Climat

Notre planète brûle et notre stratégie énergétique balbutie à peine

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L’information est passée inaperçue, tant l’actualité a été écrasée par l’annonce du décès du Président Jacques Chirac : le projet de loi Énergie-Climat a été définitivement adopté jeudi 26 septembre 2019.

Ce texte avait donné lieu à des débats intenses lors de son passage au Sénat – la Haute Assemblée étant le seul endroit du parlement où une véritable discussion politique peut encore réellement s’engager. Le bilan que j’avais dressé de cet examen fin juillet reste inchangé : ce projet de loi est une grave occasion manquée pour lutter contre le dérèglement climatique en cours, qui devrait passer nécessairement par une transition énergétique très volontariste.

Rien n’a évolué depuis, aucune avancée nouvelle dans les échanges entre l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont permis de donner un véritable souffle à une loi qui claironne de grands objectifs sans réellement se donner les moyens sur l’essentiel.

En terme de lutte contre le dérèglement climatique, les objectifs ambitieux sont différés à long terme alors qu’il faudrait engager maintenant une stratégie massive en faveur des énergies renouvelables et pour réaliser des économies d’énergie. Cela nécessiterait une vision stratégique industrielle à court, moyen et long terme qui est absente du texte, et que nous n’avons pas pu évidemment corriger. Il suffit pour cela de voir les freins qui sont mis au déploiement de la production d’énergie solaire, notamment. Même constat pour les transports dont nous n’avons pu faire entendre la nécessité de mettre la stratégie en cohérence avec ce texte, au prétexte que « tout aurait été engagé » par la Loi d’orientation des mobilités. La question de la justice sociale n’étouffe pas non plus ce texte qui met fin aux tarifs réglementés du gaz, prélude à la même démarche à venir pour l’électricité.

Enfin, rien de solide non plus sur le logement pour lequel nous avions été constamment renvoyés à la loi ELAN votée en 2018. Ainsi rien n’a été engagé pour se doter de moyens financiers conséquents et d’outils d’ingénierie financières nécessaires pour accompagner les propriétaires dans la rénovation thermique sans léser les locataires les plus modestes, rien non plus sur les mesures de coercition indispensables pour assurer la réalisation d’objectifs affichés pour réduire le nombre de « passoires thermiques »

Le plus grave est en filigrane : alors que nous savons être à la veille d’une dangereuse restructuration en profondeur du secteur industriel de l’énergie, le gouvernement avance masqué et alors qu’il aurait dû définir sa vision et sa stratégie en ce domaine, elles sont totalement absentes de ce texte. Nous avions d’ailleurs dénoncé une manœuvre souterraine au travers d’une modification massive de l’Arenh (dispositif qui fait obligation à EDF de vendre pour 42€ le MégaWatt à ses concurrents, alors que le prix actuel du marché est de 60€…) en contradiction avec la réglementation européenne. Alors que le gouvernement a d’ores-et-déjà engagé des discussions informelles avec la Commission européenne, il apparaît que cette stratégie vise à justifier un projet de scission de l’opérateur public intégré (dit projet Hercule) sur la base des remontrances attendues des institutions européennes. Cette scission entre un EDF bleu et un vert, d’un côté, et avec la séparation déjà obtenue pour les réseaux (Enedis), de l’autre, ne peut qu’aboutir à de nouvelles privatisations, qui mettront en cause l’existence d’un opérateur intégré indispensable pour engager la transition énergétique et assurer notre indépendance sans léser notre économie et les consommateurs notamment les plus modestes.

Peut-être est-ce une manière pour Emmanuel Macron et son gouvernement de rendre une forme d’hommage à feu le Président Jacques Chirac. Ce dernier avait su alerter la communauté internationale en 2002 à Johannesburg avec son discours sur « notre maison [qui] brûle » ou adosser à la constitution française une charte de l’environnement, mais son bilan écologique concret était resté particulièrement évanescent. Emmanuel Macron semble se mettre dans ces pas sur ce terrain : après avoir claironné « Make our Planet great again », rien dans son action et ses décisions concrètes ne vient confirmer son discours. Le débat en ce moment même au Sénat autour du projet de loi sur l’économie circulaire en est une nouvelle démonstration.

Pourtant, pour le climat, pour la transition énergétique, pour la qualité de l’air et de l’environnement, il y a bel et bien urgence. Les incendies massifs de cet été partout autour du monde sont là pour nous le rappeler.

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