Energie Climat

Premiers débats sur le projet de loi énergie-climat au sénat – 16 juillet 2019

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Je suis intervenue en séance au Sénat le mardi 16 juillet 2019 en début de soirée pour pointer le manque de cohérence d’ensemble du projet de loi au regard des ambitions affichées, en résonance avec le manque de cohérence de la politique gouvernementale, et ses impasses dangereuses.

« L’ensemble de ce projet de loi est tout de même marqué du sceau du Vœux pieux, mais surtout il manque de cohérence d’ensemble.

Pour la neutralité carbone en 2050, qui coûtera cher, il faut faire des arbitrages cohérents et immédiats. Le Gouvernement renvoie les transports, l’industrie ou les logements à d’autres véhicules législatifs, alors que c’est le cœur du sujet ! Une industrie puissante doit être hyper performante en matière énergétique.

Ce qui manque aussi à ce texte est une stratégie de service public. L’État, c’est-à-dire la puissance publique dans sa diversité, doit donner le la. Les collectivités territoriales doivent accompagner la poursuite de l’intérêt général. Hélas, les tarifs réglementés sont démantelés, les capitaux des entreprises énergétiques ouverts au privé, les barrages hydroélectriques vendus.

Troisième lacune : le lien entre émissions de gaz à effet de serre et multiplication des échanges mondiaux. Traités de libre-échange inutiles et pollueurs… Or, vous allez nous demander de ratifier des traités de libre-échange qui ne s’imposent pas. Tous ces facteurs de pollution sont ainsi passés sous silence !« 

 

Je suis ensuite intervenue pour défendre l’amendement n°257 rectifié, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé : « …) À la première phrase, les mots : « 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 » sont remplacés par les mots : « 57 % entre 1990 et 2030 et de réduire l’empreinte carbone de la France de 57 % entre 1990 et 2030 ». »

« Le CNTE insiste sur l’empreinte carbone liée à la consommation de produits importés. En 2017, l’empreinte carbone de la France était 1,7 fois plus importante que les émissions territoriales. En effet, les émissions liées aux importations ont augmenté de 93 % entre 1995 et 2015 tandis que les émissions sur le territoire national baissaient de 18 %.
Fixer un objectif ambitieux de réduction de l’empreinte carbone est un moyen de lutter contre les délocalisations et la multiplication des échanges inégaux, injustes et polluants.« 

 

Le Rapporteur LR du texte et le gouvernement se sont opposés à cet amendement au prétexte que la mesure de l’empreinte carbone serait soumise à de nombreux aléas méthodologiques et ne pourrait donc se piloter. Voici ma réaction : « Valse des ministres, valse des promesses ! M. de Rugy était favorable au facteur 8 avant son entrée au Gouvernement, comme M. Hulot était hostile au CETA avant d’être nommé ministre. Nos concitoyens ne s’y retrouvent plus, car les déclarations lénifiantes s’enchaînent et ne sont jamais suivies d’effets : les ministres découvrent le réalisme en arrivant aux responsabilités et redeviennent écologistes en les quittant. Cessons de reporter les efforts aux calendes grecques ! Enfin, la question du libre-échange ne peut être éludée : en augmentant nos importations, on aggrave à la fois notre empreinte carbone et l’effet de serre : ce sera perdant-perdant ! Pendant des années, le Parlement européen a débattu du bilan carbone. Si un pays parvient à définir cette notion de façon rigoureuse, elle sera adoptée par ses voisins. Soyons pionniers !« 

 

En fin de soirée le groupe CRCE a engagé à l’occasion de la défense de son amendement 261 un débat sur le report modal. Avec Cécile Cukierman et Fabien Gay, sénateurs du groupe CRCE, nous avons donc fait face une des incohérences du texte, que je dénonçais dès le début des débats ; il renvoie à d’autres lois des dossiers qui auraient dû être traités conjointement dans le projet de loi énergie-climat. C’est le ligne d’un engagement écologique qui n’est que de façade.

Amendement n°261, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 25
Rétablir le 4° dans la rédaction suivante :
4° Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De disposer d’un réseau ferroviaire permettant le report modal de la route vers le rail ; »

Mme Cécile Cukierman. – Il est indispensable que l’État prenne ses responsabilités et organise le rééquilibrage modal dans le transport de marchandise pour favoriser les modes de transports les moins polluants et les moins émetteurs de gaz à effet de serre.
Je ne reviendrai pas sur la ligne Perpignan-Rungis. Nous apprenons à l’instant que Mme Borne, qui a démantelé le service public ferroviaire, remplacera M. de Rugy.
Le trafic routier représente 30 % des émissions et, selon l’OMS, l’ozone et les particules causent 45 000 décès par an en France dans les grandes villes, mais aussi dans certaines vallées montagnardes.
Il y a urgence à fixer dans les objectifs prioritaires la réduction de la part du transport routier.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. – Les enjeux énergétiques des transports pourront être abordés dans la PPE ou dans la LOM. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. – Cette proposition relève en effet plus de la LOM, qui inscrit pour la première fois dans la loi l’objectif de la neutralité carbone des transports en 2040.
Les trois quarts des investissements de l’État y seront ainsi consacrés. Retrait ?

Mme Cécile Cukierman. – Je veux bien être naïve, mais il y a des limites ! Désengorger les vallées alpines par le Lyon-Turin, renforcer le fret ferroviaire et fluvial nécessiteront de l’énergie. Il y a un lien évident entre ce texte, le réchauffement climatique, les problèmes énergétiques et les transports. Réfléchissons de manière globale !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Pour le moins ! La réduction des émissions de gaz à effet de serre passe en effet par les transports, comme par la rénovation des bâtiments, dont on parle depuis des années. Seulement, cela coûte une ruine ! Il y faudrait de l’argent public, de l’argent privé et de la planification. Pour le fret, ce serait plus facile de le faire. Il faut impérativement de l’investissement public pour lutter contre l’effet de serre.

M. Fabien Gay. – On touche là aux limites de ce projet de loi. On ne peut annoncer une grande loi sur le climat et l’énergie sans aborder les transports, le logement et l’industrie, surtout si les autres lois sectorielles n’abordent pas les questions énergétiques.
Le volume de marchandises échangées devrait être multiplié par trois dans les vingt prochaines années. Or depuis l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, sa part est passée de 16 % à 10 % ! Les investissements que vous annoncez, sur le terrain, personne ne les voit. Les lignes, les gares – il n’y en a pas de petites – ferment les unes après les autres, comme nous ne cessons de le constater. Vous avez même organisé la mort du Perpignan-Rungis en refusant d’investir. Depuis deux ans, vous ne menez pas une politique de développement du fret, telle est la réalité !

L’amendement n°261 n’a pas été adopté.

 

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