Gauche : " l'unité est un combat "

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Lemondefr_grd Je vous invite à lire et à commenter cette tribune parue dans le quotidien Le Monde que j’ai co-signée avec Paul Quilès.

Seule une dynamique de dépassement de chaque parti permettra d’enrayer la spirale de l’échec

La gauche n’est jamais arrivée au pouvoir que rassemblée. En 1936 avec le Front populaire, en 1981 avec l’union de la gauche, ou même avec la gauche plurielle en 1997, ce rassemblement a toujours été le fruit d’une confrontation au sein de la gauche : " L’union est un combat ! ", lançait Etienne Fajon dans les années 1970. Et c’est bien la rédaction d’un programme commun de gouvernement qui a alors permis l’union de la gauche : il était impossible à l’époque d’envisager l’unité en surmontant les divergences idéologiques.

Aujourd’hui, la situation est différente, car le monde a bougé :
chute du mur de Berlin, mondialisation accélérée, société française de
plus en plus éclatée, éparpillement de la gauche qui n’est plus
structurée par deux grands partis… Le succès de la gauche lors de
l’élection présidentielle de 2012, sa capacité à défendre ses idéaux et
à transformer la société ne peuvent être espérés que si ces éléments
sont pris en compte dans la définition d’une nouvelle stratégie.

Naturellement, celle-ci n’a rien à voir avec les opérations qui
confondent rénovation et renoncement et qui croient trouver au " centre
" la modernité qui manquerait aux idées de gauche. Ce genre de dérive a
toujours conduit dans l’impasse et parfois aux pires compromissions. La
nouvelle stratégie ne peut pas non plus se réduire à des alliances
électorales circonstancielles.

On voit bien qu’il faut aujourd’hui aller au-delà de l’union et
fixer un nouveau cap stratégique, celui de l’unité. Cette perspective
est la seule qui permettra à la gauche de l’emporter, mais aussi de
changer profondément la société française. L’unité de la gauche est la
clé de son renouveau, à condition de redéfinir un cadre idéologique et,
en tout cas, un corpus de valeurs et un projet politique et culturel
commun. L’exigence d’unité doit aller de pair avec l’affirmation sans
complexe de l’identité contemporaine de la gauche, qui ne peut se
réduire à quelques généralités creuses.

Elle suppose une vision critique du modèle capitaliste financier
transnational dominant, la promotion d’une société laïque,
émancipatrice pour chaque homme et chaque femme, le combat pour la
liberté, l’égalité et la fraternité sur tous les champs de la vie
sociale, l’affirmation d’un internationalisme solidaire et respectueux
de la planète, alternatif à la mondialisation néolibérale. Il s’agit de
redonner de la vigueur et de la crédibilité à l’idée d’alternative
politique, mise à mal par la répétition de thèses – contestables – sur
la droitisation de la société française, sur la nécessité d’accepter
sans nuance le capitalisme sous prétexte de modernisme, ou sur le
dépassement du clivage droite-gauche.

L’ambition de la gauche doit être aussi d’assumer le pouvoir et de
transformer la société par l’action gouvernementale. L’affirmation du
réformisme, qui s’appuie sur le primat de la démocratie, ne doit en
rien empêcher une perspective plus vaste et plus radicale, car le
combat de la gauche ne se limite pas à la gestion des affaires
publiques. L’unité doit permettre de faire la synthèse du militantisme
et de l’engagement à gauche, de la culture réformiste et de la culture
contestatrice. C’est ce que Jaurès appelait " l’évolution
révolutionnaire ".

Dans la Ve République et encore plus depuis l’instauration du
quinquennat, l’élection présidentielle est l’événement directeur de la
vie politique en France. Compte tenu du rapport de forces à gauche,
c’est le candidat ou la candidate du PS qui apparaît comme le ou la
seul(e) capable d’être élu(e) et qui fixe donc l’axe central des
propositions de la gauche.

Or si des forces nombreuses – qui plus est divisées – subsistent sur
la gauche de ce parti, la désignation, les choix internes, les
arbitrages stratégiques ne peuvent traduire correctement les attentes
du peuple de gauche. Une fois ceux-ci établis, la " gauche non
socialiste " a peu de prise pour les modifier et peser ! Ce même
mécanisme existe lorsque la gauche gouverne.

L’unité doit permettre un rééquilibrage à gauche. Seule cette
dynamique de dépassement de chaque structure permettra de stopper la
spirale d’atomisation qui n’a pu être conjurée en dépit de l’échec de
2002. Elle devra assurer aussi une véritable prise en compte de
l’écologie politique ou de certains mouvements altermondialistes, qui
ne peuvent plus être considérés par la gauche comme périphériques.

En tout cas, force est de constater qu’au pouvoir ou dans
l’opposition, avec la division et la concurrence, l’affaiblissement
d’un des partis de la gauche n’a pas assuré le renforcement des autres
ni le progrès de l’ensemble. Aucun parti de gauche ne se porte bien et
bon nombre de leurs électeurs et de leurs militants sont en plein
désarroi. Les rénovations en vase clos ne pourront pas lever ces
handicaps. C’est pourquoi nous plaidons pour le dépassement des partis
existants et la création d’une nouvelle organisation fédérant tous ces
courants de la gauche, à partir d’un congrès de l’unité de la gauche.

Cela nécessitera de nombreuses étapes. La première, pour actualiser
les valeurs de gauche et affirmer le projet de la gauche du XXIe
siècle. Une charte pour l’unité de la gauche pourrait en jeter les
bases. L’unité ne saurait se bâtir sur la base de l’uniformité. Il est
sans doute trop tôt pour définir les formes concrètes que pourrait
prendre cette nouvelle organisation, mais, ce qui est sûr, c’est
qu’elle devra assurer le respect des histoires et de la diversité des
cultures que seule la représentation proportionnelle peut garantir.

Toute l’histoire du mouvement socialiste et communiste montre qu’il
a fallu aux militants de cette cause accomplir tout un travail de
conviction pour surmonter les tendances à la dispersion. Ce fut le cas
en 1905, avec le congrès du Globe, où l’intelligence politique sut
triompher des guerres picrocholines entre partis, des désaccords
irréconciliables entre modérés et radicaux. On pourrait encore citer
l’unification des socialistes à Epinay en 1971.

En tout cas, la gauche et les socialistes ne se sont jamais sortis
des crises, n’ont jamais réussi leur renouveau sans une nouvelle
dynamique unitaire. Comme on le disait hier pour l’union, " l’unité est
un combat ". Avec d’autres, que nous espérons nombreux, nous y
prendrons toute notre part.

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