Les terroristes ont perdu ce dimanche 11 janvier 2015.
Ce n’est ni l’exacerbation des divisions, ni la stigmatisation des communautés, ni la haine et les peurs qui ont pris le dessus. C’est bien au contraire la réaffirmation de la détermination de notre peuple à défendre la République, et son attachement viscéral aux valeurs de laïcité et de fraternité. Leurs actes avaient aussi pour objet d’isoler les musulmans pour tenter de les radicaliser. Les musulmans n’ont pas été mis hors de la communauté nationale et ne s’y sont pas mis. C’est toute la communauté nationale qui s’est retrouvée, tous ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas, sans exclusive aucune. C’est tout cela qui s’est exprimé hier.
Le Président de la République, le premier ministre, le ministre de l’intérieur ont été tout à fait à la hauteur de ces circonstances terribles et ont su incarner le rassemblement de notre peuple, de la France.
Mais maintenant, il nous faut agir vite pour prolonger cet élan républicain qui nous oblige, cette attente de fraternité, de respect mutuel, de vivre ensemble en paix et en démocratie, cette exigence de liberté, d’une liberté d’expression qui a besoin d’impertinence, d’humour, de contestation et même de provocation.
Nous ne devons pas oublier que les menaces demeurent en France et ailleurs, que le terrorisme n’est pas éradiqué, qu’il faut tarir le vivier de ces djihadistes dangereux. Il faut consolider notre République dont l’idéal doit être plus vivace au quotidien, dont les valeurs doivent être partagées au-delà des moments tragiques et solennels. Notre République doit devenir plus concrète pour chacun.
Une grande vigilance s’impose, une fois l’émotion passée et l’espoir mobilisé, afin que les vieilles tentations de stigmatisation, d’amalgame mais aussi de racisme et d’antisémitisme ne reprennent pas de plus belles. Dans le même temps, il faudra beaucoup d’exigence pour que l’obscurantisme, l’ignorance et la propagande de l’extrémisme ne gagnent pas les esprits, en particulier ceux des enfants et des jeunes. Pour trop de nos compatriotes, l’idéal républicain et le projet de société de la France ne parlent pas, ou ne parlent plus. Sans des actes qui manifestent notre capacité à tenir la promesse républicaine, en particulier d’égalité, il sera difficile renouer le dialogue et de les convaincre.
Ainsi, il nous faudra agir, avec lucidité et détermination, dans de nombreuses directions pour affronter les défis que ces tragiques événements rappellent. Cela va des mesures pour assurer notre sécurité, pour lutter contre le terrorisme, ici et ailleurs, et pour consolider la vigueur de notre modèle républicain.
Les citoyens doivent y prendre toute leur part, en réinvestissant les débats politiques, au sens le plus noble de ce terme. Car il va falloir débattre des actions, des politiques, des orientations, des priorités à promouvoir dans le cadre démocratique. Si l’idéal républicain nous rassemble, la diversité des points de vue et des choix restent plus que jamais indispensable pour faire vivre la démocratie française.
Pour ma part, j’ai toujours défendu l’idée qu’il fallait donner un nouveau souffle à notre République, en faisant avancer en même temps la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Mais l’égalité recule et c’est insupportable. La fraternité est mise à mal par la ségrégation territoriale, sociale, comme par l’individualisme exacerbé par la mise en concurrence des personnes. Je suis convaincue plus que jamais que pour être plus forte notre République doit être une République sociale. Et là, il y a tant à faire.
Enfin, il y a une véritable bataille idéologique pour restaurer l’humanisme, le sens de l’intérêt général, la culture et la connaissance, la raison et la science, l’esprit critique, le respect des consciences, des convictions religieuses, des choix philosophiques, mais aussi l’amour de ce qui nous unit au-delà de ces engagements personnels et qui construit notre destinée commune, notre destin national.
Nous aurons bien-sûr aussi à assumer notre rôle de citoyens du monde. Personne ne s’y est trompé, attaquer Charlie hebdo c’était s’en prendre à la patrie de Voltaire, des Lumières, de la Liberté et des Droits de l’Homme. Ce qui s’est passé aujourd’hui montre que ces Français qu’on décrivait dépressifs, pessimistes, ont relevé le défi, sont debout et veulent faire vivre cette flamme républicaine qu’ils ont acquis en héritage comme un luxe mais aussi comme un impérieux devoir pour l’avenir.
C’est un peu tout cela que disaient les manifestants en criant « Vive la France ».
Chacun de nous doit y prendre sa part, et les responsables politiques doivent prendre la mesure de leur tâche historique. C’est notre feuille de route: après le temps de la défense de la République, vient l’impérieuse nécessité de construire un projet commun pour l’avenir de la France.