Impossible d’accorder la confiance à François Bayrou. Il faut voter la sanction de son gouvernement qui a tout fait pour qu’elle tombe au moins du côté de la gauche .
On peut partager une part de son diagnostic sur la gravité de la situation budgétaire , mais
Celui-ci n’est que partiel et oublie un pan essentiel à savoir l’appauvrissement du pays avec une chute dramatique de ses capacités productives, la désindustrialisation et le déficit abyssal de notre commerce extérieur. Or c’est bel et bien ce déficit de production de richesses qui nourrit la mise sous tension de nos finances publiques et de notre protection sociale.
François Bayrou oublie de dire qu’à force d’avoir tant privatiser et réduit la voilure du capital public non seulement le pays a perdu en souveraineté mais aussi bien des recettes budgétaires.
Quand il affirme que le pays s’est endetté pour le fonctionnement et pas pour l’investissement, c’est juste! mais c’est aussi que les choix libéraux – déjà avant Macron mais plus encore depuis- n’ont cessé d’annoncer des purges budgétaires pour combler des déficits largement alimentés par des baisses de cotisations et d’impôts en faveur des entreprises ( non ciblées et sans contrepartie ), des plus riches! On nous disait que cela allait booster l’ activité au motif d’une meilleur compétitivité coût mais ces décisions ne furent soldées par aucun succès, et ce au détriment d’investissements de filière, de recherche et du made in france . Bref ce que Bayrou se refuse à avouer est que leur politique menée depuis des années nous a conduit dans une situation certes alarmante mais dont on ne sortira pas en poursuivant dans la même
direction .
Et son appel à la « prise de conscience » devant la gravité de la situation des finances publiques serait nettement plus crédible s’il s’accompagnait de la même prise de conscience sur les raisons de cet état de fait et la nécessité de changer d’orientations économiques
Elles doivent s’engager dans deux directions: entamer une nouvelle architecture fiscale et dégager des moyens pour un grand plan de relance industrielle et productive afin de reprendre pied dans des secteurs majeurs pour notre souveraineté ainsi que pour assurer des services publics de qualité .
J’ai à plusieurs reprise montrer comment ce sursaut était possible et urgent sans attendre les hypothétiques politiques européennes en la matière !
Or dans les propos du premier ni mea culpa et encore moins de propositions significatives de ce changement de cap ! Pire la seule stratégie qu’il propose est la purge budgétaire faisant porte beaucoup d’efforts aux travailleurs , aux plus modestes qui a juste titre estiment qu’ils en ont déjà beaucoup fait et que les inégalités et injustices n’ont fait que se creuser , en même temps que se creusait le déficit budgétaire !!!
On pouvait espérer qu’au moins sur ce point le premier ministre Bayrou mettrait en œuvre des politiques plus offensives sur la justice sociale et fiscale . Ce ne fut pas le cas et d’une certaine façon c’est lui et ses prédécesseurs qui mettent le feu au poudre, laissent se mette en place le désordre. L’appel aux responsabilités devrait en premier s’appliquer à son camp . Les récentes propositions visant à supprimer deux jours de congé , à augmenter les forfaits médicaux sont hélas révélateurs d’une réalité dramatique : ils n’ont rien compris , ils ne veulent pas voir, ils ne veulent pas changer ! Et le discours d’hier n’a même pas annoncé l’abandon de ces mesures et témoigner d’u e volonté sérieuse de rééquilibrer la donne.
Alors devant ces réalités quel sens pourrait avoir le soutien au maintien du gouvernement Bayrou? Reculer pour mieux sauter , laisser la colère éclater, ne pas permettre l’expression de vraies alternatives ?
Éviterait on le chaos qu’annonce Le premier ministre ? Non son crédit est épuisé non seulement à l’Assemblee Nationale dont la composition est peu propice au vote d’une stratégie économique et sociale alternative mais aussi et surtout dans le pays !
Il reste pour la gauche une difficulté à surmonter et en tout cas un défi majeur à relever. Être capable de proposer une alternative sérieuse qui réponde vraiment à la gravité de la situation du pays ( qui n’est pas que budgétaire ) et aux attentes et à l’amélioration des conditions de vie des français, qui consolide notre modèle républicain ciment indispensable de la nation.
Aucun pays ne sort d’une crise aussi globale sans mobiliser l’ensemble du pays !
Et il est vrai que la stratégie de la France insoumise depuis quelques temps ne va pas dans ce sens et même va dans le sens contraire. Au point que bon nombre de nos concitoyens ( et pas seulement à droite) estiment qu’elle serait plus dangereuse que le FN, qu’elle ne prend pas en compte la question pourtant cruciale de la sécurité et entretient le communautarisme.
On sait tout cela . Mais en face, les autres forces politiques de gauche n’ont pas su ( pas voulu?) faire les efforts pour s’élargir et se rassembler pour préparer l’alternative dont je parle au dessus!
S’élargir car toute la gauche ne dépasse pas actuellement dans toutes les élections et les sondages les 30% . Elle a perdu la confiance des millions d’électeurs, ouvriers, salariés, enseignants, soignants, fonctionnaires, qui ne se reconnaissent plus dans ses discours, ses priorités. Et cette reconquête ne se fera pas par un claquement de doigts et ses effets ne seront pas immédiatement très perceptibles. Mais tout retard pris est un coup de pouce à l’accession du RN au pouvoir, que la seule dénonciation sur ses visions fascisantes ne saura conjurer.
Rassembler pas seulement ceux qui de près ou de loin répondent à des catégories sociologiques et culturelles plus restreintes s’apparentant à l’analyse de Terra Nova et du point de vue politique ceux qui ont plutôt voté oui lors du référendum sur le projet de constitution européenne. Or une très grande majorité du peuple de gauche et des électeurs socialistes ont voté non et on peut dire plus encore aujourd’hui qu’ils avaient raison.
En tout cas c’est à la reconstruction d’un pôle central de la gauche qu’il est urgent de s’atteler et c’est à cette tâche que j’appelle les partis et en premier lieu le Parti socialiste qui au regard de son implantation locale diversifiée et de son histoire devrait être le mieux à même de prendre l’initiative de fédérer largement toutes celles et ceux prêts à cette relève de la gauche par un réformisme radical ( l’évolution révolutionnaire disait Jaurès) mais aussi à la relève de la France .
Car la gauche a besoin d’un pôle central capable de rassembler largement les Français. Et si aucun oukase global en direction de LFI ( et moins encore de ses électeurs ) n’est acceptable, l’émergence d’une gauche puissante ne peut se faire autour d’une LFI qui serait dominante . D’ailleurs l’histoire de l’Union de la gauche est éclairante. L’union de la gauche a pu devenir majoritaire quand le PS devenait le premier Parti de gauche. Mais on oublie souvent que le congrès d’Épinay qui refonda le Parti socialiste et engagea le programme commun choisissait une double démarche l’unité des socialistes (qui n’était absolument pas acquise alors) et l’union de la gauche ! À réinventer aujourd’hui. Oui bien sûr les temps ont changé, mais les réalités sociales pas tant que cela! parfois même , elle se sont dégradées! La question écologique est plus prégnante (même si on caricature et néglige souvent l’absence de sa prise en compte dans les programmes de gauche de l’époque .. mai 68 était passé par là) et mérite un volontarisme efficace. Car les illusions d’une régulation verte dans la logique du marché qui a montré plus que ses limites, provoquent bien des rejets.
La seconde réalité à prendre en compte est que les questions du travail, du pouvoir d’achat, des services publics sont une urgence absolue. C’est d’ailleurs ce qu’expriment nos compatriotes qui ont trop souvent l’impression soit que le sociétal prends le dessus sur le social et que la gauche s’est trop rangée dans l’impuissance et le fatalisme !
On doit écouter et travailler avec les syndicats qui certes ont une fonction d’abord revendicative mais savent aussi retenir les priorités, hiérarchiser les urgences, faire prévaloir l’intérêt général de salariés, défendre le maintien de l’activité dans notre pays.
À force de parler de négociations entre partenaire sociaux et de les organiser dans un cadre contraint par le gouvernement empêchant de réels progrès pour le monde du travail, on délégitime les syndicats, on laisse monter la pression et le mécontentement avec l’émergence de mouvements sporadiques qu’on qualifie parfois abusivement de spontanés et dont le contenu mérite d’être examiné de plus près.
Souvent ils sont quand même très influencés par de thèses poujadistes ou d’extrême droite !
Avec une insistance révélatrice , trop d’impôts , trop de charges , l’état se gave et nous on trinque etc …certes sont évoqués les salaires et les services publiques mais trop souvent sous cette vison idéologique qui n’a rien de gauche ! Bien des discours sont en fait en phase avec les propositions de l’extrême droite contre les hausses d’impôts ( même pour les riches ) et en faveur d’ une nouvelle phase de démantèlement de l’Etat et de l’intervention publique ( prenons un exemple la privatisation du service public audiovisuel ou l’ouverture concurrence dans les transports etc etc ) . Si la critique des lourdeurs de l’administration sont souvent justes les réponses sont à trouver ailleurs par exemple dans une meilleure organisation, une vision moins procédurière et parfois des moyens mieux alloués. On doit agir sans affaiblir l’Etat et l’intervention publique . Ce n’est pas le cas du RN et c’est une grave illusion quand certains entretiennent le mythe du RN à droite sur le régalien et à gauche sur le social !!! Non il est de fait dans une vision libérale anti-état ! De droite deux fois.
Nul ne peut dire quelle sera l’ampleur du mouvement du 10 septembre car il est vrai que la colère est grande. Mais le mot d’ordre « on bloque tout » est porteur de très grandes ambiguïtés et risque de provoquer l’éternel retour de bâton vers la droite et ceux qui incarnent le parti de l’ordre à savoir le RN .
Il faut agir pour redonner de la force, de la lisibilité aux syndicats et si possible à une intersyndicale avec des revendications précises !
Dans le pays couve une sourde colère mais aussi une profonde inquiétude sur l’état et l’avenir de la France, à un moment où l’arrivée de Trump met en exergue une vassalisation de fait de l’UE et d’une certaine mesure de la France, où la menace Poutine et la force montante chinoise tétanisent !
Ce sont les deux faces d’une même crise (place et avenir de la France, situation difficile des Français) et c’est à la gauche de se mettre à la hauteur de sa tâche historique. Redonner confiance à notre peuple en des progrès sociaux et républicains nouveaux, le mobiliser dans la justice pour redresser l’économie du pays, son éducation , la recherche , son industrie .. bref retrouver de la souveraineté pour maîtriser notre avenir .
Enfin dans le brouhaha et le chaos actuel, si elle doit répondre à l’actualité elle ferait bien aussi d’engager rapidement cette mutation et de définir une stratégie plus convaincante pour faire obstacle au RN qui est une menace croissante.
