Public Sénat 22 avril L’aile gauche du PS « ouvre sa gueule » contre l’austérité

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Lienemann manifeste - AFP

© AFP
L’exécutif s’accroche au « sérieux budgétaire », mais l’aile gauche du parti veut du changement. Le courant « Maintenant la gauche » publie ce lundi un manifeste pour un « plan de relance écologique et social ». Ils demandent à François Hollande de changer radicalement de politique économique.

« Nous sommes à la fin d’un cycle. Comme dans les années 30, nous allons droit dans le mur. Il faut avoir le courage d’emprunter une voix nouvelle ». Sénatrice PS, Marie-Noëlle Lienemann propose de changer radicalement de politique. Incarnant l’aile gauche du parti, elle souhaite sortir de « la spirale austérité-récession qui s’installe partout en Europe ». Et tordre le cou au « poison mortel de la démocratie : ceux qui disent qu’il n’y a pas d’autre politique possible ».

« Mettre en œuvre un plan de relance écologique et social pour la France et l’Europe », c’est l’intitulé d’un manifeste, publié lundi et signé par Emmanuel Maurel (vice-président de la région Ile-de-France), Jérôme Guedj (président du conseil général de l’Essonne), Marie-Noëlle Lienemann et les économistes Daniel Vasseur et David Cayla – tous membres du courant « Maintenant la gauche ». Ils demandent à François Hollande d’opérer le « tournant de la relance ». Une relance par la consommation, mobilisant 43 milliards d’euros en deux ans (dont 28 milliards de fonds publics), pour « s’affranchir d’une certaine orthodoxie libérale et budgétariste ».

« Nous ne sommes pas isolés »

Leur plan repose sur trois piliers : « la relance de la consommation populaire : des mesures immédiates pour une reprise à court terme », « la relance par des investissements publics (grands projets pour la réindustrialisation et un redressement à moyen terme) et une « réforme fiscale fondatrice garante d’une croissance à long terme ». Elément fort : le premier pilier passerait notamment par une amélioration « temporaire de l’indemnisation du chômage et du chômage partiel dans les entreprises ». Leur plaidoyer sera-t-il entendu ? Peu probable, au moment où François Hollande et Jean-Marc Ayrault répètent à l’envi qu’il n’y a « qu’une seule ligne politique ». Celle du « sérieux budgétaire », de la réduction des déficits et de la dette publics.

« Nous ne sommes pas isolés », rétorque Marie-Noëlle Lienemann, qui cite la politique de dévaluation monétaire mise en place au Japon, les plans de relance par l’investissement mis en œuvre par Barack Obama, ou encore les Pays-Bas qui ont récemment repoussé l’objectif des 3% de déficit. « Au sein du PS et du gouvernement aussi, ce débat existe, poursuit-elle. Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Cécile Duflot et même Stéphane Le Foll – à moindre échelle -, plaident pour une relance par la consommation et l’investissement ». Jérôme Guedj acquiesce : « le débat est présent dans la sphère publique et reprend des choses que nous disons depuis plusieurs mois. Nous avons vraiment besoin d’un changement de braquet ».

« Montrer que le 6 mai n’était pas un malentendu »

Emmanuel Maurel veut « assumer une forme de rapport de force » en faveur de « la base sociale pour laquelle on se bat ». « Pendant la campagne électorale, François Hollande se voulait pragmatique et disait : « Je ne veux pas trop faire rêver les Français, car je devrai ensuite les décevoir ». Aujourd’hui, c’est par réalisme qu’il faut opérer ce tournant, car la politique d’austérité ne produit pas les effets escomptés. C’est une formidable occasion de montrer que l’élection du 6 mai dernier n’était pas un malentendu ».

Précis, concret et chiffré, leur plan est ardemment défendu par l’économiste Daniel Vasseur, par ailleurs fonctionnaire de la Cour des comptes et « rétribué par l’Etat pour faire le plus d’économies possible ». Pour lui, « le problème créé en partie sa solution : la dette n’a jamais été aussi élevée, et c’est aussi pour cela que les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas. C’est donc moins un risque qu’une opportunité à saisir. La France est la seule à pouvoir entraîner un changement en Europe : ceux qui peuvent ne veulent pas, et ceux qui veulent ne peuvent pas. La France, puissance économique et politique de premier rang, peut mener le chemin ».

« Ouvrir notre gueule »

François Hollande peut-il envisager de changer de « cap » ? « Je pense qu’il peut être un Roosevelt français, lance sans ciller Marie-Noëlle Lienemann, en référence au New Deal américain des années 30. Il est le maître des horloges, du temps. C’est lui qui tranche, mais nous souhaitons l’aider. On est suffisamment loin de la fin du quinquennat pour changer de politique ». Emanuel Maurel concède qu’il est « peu probable qu’il annonce qu’il est convaincu par notre plan » mais souhaite « qu’il se fasse le porte-parole de tous ceux qui contestent les politiques d’austérité ». « Je pense qu’il faut un sursaut économique et social. On vient de traverser un épisode difficile d’un point de vue démocratique et même moral, et l’heure est au sursaut ».

Conscients de l’ampleur de la tâche, ils souhaitent « faire vivre le débat » et « jouer pleinement [leur] rôle d’aile gauche du PS ». « Si nous n’obtenons pas satisfaction, cela ne changera en rien notre détermination à rester socialistes, affirme Marie-Noëlle Lienemann. On ne désespère pas de se faire entendre », lâche-t-elle. Emmanuel Maurel conclut : « On entend souvent qu’un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. Je crois que notre rôle, c’est précisément d’ouvrir notre gueule ».

Etienne Baldit
Le 22.04.2013 à 18:36

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