Innovation et réindustrialisation

Pour réindustrialiser, nous avons besoin d’innover ; pour innover, nous avons besoin de chercheurs !

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Jeudi 6 octobre 2022 après-midi, j’intervenais à la tribune du Sénat au nom du groupe CRCE dans le débat autour du Rapport intitulé « Transformer l’essai de l’innovation : un impératif pour réindustrialiser la France«  qui fait suite à l’excellent travail de la Mission d’information « Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l’erreur française ». Nous en approuvons la plupart des préconisations et il devient urgentissime que le gouvernement les reprenne à son compte après la désastreuse loi de programmation pour la recherche de Mme Vidal et les terribles conséquences de la politique du calamiteux M. Blanquer sur la formation de nos jeunes.

Je souhaite au préalable remercier notre collègue rapportrice et le président de notre mission qui ont fait un bon travail et réalisé un très bon rapport dont mon groupe approuve la plupart des conclusions.

Merci à nos collègues qui ont initié cette démarche et nous permettent ainsi de débattre et – je l’espère – d’œuvrer à un sursaut bien nécessaire de la politique d’innovation de notre pays.

Car, Monsieur le Ministre, j’espère que le gouvernement va se saisir de ce rapport et mettre en œuvre ses préconisations, tant l’enjeu est majeur et que des décisions urgentes s’impose.

Ce rapport complète celui examiné hier soir sur la souveraineté économique et l’indispensable réindustrialisation. Oui, relancer l’innovation est essentiel pour souveraineté de la France, pour la capacité de notre pays à maitriser son destin et son avenir. Force est de constater que d’énormes retards ont été accumulés et qu’inverser les tendances négatives, qui ont prévalus depuis près de 30 ans, exige un véritable sursaut collectif, une mobilisation générale et des interventions publiques bien supérieures à ce qu’elles sont actuellement, des interventions publiques mieux orientées aussi.

Développer l’innovation suppose un terreau fertile. Or ce terreau est terriblement appauvri. Ce terreau, c’est une appétence à la science, un haut niveau scientifique et technique de nos concitoyens et de notre jeunesse. Et là, comment ne pas être alarmé par la rapide détérioration ? Je suis persuadée qu’au-delà des effets sur notre compétitivité économique et industrielle, cela concourt à cette spirale dépressive qui mine notre pays et notre projet Républicain. Cela mériterait en soi un long débat.

Aussi je me tiendrai à quelques sujets majeurs.

Le niveau en mathématiques des jeunes français a chuté au point que nous sommes désormais dans les classements internationaux le dernier pays d’Europe et l’avant dernier de ceux de l’OCDE derrière le Chili. L’affaire n’est pas nouvelle, le rapport Villani-Torossian le disait et les dispositions prises en 2018 ne suffisent pas à redresser la barre. Sans compter que la réforme du lycée engagée par le désastreux M. Blanquer aboutissait à ce qu’a peine plus de 58% des élèves étudiaient encore les Maths en terminale et seulement 14% en Maths experts, véritable filière scientifique. Un désastre ! Si 1h30 a été ajoutée cette année, nous n’avons aucune visibilité pour l’avenir. Il faut un plan complet, rapidement opérationnel pour retrouver un haut niveau de formation en mathématiques. C’est urgentissime.

Plus largement la situation de l’enseignement supérieur en France est, elle aussi, alarmante. J’approuve la demande d’une loi de programmation pluriannuelle pour l’enseignement supérieur. À condition, mais je sais que ce n’est pas l’intention de nos collègues, que ce ne soit pas une tartufferie comme l’est celle adoptée sous le précèdent gouvernement sur la Recherche.

Au cours du débat qui a eu lieu lors de l’examen de cette loi, dans cet hémicycle, nous étions nombreux à la juger notoirement insuffisante dans ses montants puisqu’elle ne permet ni d’atteindre les 3% de PIB pour l’ensemble des dépenses de recherche ni les 1% de dépenses pour la recherche publique, même à l’horizon de 10 ans. Nous sommes actuellement tout juste dans la moyenne de l’Union Européenne, bien loin derrière l’Allemagne, par exemple. Or c’est un point majeur pour la compétitivité de la France, sans doute bien plus important que l’obsédant discours de votre gouvernement sur la baisse des « coûts du travail ». Le rapport relatif à la mise en œuvre de cette loi, par nos collègues Laure Darcos et Stéphane Piednoir, montre que L’Etat ne la respecte pas : la trajectoire d’emplois est nettement inférieure à ce qui était annoncé, seuls 376 emploi à temps plein ont été créés contre les 700 prévus.

Il faut insister également sur la situation inacceptable des doctorants. La FAGE vient de publier une étude montrant qu’un quart des doctorants indique ne pas parvenir à subvenir à ses besoins. Cette situation explique pour une part part la perte de 10 000 doctorants en France en 10 ans .

Comment tolérer qu’aujourd’hui des doctorants qui enseignent soient payés moins que le SMIC ?!?

J’ai plaidé au sein de notre mission pour une révision de la loi de programmation de recherche, et – cette fois-ci réellement en confiance avec les chercheurs eux-mêmes. Et je le maintiens ! Mais, en tout état de cause, j’insiste sur l’urgence de la revalorisation des rémunérations de tous doctorants afin qu’elles ne puissent être inférieures au SMIC et qu’elles prennent en compte leur niveau de qualification. Il faut que chaque docteur ait accès à un contrat doctoral financé : si notre pays ne met pas en place sans tarder une revalorisation structurelle du doctorat, les fuites de nos meilleurs éléments à l’étranger se poursuivront.

Toutes les auditions que nous avons réalisées ont démontré que, sans un soutien et une qualité de la recherche fondamentale en France, le niveau de notre innovation ne s’améliorera pas. Et nombreux sont ceux qui nous ont décrit par le menu l’énergie perdue à remplir des dossiers pour des appels à projet alors même que le financement permanent des laboratoires et établissement de recherche s’étiolait.

La précarité se poursuit dans notre système de recherche et cela contribue a sa perte d’attractivité.

Alors j’ai parlé du terreau qu’il faut vivifier et consolider. Il y a bien sûr les propositions du rapport sur les actions à entreprendre pour améliorer plus directement les interventions en faveur de l’innovation.

Nous approuvons totalement l’exigence de faire de la commande publique un levier essentiel de croissance pour les entreprises industrielles innovantes et je retiendrai en particulier l’idée de tripler le plafond de l’achat innovant à 300 000 euros.

Nous soutenons la nécessaire réorientation des aides fiscales en direction de l’innovation des PME… c’est un maillon faible de l’action publique alors qu’elle constitue un vivier fécond, qui plus est réparti sur l’ensemble du territoire. Nous soutenons la proposition de plafonner à 100 millions d’euros de dépenses de recherche pour bénéficier du crédit d’impôts recherche, ainsi que de la calculer au niveau de la holding de tête. Les crédits ainsi dégagés permettraient de mieux financer les recherches dans les PME. Notre groupe a toujours demandé une refonde du Crédit Impôt Recherche : cette proposition nous paraît une étape indispensable qui devrait permettre un large accord et nous le souhaitons un vote dès le Projet de Loi de Finances pour 2023.

Nous sommes d’accord sur la demande expresse de voir élaborée une loi de programmation pluriannuelle de l’innovation, avec en particulier l’idée de conditionner le soutien financier aux star-up à des obligations en matière d’implantation industrielle en particulier en cas de rachat par une société étrangère.

Je conclue enfin en rappelant que la plupart des préconisations du rapport ont le soutien du groupe CRCE.

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