et Fillon : deux voix pour hâter le naufrage de l’Europe (2) mais il existe une alternative !

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17917743_10154984402616049_2072040640536920594_oMessieurs Fillon et Macron nous proposent de poursuivre, voire amplifier, les politiques européennes qui affaiblissent notre continent, notre industrie et nos modèles sociaux, et entretiennent la défiance des citoyens.

Une autre politique s’impose pour sauver l’Europe, en tout cas ce grand projet qui a vocation à unir les peuples et les États pour une société dynamique, de progrès partagé, de solidarité active, défendant un modèle social de haut niveau, un humanisme rayonnant, une démocratie vivante. Une Europe qui promeut une nouveau mode de développement respectueux de l’environnement, la paix sur son continent mais aussi dans le monde.

Alors oui la grande question qui demeure aujourd’hui est celle d’une réorientation majeure de la construction européenne. D’ailleurs, à mesure que le temps passe celle-ci devient de plus en plus urgente et les habitants de notre continent, singulièrement les Français, ne se paieront plus de mots ; ils attendent plus de leurs dirigeants seulement des bonnes intentions sur l’Europe sociale ou démocratique, ils attendent une véritable stratégie pour sortir véritablement des impasses actuelles et des dérives qui durent depuis trop longtemps.

Je suis convaincue, pour avoir longtemps siégé au Parlement Européen, en avoir été vice-présidente, mais aussi pour avoir gardé des liens étroits avec des socialistes et sociaux-démocrates en Europe, qu’il est indispensable d’engager un rapport de force effectif avec nos partenaires allemands. Si notre président y met toute sa détermination et un sens aigu de la diplomatie, nous pouvons gagner ce bras de fer qui d’une certaine façon ressemble à ce que l’on appelle la dissuasion du « faible au fort ». Même si le terme faible n’est pas exact s’agissant de la France, il faut que celui qui domine – en l’occurrence aujourd’hui l’Allemagne – sache qu’il a plus à perdre à refuser un nouveau compromis qu’à le nouer.

Ce « new deal européen » que nous devons proposer pour notre avenir commun doit partir d’une vision de l’Europe capable de rassembler, de parler aux peuples européens et assumer l’indispensable rééquilibrage pour défendre les intérêts de La France. Notre pays doit marcher sur ses deux pieds. Une certaine idée de l’Europe, une certaine idée de la France. Pas l’un sans l’autre !

La chancelière Allemande connaît l’histoire et doit bien savoir que lorsqu’en Europe – et singulièrement entre la France et l’Allemagne – des divergences d’intérêt se creusent, cela ne finit jamais bien.

Nos dirigeants ont en permanence éludé les crises qu’on pouvait prévoir car elles découlent inéluctablement des choix européens – souvent contre l’avis de nos concitoyens – qui ont été opérés au cours des 30 dernières années. A chaque fois, on nous promettait que les traités permettraient de progresser, d’avancer positivement et l’on croyait pouvoir reculer l’échéance d’une révision profonde, d’une réorientation majeure.

Comment, cette fois-ci, pouvons-nous être sûrs que le président de la République que nous élirons s’y engage vraiment ?

La première des garanties à prendre est qu’il soit convaincu de longue date de cette indispensable refondation.

La seconde est qu’il prenne bien la mesure des bouleversements, des évolutions qui s’opèrent dans le monde et dans nos pays. Ils témoignent d’une part de la montée des périls auxquels nous devons faire face, et d’autre part d’un retournement de cycle : la mondialisation libérale n’a pas fait la preuve qu’elle était la mondialisation « heureuse » qu’on nous annonçait. Face aux graves problèmes que vivent les peuples, ils cherchent une voie alternative et trop souvent s’égarent en choisissant le repli identitaire, le rejet de l’autre, les thèses de l’extrême droite.

Là se trouvent, tout à la fois, les grands risques, mais aussi l’impérieux devoir d’offrir à nos concitoyens, au projet européen, le rebond, le nouveau pied d’appel qui s’impose si l’on veut conjurer sérieusement le spectre des jours sombres que notre continent a déjà connu et restaurer un optimisme dans notre avenir, la confiance dans nos valeurs.

Le monde a changé et les périls sont plus évidents aujourd’hui. L’attitude de Donald Trump, les tensions nouvelles entre Russes et Américains et la politique de Poutine, les inquiétantes évolutions dans les pays arabes et en Afrique, devraient imposer une stratégie européenne plus cohérente, plus solidaire et surtout plus autonome pour garantir notre paix et notre indépendance. Ce ne sera pas facile, mais sur ce terrain la France à un rôle irremplaçable à jouer. D’abord, c’est le seul pays de l’actuelle UE qui siège au conseil de sécurité de l’ONU, il est également fort de sa diplomatie dans le monde ainsi que par ses capacités militaires. En Europe, notre pays est en position de force devant cette situation internationale délicate.

Sortir de l’austérité institutionnalisée et substituer le juste échange au libre-échange

Partout dans le monde, les pays tentent de desserrer l’étau du libre-échange généralisé pour favoriser les productions locales, une certaine ré-industrialisation profitant en cela aussi des évolutions technologiques. Les Américains au premier chef ! Et au demeurant, c’est plutôt favorable à la lutte contre l’effet de serre si l’on accompagne sérieusement les pays les moins développés qui doivent prétendre à un autre avenir que celui qu’on leur a trop longtemps assignés, celui des industries polluantes ou avec des ouvriers surexploités !

Le temps est venu que l’Europe cesse d’être une véritable passoire et fonde son ouverture commerciale – qui est évidemment indispensable et souhaitable – sur le juste échange, retrouvant au passage le triptyque de démarrage de sa construction : un grand marché, la préférence communautaire, des politiques communes industrielles, agricoles… A l’époque, les pays fondateurs étaient assez proches dans leurs droits sociaux et l’élargissement comme le basculement libéral, le choix de privilégier la construction monétaire, ont conduit à des dumpings de toute sorte qu’il est urgent de bannir. Le premier acte qui doit permettre à la France de signifier cette nouvelle voie est de dire clairement Stop au TAFTA, au CETA et à ce qui prépare avec le Japon en proposant en alternative des traités de « juste échange ». Ces traités doivent passer devant les parlements nationaux pour prétendre être ratifiés. Le prochain président doit annoncer clairement non seulement qu’il ne proposera pas la ratification au Parlement français, mais aussi que dorénavant ces traités devront être ratifié par référendum (j’ai toujours considéré qu’au regard de la défiance que nos concitoyens pouvaient légitimement ressentir face aux engagements de leurs dirigeants sur tous ces sujets, l’inscription de la ratification des traités européens et de libre-échange par référendum dans la constitution s’imposait). Qu’on ne s’y trompe pas, cette position d’arrêt de ces traités constituera un point d’appui pour une négociation avec nos amis allemands qui ont misé sur une déflation salariale – au passage, venant d’un des pays les plus riches de l’UE, elle a eu des conséquences dramatiques dans tous les autres pays – pour assurer des exportations dans et hors l’Europe et souhaitent poursuivre ainsi, se préoccupant peu des délocalisations, ou des pertes de marché intérieur induites ailleurs. En particulier, pour les pays qui historiquement exportent fortement au sein de l’UE, surtout lorsqu’ils produisent des biens intermédiaires !

Et là nous défendons bien la cause européenne et les intérêts français. Notre position peut aussi avoir un large écho en direction des peuples, des opinions publiques surtout si l’on observe les grandes mobilisations qui ont eu lieu sur des sujets ou les sondages dans différents pays, en particulier en Allemagne, ainsi que la position de la confédération européenne des syndicats.

Il y a ensuite, et c’est essentiel, la nécessité impérieuse de sortir du carcan du pacte de stabilité et des politiques d’austérité, pour engager une relance concertée à travers la hausse des salaires, du pouvoir d’achat et des investissements dans des secteurs clefs pour le bien-être des citoyens, la transition écologique et les grandes mutations technologiques en particulier numériques…

Et là j’entends bien d’un côté l’exigence de changer les traités – c’est vrai qu’il faudra le faire – et de l’autre la volonté de doter la zone euro d’un parlement permettant aux représentants des parlements nationaux de peser sur les décisions économiques et monétaires – c’est vrai que cela modifierait la donne –, mais j’observe que dans les deux cas, ces évolutions nécessitent un ou plusieurs nouveaux traités et donc un temps assez long pour y parvenir, pour les faire ratifier et mettre en œuvre.

Or sortir des politiques actuelles qui font tant de mal, ici et maintenant, mais aussi dans bon nombre de pays, en particulier au Sud de l’Europe, est urgent. C’est pourquoi j’avais suggéré que la France propose à ses partenaires une feuille de route de sortie de crise qui mette en place un moratoire sur les dispositions les plus négatives des traités (déficit de chaque pays inférieur à 3%, « règle d’or » et sanctions, interdiction d’aides d’État pour les industries, réformes structurelles de dérégulation sociale, directive des travailleurs détachés, etc.). Elle doit aussi établir un nouveau cadre garantissant à la solidarité, la relance, la lutte contre les dumpings sociaux et fiscaux. On peut concevoir, s’agissant des déficits, qu’il y ait une stratégie différenciée par pays, sortant certaines dépenses du calcul de ces déficits, et fixant une trajectoire européenne de retour progressif à l’équilibre. On doit aussi imaginer de nouvelles politiques communes comme celle de l’énergie et de la conversion industrielle et écologique, ou un Buy European Act. Et pourquoi pas, aussi, sur l’accueil des réfugiés, la protection des données personnelles, la taxation des multinationales, la lutte contre la fraude fiscale ou d’autres enjeux importants pour la défense de nos valeurs.

La Banque Centrale Européenne (BCE) déverse des sommes importantes en direction des banques qui ne servent pas à relancer concrètement et effectivement les activités de l’économie réelle, à des investissements pour répondre aux besoins des Européens. Ces sommes doivent être directement affectées aux États, collectivités publiques ou certaines entreprises pour des actions d’intérêt général et pour réduire les dettes souveraines.

Voilà, des éléments qui doivent être mis sur la table pour la négociation de cette feuille de route. Mais pour qu’elle puisse se concrétiser, et en tout cas qu’elle engage vraiment et vite un cours nouveau pour l’Europe ; la France doit se sentir forte, tenir bon et cesser de sous-estimer sa capacité à peser et à entraîner.

Il n’y a pas d’Union Européenne sans la France

Si nos partenaires, et au premier chef les dirigeants allemands, n’acceptent pas d’ouvrir ces négociations et de construire un nouveau compromis, notre pays a des moyens de pression pour se faire entendre. D’abord, parce que le rapport de force a changé en particulier avec le départ de la Grande Bretagne. Qui imagine l’Europe sans la France ? Chacun voit bien que cela n’est pas possible. Et de surcroît, notre pays est contributeur net, c’est-à-dire verse au budget de l’union plus qu’il ne reçoit. Alors si les blocages et l’absence de volonté de changer prenaient le pas sur la volonté d’ouvrir une nouvelle page de notre histoire commune, la France pourrait décider non pas de sortir de l’Euro et de l’Europe, mais de bloquer le paiement de sa contribution.

En réalité, chaque fois que cette attitude ferme a prévalu, elle a finalement permis d’avancer. On peut penser à la politique de la chaise vide du Général De Gaulle, à l’exigence du retour du « chèque britannique » par Margareth Thatcher ou même plus récemment lorsque David Cameron a demandé des concessions pour convaincre ses concitoyens de rester dans l’UE et en a obtenu notamment des conditions dérogatoires pour la City. Cela n’a pas suffi aux yeux des Britanniques, même si le gouvernement en était satisfait. En tout cas, un certain rapport de force paye.

Mais nous devons d’abord tout faire pour convaincre et ne pas en arriver là.

Par expérience, j’ai pu observer que notre pays avait du mal à coaliser les forces politiques, ou les États, qui partageaient bon nombre de nos objectifs, tant nos gouvernements avaient été pris en défaut, cédant très vite à Mme Merkel et lâchant alors leurs alliés en rase campagne. Alors le futur président devra tenir un discours de vérité, et tenir bon sur ses positions, même si l’esprit de compromis s’impose. Mais il y a un gouffre entre un compromis et un alignement sur la position du plus fort.

Pour réussir cette coalition, il faudra très vite présenter nos positions, débattre pour entraîner la gauche européenne, travailler avec les organisations syndicales et la CES, associer prioritairement les pays qui subissent l’austérité (ceux du Sud), mais aussi ceux qui partagent bon nombre de nos points de vue comme la Belgique.

Si je rentre en détail sur la stratégie qui peut être développée, c’est que je crois dangereux d’entretenir l’idée que si les Allemands ne veulent pas, nous ne pouvons pas réorienter l’Europe ou que nous devrions réduire nos choix entre attendre que nos voisins d’outre-Rhin veuillent bouger d’un côté ou sortir de l’Euro ou de l’Europe de l’autre.

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