La loi Macron : de l’économie de marché à la société de marché – 7 bonnes raisons pour exiger son retrait ou voter contre

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Manuel Valls a présenté mercredi 11 décembre à l'issue du Conseil des ministres à l'Elysée le projet de loi pour la Croissance et l'Activité porté par le ministre de l'Economie,1. La loi Macron est économiquement inutile voire contreproductive. 2. La loi Macron est socialement destructrice. 
3. La loi Macron : Privatiser, déréguler. Une vision anglo-saxonne de la société qui s’oppose à notre modèle républicain.
 4. La loi Macron : l’économie et la finance sont rois.  De l’économie de marché à la société de marché !
5. La loi Macron : un déni de démocratie.
6. La loi Macron : une loi dogmatique, idéologique d’alignement sur l’Europe libérale.
7. Une autre voie  « pour la croissance et l’activité »

1- La loi Macron est économiquement inutile voire contre-productive. Qui peut croire que la dérégulation des professions juridiques, la création de lignes de cars «  longue distance »,  ou le travail du dimanche, vont relancer la croissance et l’activité en France ? Partout où ces «  remèdes »  ont été mis en œuvre,  la situation n’a fait que se dégrader. Les créations d’emplois annoncées (comme trop souvent) ne sont que de la poudre aux yeux, car la plupart du temps, les éventuelles créations d’un côté ont pour corollaire la suppression de l’autre. D’ailleurs, le conseil d’Etat pointe le manque de sérieux de l’étude d’impact, ce qui, hélas, n’est pas de nature à invalider la loi. Pour autant, cela montre qu’on ne saurait se fier aux promesses mirobolantes  quant aux conséquences de cette loi fort mal nommée « pour la croissance et l’activité » (C’est devenu un art consommé de désormais donner  aux textes  un titre contraire à ces effets réels ; et d’aucun s’étonne du discrédit des politiques !).

Il faut ajouter à cela, que la privatisation des aéroports et de certaines industries vont vite apparaître comme une gabegie comparable à celle des autoroutes.

2- La loi Macron est socialement destructrice. Elle remet en cause le droit du travail  sur des points cruciaux comme le travail du dimanche, le travail de nuit, les conditions de licenciements. Mais aussi le fonctionnement des prud’hommes ou de l’inspection du travail. Elle constitue  une nouvelle étape  qui fragilise les salariés. A chaque fois, à la demande du patronat (MEDEF), les gouvernements parlent d’assouplissements des protections, pour au final précariser de façon redoutable l’emploi et contenir les salaires.

Tout cela, nous dit-on, pour le bien des salariés  et pour la création d’emplois qu’on ne voit  jamais venir. Sans compter que désormais 80% des embauches se font en CDD et que le travail à temps partiel explose en même temps que le nombre de travailleurs pauvres et les dividendes des grandes entreprises.

Le rapport établi par la ville de Paris sur le travail du dimanche  est particulièrement éloquent et contredit la thèse des créations d’emplois promis. Par ailleurs, il refuse  la création de « zones touristiques internationales » ouvertes le dimanche et jusqu’à minuit et demande que dans les zones touristiques actuelles, « tous les salariés aient les mêmes droits quelle que soit la taille de la société qui les emploie ». Ce qui n’est pas le cas actuellement.

Le projet de loi remet en cause l’examen par l’administration des licenciements économiques de moins de 10 salariés dans les entreprises de plus de 50, ce qui peut entraîner des vagues de petits licenciements collectifs successifs pour éviter l’intervention de l’administration du travail. De même en cas de plan social, les obligations de reclassement qui pèsent sur l’entreprise seraient regardées au niveau des moyens de l’entreprise et plus du groupe auquel l’entreprise appartient.

3- La loi Macron : Privatiser, déréguler. Une vision anglo-saxonne de la société qui s’oppose à notre modèle républicain. 

 Les privatisations des aéroports et des industries de l’armement (GIAT) sont non seulement des choix coûteux à long terme pour le pays, mais mettent aussi en cause la souveraineté nationale et l’esprit de service public. Au-delà, le gouvernement prévoit de vendre du capital public pour 5 à 10 Milliards. C’est quand même un comble qu’au motif d’obtenir des recettes budgétaires à court terme, soient vendus des secteurs stratégiques (gestion d’infrastructures ou enjeux industriels) alors même que des sommes bien supérieures sont versées à certaines entreprises avec le CICE et le pacte de responsabilité alors qu’elles n’en ont pas besoin. De plus ces actions rapportent d’importants dividendes qui s’accumulent dans la durée. On sacrifie ainsi des recettes à venir sur l’autel de la réduction immédiate des déficits (alors même qu’on emprunte quasiment pour rien).

De la même façon, la libéralisation des lignes d’autocar sur de longs trajets concurrence directement la SNCF et singulièrement les trains d’équilibre territorial (TET). Une drôle de méthode pour combattre le réchauffement climatique. Et la voie ouverte vers des transports publics à plusieurs vitesses : le car pour les pauvres, le TGV ou la voiture  pour les autres. Il vaudrait mieux  que l’Etat accompagne la SNCF pour assurer une tarification sociale adaptée aux ressources des français. Il eut mieux valu qu’il n’augmente pas le coût des transports publics  en appliquant une hausse de la TVA qui passe à 10%.

On peut s’inquiéter devant les déclarations du président de l’autorité ferroviaire : «  L’autocar va s’attaquer à une population qui ne prenait pas le train parce que ce dernier est peu pratique, trop cher, ou moins confortable. Si l’État ne modernise pas les TET cela risque d’être assez mortifère pour le train. » il ajoute « l’État, qui est le financeur, va-t-il moderniser les TET pour les adapter aux besoins des voyageurs, ou, comme cette activité est déficitaire et répond mal aux besoins des passagers en termes de confort, de halte et de fréquences, va-t-il en réduire le nombre de manière considérable, ce qui n’est pas non plus la bonne réponse ? »

La dérégulation des professions réglementées et la possibilité à des cabinets juridiques d’être détenus par des fonds financiers  internationaux fait progressivement basculer vers un système anglo-saxon avec des lourdes conséquences pour les usagers et citoyens en termes d’indépendance des acteurs du droit, de fiabilité des actes, de garanties pour le consommateur et d’inégalités accrues.

Il faut mieux réglementer, mieux réguler les professions de notaires, d’huissiers, de commissaires- priseurs (révision des barèmes, tarifs, accroître le nombre d’offices où cela est nécessaire) et non laisser la concurrence  déstabiliser ce qui est un pilier de notre société, à savoir l’exercice du droit. Chacun sait que la garde des sceaux a eu de vifs désaccords avec Emmanuel macron et a perdu tous les arbitrages (c’est désormais l’autorité de la concurrence qui gérera les professions réglementées et plus la chancellerie) et qui pourtant exprimait clairement ce qu’on devrait défendre : «  Je n’ai plus à énoncer ma conviction que le droit n’est pas une marchandise, que ces professions exercent des missions déléguées par la puissance publique, qu’à ce titre elles doivent être encadrées ».

4- La loi Macron : l’économie et la finance sont rois.  De l’économie de marché à la société de marché !

On savait Bercy puissant, le voilà omnipotent. C’est  le ministre de l’économie qui désormais fait des lois qui devraient être réalisées soit par le ministère de la justice et la garde des sceaux, soit par le ministère du travail, voire même par le ministère des transports. Cette loi fourre-tout  consacre la domination de l’administration de l’économie et des finances sur toutes les autres.  On pourrait pourtant donner  de nombreux exemples où les œillères de Bercy, le refus d’entendre les acteurs qui mettent en œuvre les politiques publiques ont coûté cher à la Nation. De surcroît, lorsque l’on connait le va et vient permanent de ceux qui concoctent ces lois avec le monde bancaire, financier et privé, on peut s’interroger sur leur sens de l’intérêt général.

Mais il s’agit aussi d’un choix de société, lourd de sens. Ce que l’Etat et le gouvernement placent aujourd’hui au-dessus tout est l’économie, l’homo-economicus, d’ailleurs réduit au consommateur  solvable. Le pseudo « moins cher tout de suite » prend le pas sur tout le reste et le long terme. Nulle  prise en compte du citoyen dont les droits, les devoirs, l’action s’inscrivent dans un cadre de solidarité et d’intérêt général, d’intérêt national.

Le consommateur prime sur le travailleur, dont on détricote les droits, déstabilise les conditions de vie et familiales, au motif qu’il doit déjà être satisfait d’avoir un emploi et éventuellement quelques compensations salariales  horaires pour compenser des salaires insuffisants et des temps partiel subis.  On retrouve le travailler plus pour gagner plus et la baisse des couts du travail pour accompagner le tout concurrence. Et d’aucuns se plaindront de l’individualisme galopant, de la perte du lien social et du rejet de l’autre devenu un concurrent.

Evidemment tout cela n’a pas commencé avec la loi Macron mais elle ouvre une étape supplémentaire vers  ce basculement de société, alors qu’il faudrait tracer un autre chemin.

5- La loi Macron : un déni de démocratie.  

Déni de la démocratie parlementaire

La gauche a toujours contesté le gouvernement par ordonnance qui court-circuite le parlement, permet à l’exécutif de légiférer  sans l’intervention du peuple. Or là, on atteint des sommets.  Ce ne sont pas moins de 19 ordonnances qui sont prévues et non des moindres.  En général, l’argument donné pour le recours aux ordonnances est l’urgence de la situation. Peut-on nous dire quelle est l’urgence de déréguler les professions de notaires, de commissaires-priseurs et autres mesures de cette loi ?

D’ailleurs, on annonce que ces ordonnances seraient publiées très vite, ce qui tend à dire qu’elles sont quasiment prêtes. Alors pourquoi ne pas les inclure dans la loi et soumettre ces dispositions au Parlement ? La réponse est en fait évidente, parce que le Parlement ne les approuverait pas. Ainsi le gouvernement qui n’a pas pu faire voter au parlement la réforme du droit de l’inspection du travail (pourtant examinée) va la faire passer par ordonnances.

Déni de démocratie sociale

Non seulement cette loi s’assoit sur la démocratie parlementaire mais aussi sur la démocratie sociale, que le gouvernement vante quand ça l’arrange et qu’il foule au pied quand les organisations  syndicales résistent.  Pourquoi prendre des mesures refusées par l’ensemble des organisations syndicales et même s’agissant du travail dominical de l’UPA et de la CGPME ?

Déni de la démocratie territoriale

Là aussi à géométrie variable. On donne aux maires l’opportunité de choisir les dates d’ouverture du dimanche sauf dans les nouvelles «  zones touristiques internationales » qui seront décidées par décret ministériel et non sur proposition du maire comme les zones touristiques actuelles. En clair est visée au premier chef la Maire de Paris qui après une analyse fouillée et des concertations approfondies  a confirmé son opposition à l’élargissement des secteurs de travail le dimanche, en particulier pour les grands magasins. M Macron croit mieux savoir qu’Anne Hidalgo ce qui est bon pour le rayonnement touristique de Paris, alors même que la capitale est l’une des premières destinations de voyages au monde, que les touristes- même chinois- y séjournent au moins 4 à 6 Jours et que les tours opérateurs expliquent volontiers qu’ils organisent les visites de musées ou autres activités le dimanche et planifient les autres jours la découverte des grands magasins et boutiques. Heureusement Paris n’est pas qu’un grand hyper marché du luxe !  D’ailleurs le rapport, très fouillé et loin du dogmatisme de M Macron, propose  des « évolutions limitées » et une « extension modérée » de certaines zones touristiques actuelles  « sous réserve d’études d’impact » et d’« un fort consensus local », comme c’est le cas pour les gares.

6- La loi Macron : Une loi dogmatique, idéologique d’alignement sur l’Europe libérale.

Parce que les peuples rechignent à basculer dans la vision ultra libérale de l’Europe actuelle, parce que rien dans les traités n’obligent à privatiser et à vendre les biens nationaux,  parce que pour les instances européennes, le seul modèle qui vaille est la concurrence généralisée, le privé, la compétitivité par la baisse du « coût » du travail, la protection sociale assurantielle, l’Etat minimal, régalien et éventuellement pompier, les services publics confinés dans l’accompagnement des plus démunis,  les dirigeants actuels de l’UE et la commission européenne, pour imposer leurs point de vue, prennent en otage les pays qui n’atteignent pas les critères de déficits publics, en exigeant d’eux les « réformes  structurelles », sous peine de se voir appliquer des sanctions.

Faute d’avoir renégocié le TSCG, d’avoir créé un rapport de force contre les politiques d’austérité et en faveur d’une stratégie de croissance,  d’avoir annoncé son refus de suivre la feuille de route de réduction des déficits –  d’autant plus que se profile la déflation- François Hollande et le gouvernement prennent un air penaud et contrit de mauvais élève de l’Europe libérale alors que notre pays est contributeur net de l’Union, que nous devrions réfuter  la politique actuelle qui amène  au pire et proposer une autre feuille de route. En lieu et place de cette  stratégie, pour faire taire (combien de temps ?) les critiques bruxelloises, le gouvernement met en œuvre le programme que la fameuse Troïka a imposé aux pays comme la Grèce et le Portugal  et les prétendues réformes structurelles. Tout cela ne marche pas, mais est répété à l’envie qu’il n’y aurait pas d’autres politiques.

On pensait avoir élu François Hollande pour réorienter l’Europe.

Voter contre la loi Macron, c’est refuser cette allégeance et envoyer un message clair : nous refusons de poursuivre dans cette direction dangereuse et  demandons que soit définie une  réelle stratégie de sortie de crise, par le haut.

7- Une autre voie « pour la croissance et l’activité ».

Nous ne cessons de proposer un plan de relance fondé à la fois sur le soutien au pouvoir d’achat, par la hausse des bas salaires, des revenus moyens et modestes, par un plan ambitieux d’investissements  et une action renforcée de la BPI (c’est d’autant plus pertinent que les taux d’intérêt sont historiquement faible), une réforme fiscale conforme à nos engagements et une action déterminée contre l’évasion fiscale, un ciblage et une conditionnalité rigoureuse des aides publiques pour l’industrie, la modernisation de nos outils de production, l’emploi…

Au moment où l’Euro, les prix du pétrole, les taux d’intérêt baissent, il est essentiel  de relancer la croissance intérieure, d’accélérer l’investissement d’avenir, de regagner de la souveraineté économique, d’exporter et de relocaliser en modernisant, bref de redresser le pays dans la justice. L’un n’ira pas sans l’autre.

La loi Macron tourne le dos à ces objectifs, il faut exiger son retrait et sinon voter contre.

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