Le Sénat a fini d’examiner hier le projet de loi « industrie verte » et je publierai rapidement quelques unes de mes interventions. J’avais dès l’examen en commission exprimé mon point de vue sur ce texte qui ne nuit pas mais ne résout rien.
Je voudrais insister sur le fait qu’en réduisant la réindustrialisation à une branche de l’industrie verte, nous passons à côté du point essentiel : c’est bien plutôt la réindustrialisation globale du pays, accompagnée d’une décarbonation, qui constitue une pratique écologique. Réimplanter en France des industries qui sont aujourd’hui à l’étranger signifie rapprocher le consommateur et l’usage, et donc rompre avec la logique actuelle de mondialisation, même intra-européenne. M. Gay est bien optimiste sur ce sujet, car la France a en effet subi beaucoup de délocalisations en faveur des pays de l’est de l’Europe et de l’Espagne.
Il faut a minima changer de titre du projet de loi. L’industrie française a bien souvent concentré ses efforts sur deux ou trois secteurs, et notre réussite dans ces derniers nous donne l’illusion que nous sommes en train de réindustrialiser. Ce mode de pensée, notamment, nous a fragilisés, lors de la désindustrialisation. La réindustrialisation doit être globale.
Concernant le financement des TPE et des PME, ce texte n’est pas sérieux ! Si on ne prend pas conscience de l’ampleur du financement à mobiliser pour assurer une industrie décarbonée, pour éviter les délocalisations et pour relocaliser, si on ne mène pas une réflexion holistique, on s’empêche de trouver les leviers stratégiques pour retrouver de notre souveraineté économique.
J’ai toujours soutenu l’idée d’une aide fiscale pour accélérer la robotisation, c’est un réel enjeu, mais il s’agit d’un sujet restreint au regard des besoins. Aucune réflexion n’est menée sur les moyens à mobiliser, la manière de les mobiliser, et leur fléchage. Par exemple, nous n’avons jamais donné suite à cette vieille idée d’utiliser l’assurance-vie des particuliers pour financer la réindustrialisation. La banque publique d’investissement (BPI) n’est finalement qu’un « air-bag des banques », permettant de partager les risques.
De plus, le projet de loi ne contient aucune mesure concernant l’association des salariés, par le biais de leurs associations syndicales. Souvent, les organisations syndicales jouent les lanceurs d’alerte sur les risques. Certes, on a instauré le Beges, mais a-t-on assez de fonctionnaires pour en vérifier la conformité ? De même, le ministère de l’économie ne contrôle guère les prix de transfert. Il me paraît donc nécessaire de réfléchir à une codétermination, de déléguer des droits d’alerte, d’informations et d’intervention.
Enfin, la France devrait mieux utiliser les règles européennes et créer un rapport de force pour se laisser une marge de manœuvre, notamment en ce qui concerne le bilan carbone et le principe de proximité. Ce dernier n’est jamais appliqué aujourd’hui, alors même qu’il aurait constitué un bon équivalent économique au principe de subsidiarité. On a refusé cette bataille, on en paie le prix fort.
Cette loi n’est pas dramatique, mais elle ne résout rien.