Souveraineté industrielle

Exxelia : les dessous de la vente de ce fleuron passé sous pavillon américain – article dans Challenges

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J’ai écrit hier à Monsieur Roland Lescure (vous retrouverez le courrier ci-dessous après l’article) pour lui demander de s’expliquer sur le choix du gouvernement de ne pas recourir au « décret Montebourg », afin d’éviter le passage d’Exxelia sous pavillon US. Le magazine Challenges s’en fait l’écho.

Le 5 janvier dernier, le groupe américain Heico annonçait l’acquisition d’Exxelia, un champion des composants électroniques qui fournit notamment l’industrie de la défense. Une cession qui a fait réagir des élus qui ont demandé des explications au ministre de l’Economie. Du côté de Bercy, on assure que l’opération a fait l’objet d’une instruction approfondie et que l’Etat disposera d’un véritable pouvoir de contrôle sur le nouveau propriétaire.

Par Régis Soubrouillard, Challenges, le 13 janvier 2023 à 07h00

C’est une cession qui ne passe pas. La députée socialiste Valérie Rabault a adressé un courrier à Bruno Le Maire le 9 janvier dernier dans lequel elle demande des explications sur la validation par le ministère de l’Economie du rachat d’Exxelia par l’américain Heico. De son côté, la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann a écrit à Roland Lescure, pour lui dire que les raisons qui ont poussé le gouvernement à ne pas intervenir restaient « opaques » et que le passage d’Exxelia sous pavillon américain n’est pas une « simple péripétie capitalistique ». Elle lui demande des détails sur les actions menées par Bercy pour faire respecter « nos intérêts et notre souveraineté ».

Fondée en France, basée à Paris, et détenue jusqu’alors par le fonds d’investissement britannique IK Investment Partners depuis septembre 2014, cette entreprise stratégique évolue dans le secteur de la défense et de l’aéronautique française. Elle fournit des composants électroniques pour les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque français Barracuda, mais aussi pour le Rafale, les lanceurs Ariane 5 et 6, l’A320neo, et la gamme de jets d’affaires Falcon de Dassault. Dans son courrier, la députée rappelle que cette acquisition entre dans « le champ d’application du contrôle des investissements étrangers en France prévu dans notre droit », en place depuis 2014.

Le fabricant de composants électroniques est officiellement passé sous pavillon américain le 5 janvier dernier pour un montant de 453 millions d’euros. Un timing loin d’être parfait pour Bercy qui annonçait le même jour que le seuil de déclenchement du contrôle des investissements étrangers en France allait être définitivement fixé à 10% de prise de participation, au lieu de 25% auparavant. Autrement dit, un renforcement du contrôle des investissements étrangers au moment où Bercy lâchait aux Américains une pépite forte de 170 millions d’euros de CA en 2021 et 2100 salariés.

Du côté de Bercy, on explique que Heico est loin d’être une entreprise inconnue dans la mesure où elle a déjà racheté des sociétés françaises notamment Trad, une pépite toulousaine spécialisée dans l’ingénierie des rayonnements pour les secteurs spatial, nucléaire et médical.

Aucun groupe français n’a formulé d’offre ferme pour Exxelia
« C’est une entreprise familiale dans la haute technologie que l’on connaît depuis longtemps parce qu’elle a déjà racheté des sociétés françaises dans des domaines sensibles. On sait qu’elle respecte ses engagements et ses intérêts en France. On a la garantie que les usines et les emplois resteront en France. Et la protection des intérêts français ne passe pas uniquement par la nationalité de l’entreprise », assure une source interne à Bercy qui précise que la cession d’Exxelia a fait l’objet d’une « instruction approfondie » de la part des services de Bruno Le Maire et du ministère des Armées. Il y a aurait eu malgré tout de légères tensions car du côté de l’Hôtel de Brienne, on recommandait, plutôt, de rapatrier Exxelia dans le giron national mais le débat a été vite tranché car aucun groupe français n’a formulé d’offre ferme.

Officiellement, Bercy assure que le contrôle de l’Etat sur le nouveau propriétaire sera bien plus important que par le passé, et presque inédit. Heico fera l’objet de procédures de contrôles spécifiques pour assurer une sécurisation de la production d’Exxelia.

L’Etat va notamment acquérir une action de préférence dans Exxelia (golden share), lui permettant d’être représenté au Conseil d’administration et de disposer de droits de veto.

Des dispositions bien plus fortes que précédemment, selon le ministère de l’Economie. Elles permettent notamment de garantir la souveraineté française et le maintien de la production sur des contrats sensibles dans l’aéronautique, par exemple. Par ailleurs, les projets d’Exxelia d’une nouvelle usine en France ne seraient pas non plus remis en cause.

Un fonds d’investissement souverain pour les entreprises stratégiques
Pour le sénateur Jean-Louis Theriot, vice-président de la commission Défense à l’Assemblée nationale et qui a l’intention d’interroger le ministre de l’Economie sur ce sujet, l’exemple d’Exxelia démontre malgré tout que la France ne dispose par des outils qui lui permettent de protéger sa souveraineté. « Il faut un fonds d’investissement souverain pour les entreprises stratégiques, et notamment tout ce qui touche à la Défense, un secteur sensible où les grands groupes préfèrent souvent ne pas investir » explique-t-il.

D’autres députés et sénateurs, notamment Cédric Perrin (LR) ont, eux aussi, l’intention d’adresser un courrier à Bruno le Maire ou d’interroger directement le ministre, pour en savoir plus sur la vente de ce fleuron. Contactée, la direction d’Exxelia ne souhaite faire, de son côté, aucun commentaire ni sur son rachat par Heico ni sur les réactions politiques qu’il provoque.

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