Intelligence économique

Anticiper, adapter, influencer : l’intelligence économique comme outil de reconquête de notre souveraineté

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La France ne doit plus être naïve.

Nous vivons à l’échelle mondiale une véritable guerre économique. Les attitudes prédatrices et hégémonistes de pays comme les USA ou la Chine, et de leurs entreprises, apparaissent de plus en plus clairement. Mais même au sein de l’Union européenne, la compétition est rude et bien des Etats mettent en place de véritables stratégies offensives en direction des autres membres. Or si nous sommes alliés, nous devons enfin prendre conscience que nous sommes aussi concurrents.

L’intelligence économique est à la fois un outil de veille face aux risques, aux menaces, un outil d’analyse et d’échanges d’informations pour y faire face, un outil d’influence pour valoriser notre pays, ses compétences et son tissu économique.

Sensibilisée depuis de nombreuses années à ces sujets, alertée par les acteurs économiques et les syndicats sur l’urgence croissante d’une réaction, j’avais déposé dès le 25 mars 2021 (avec le soutien du groupe CRCE) une proposition de loi visant à la création d’un programme national d’intelligence économique. C’est à la suite de ce premier travail parlementaire que la Commission des affaires économiques du Sénat a décidé d’une Mission d’information dont j’étais la rapportrice avec Jean-Baptiste Lemoyne (RDPI), avec le soutien affirmé de Franck Montaugé (PS) et Serge Babary (LR), qui vient de remettre son rapport qui propose une accélération dans la stratégie d’intelligence économique de la France. Ce rapport a été adopté ce matin à l’unanimité par la Commission des affaires économiques du Sénat.

L’actualité récente témoigne encore de l’urgence d’agir, alors que nous avons été marqués par des affaires lourdes dans le passé : la vente des turbines d’Alstom à l’Américain General Electric ; la vente de Technip, leader mondial d’ingénierie pétrolière et sous-marine à un autre groupe américain ; le projet de cession des Chantiers de l’Atlantique à l’Italien Fincantieri associé à un conglomérat public chinois… Manifestement notre pays n’a pas su anticiper et parfois réagir à temps. Des spécialistes de l’Intelligence économique soulignent également que dans l’affaire de l’annulation de la vente de sous-marins à l’Australie, des « signaux faibles » n’ont pas été clairement perçus.

On voit l’importance de la veille stratégique mais aussi informationnelle de la capacité à anticiper.

Si, aujourd’hui, il existe au sein du ministère de l’économie et des finances une organisation autour de la sécurité économique des secteurs hyper-stratégiques, elle reste essentiellement défensive, et elle ne prend malheureusement pas en compte la globalité de l’enjeu Intelligence économique, tant dans son volet offensif que défensif. C’est la raison pour laquelle notre première recommandation vise à concevoir une stratégie nationale d’intelligence économique (SNIE) intégrant les volets défensif et offensif de l’intelligence économique au sein d’un document validé au niveau interministériel. Le pilotage de cette SNIE serait confié à un Secrétariat général à l’intelligence économique (SGIE), structure interministérielle rattachée directement au Premier ministre. 

Ce rapport est une première étape, il est nécessaire d’inscrire désormais dans la loi cette nouvelle stratégie et sa gouvernance. C’est pourquoi nous déposerons en septembre avec mes collègues une nouvelle proposition transpartisane de loi afin de concrétiser nos travaux.

Le rapport est consultable sur le site du Sénat et vous le retrouverez ci-dessous, ainsi que les 14 autres recommandations du Rapport.

Recommandation n° 2 : proroger au-delà du 31 décembre 2023, voire pérenniser, l’abaissement de 25 % à 10 % du seuil des droits de vote déclenchant le contrôle des investissements réalisés par des investisseurs tiers à l’Union européenne au sein de sociétés cotées.

Recommandation n° 3 : assurer le suivi dans le temps des engagements des investisseurs dont l’autorisation d’investissement est assortie de conditions en confiant cette mission à la direction générale du Trésor.

Recommandation n° 4 : instaurer un débat annuel sur l’intelligence économique au Parlement qui prendra en compte la publication du rapport annuel de la direction générale du Trésor sur le contrôle des investissements étrangers en France (IEF) et le respect des engagements des investisseurs.

Recommandation n° 5 : inciter chaque organisme de recherche à se doter d’un schéma directeur pour l’intelligence économique – à l’instar de ce qui a été mis en place au sein du CEA – à l’aide d’un référentiel commun aux organismes de recherche sur les risques de captation des informations scientifiques et technologiques. Les inciter également à nommer un référent pour l’intelligence économique.

Recommandation n° 6 : définir au sein de la SNIE la stratégie française de normalisation et les sujets prioritaires pour la France.

Recommandation n° 7 : dans le cadre de la réforme annoncée du CIR, intégrer dans l’assiette les dépenses des TPE-PME liées à l’adaptation à la normalisation et augmenter le plafond de la prise en charge actuelle des dépenses de participation aux réunions de normalisation.

Recommandation n° 8 : donner pour mission aux services de renseignement d’établir un rapport annuel national déclassifié cartographiant les menaces pesant sur la France, sur le modèle du rapport ATA aux États-Unis dédié à l’évaluation annuelle des menaces. Ce rapport inclurait, en lien avec le Haut-commissariat au Plan et France Stratégie, des informations sur les menaces économiques, technologiques et scientifiques ainsi que sur l’impact des normes et des législations extraterritoriales.

Recommandation n° 9 : renforcer le cadre déontologique applicable aux mobilités vers le secteur privé des fonctionnaires et des contractuels ayant occupé des postes dans des domaines souverains, dans des services de renseignement ou faisant partie des domaines stratégiques en matière d’intelligence économique tels que définis par la SNIE, en restreignant fortement leur mobilité vers des entreprises contrôlées par des puissances étrangères voire vers les États étrangers eux-mêmes.

Recommandation n° 10 : Donner une mission de pilotage de la stratégie nationale d’intelligence économique à un Secrétariat général à l’intelligence économique (SGIE) dont la pérennité serait garantie par son inscription au sein de la loi. Ce SGIE devrait présenter les caractéristiques suivantes :

• être doté d’une équipe pluridisciplinaire dédiée ;

• être dirigé par un Secrétaire général qui soit également Conseiller du Premier ministre sur les questions d’intelligence économique, sur le modèle du Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) ;

• disposer d’un adjoint au SGIE qui soit le chef du service de l’information stratégique et de la sécurité économique (SISSE) afin d’assurer une bonne coordination avec la politique de sécurité économique pilotée par les ministères économiques et financiers (MEF) ;

• disposer de relais au sein de chaque ministère avec des correspondants ministériels à l’intelligence économique et à la normalisation.

Recommandation n° 11 : former des correspondants « intelligence économique » au niveau des compagnies de gendarmerie (arrondissements) pour démultiplier les capteurs et les habiliter à conduire des visites de sensibilisation afin de toucher les PME-TPE au plus près des territoires.

Recommandation n° 12 : constituer un réseau de sous-préfets référents à l’intelligence économique désignés par les préfets de département et de référents à l’intelligence économique au sein de chaque administration déconcentrée de l’État chargée d’une mission économique ou financière.

Recommandation n° 13 : afin de renforcer la coopération État-régions au service de la SNIE, systématiser la création dans chaque région d’un comité régional à l’intelligence économique (CRIE) qui assurerait le pilotage de la déclinaison territoriale de la politique publique d’intelligence économique (PPIE) et rassemblerait les représentants des services de l’État, des collectivités, des opérateurs économiques, de la recherche et des entreprises. Ce CRIE pourrait avoir deux formations :

• une formation « plénière », qui serait coprésidée par les préfets de région et les présidents de conseils régionaux. Elle serait réunie au moins une fois par an et accueillerait tous les acteurs de l’intelligence économique ;

• une formation « restreinte », dédiée à la sécurité économique, qui associerait le conseil régional et se réunirait plus fréquemment sur des sujets opérationnels, notamment les menaces pesant sur les entreprises du territoire.

Recommandation n° 14 : introduire un volet « intelligence économique » dans tous les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII).

Recommandation n° 15 : introduire systématiquement dans les nouveaux contrats d’objectifs et de performance entre l’État et CCI France un volet « intelligence économique » accompagné des moyens adéquats afin d’en faire une priorité du réseau des CCI.

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