Réindustrialisation

Échec de la politique de l’offre : vite une politique industrielle !

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tribune parue le 25 juillet 2022 dans le numéro 272 de La revue du Trombinoscope et son dossier consacré à « Relocalisation industrielle : une vraie volonté, pour quels résultats ? »

La réindustrialisation est l’un des défis les plus importants que notre pays doit relever ; cela suppose un engagement pérenne dans de très nombreuses directions : stopper les fermetures de sites et les délocalisations, relocaliser, développer de nouvelles activités – pour relever les défis climatiques, écologiques et numériques ou prendre en compte les nouveaux besoins humains. En dépit des discours, notre situation continue à se détériorer et les décisions prises sont à des années-lumière de ce qu’il faudrait.

Un symptôme criant : la France n’a pas restauré de grand ministère de l’industrie et de l’innovation sorti de l’orbite de Bercy, dont la culture dominante reste strictement focalisée sur l’aspect financier. Le déficit commercial de la France ne cesse de plonger, particulièrement celui des échanges industriels. De 84,7 milliards d’euros en 2021, on l’annonce de l’ordre de 110 Mds€ (4% du PIB) pour 2022 !

« Articuler intervention publique et initiative privée, voilà qui aurait dû être la mission du Haut-Commissariat au Plan afin de restaurer notre souveraineté économique »

La politique de l’offre engagée dès 2013, amplifiée avec la présidence Macron, a coûté, et coûte encore, très cher et s’avère un échec. Alors que l’écart des coûts salariaux unitaires entre la France et l’Allemagne s’est presque résorbé, le déficit extérieur français vis-à-vis de l’Allemagne continue de se creuser. Avec l’Espagne et l’Italie, la situation s’est considérablement dégradée.

40 Mds€ d’aides fiscales par an mais les dépenses de R&D n’augmentent pas, l’investissement productif non plus, sans montée en gamme et sans hausse significative de la production ! Avec de telles sommes, on peut faire beaucoup mieux que de laisser verser des dividendes ! La politique aveugle de l’offre a échoué : réorientons le soutien public, développons des politiques de compétitivité hors coût.

Nous devons nous défendre face aux prédateurs, aux menaces de délocalisation et de fermetures des usines dans nos territoires, qui continuent sans réaction suffisante des pouvoirs publics. Les nombreux exemples témoignent d’une longue passivité de l’État sans parler des complaisances coupables comme dans le cas d’Alstom/General Electric ou d’Alcatel !

Pourtant salariés et élus s’alarment, mais faute d’une stratégie nationale globale d’intelligence économique associant les forces vives du pays, rien ne bouge. J’ai déposé au Sénat une proposition de loi sur ce sujet. La concentration sectorielle de nos exportations nous rend très vulnérables lors de retournements de tendance – aujourd’hui dans les transports – et réduit notre réactivité à la demande, y compris de produits d’urgence.

La réindustrialisation et les relocalisations doivent concerner tous les domaines, or le plan France 2030 ne répond pas à cette nécessité, sans parler de ses budgets insuffisants. Construisons des plans de filières, secteurs par secteurs, préparés avec les acteurs concernés dont les partenaires sociaux, favorisons les mutations indispensables, préparons les relocalisations en réorientant les interventions publiques ainsi que la commande publique et les aides aux exportations, nos financements dans la recherche, la formation – prenons la mesure de la grave crise de notre système éducatif, d’enseignement supérieur et de recherche. Articuler intervention publique et initiative privée, voilà qui aurait dû être la mission du Haut-Commissariat au Plan afin de restaurer notre souveraineté économique, pas seulement en matière prospective mais également en dégageant des actions concrètes et financées. Les dynamiques locales, le développement et la création de PMI et ETI doivent devenir des priorités. L’attention au développement des compétences, à la motivation et l’association des salariés doit être centrale.

Bercy et l’Elysée ont beaucoup coûté en matière de politique industrielle. Or seule une mobilisation générale, un véritable débat public, décliné au niveau local, des branches et bien sûr au Parlement permettra de redresser la barre.

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