Renforcer le pouvoir des salariés est la grande question sociale d’aujourd’hui

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Le temps est venu de poser clairement la question du renforcement du pouvoir des salariés dans l’entreprise.

On parle en permanence de l’exemple allemand ou nord-européen, mais on oublie toujours d’indiquer que, si le dialogue social est plus riche et plus conclusif, c’est bien parce que les représentants des salariés ont de véritables pouvoirs.

Alors, des compromis deviennent indispensables.

Car, faut-il le rappeler, le patron n’est pas le seul garant de l’avenir et de l’intérêt de l’entreprise et les salariés font sa richesse, sa force et sont souvent les plus motivés pour défendre sa survie, sa localisation en France et son développement.

Les salariés sont parties prenantes de l’entreprise et doivent pouvoir agir sur sa gouvernance. Ils ne sont pas seulement une force de travail avec des tâches qu’on rémunère. Ils sont des acteurs essentiels et ils doivent être reconnus comme tels.

Il faut désormais consacrer cette réalité et donner  au monde du travail sa juste place dans notre société au sein du système économique. Ce devrait être la mission d’un gouvernement de Gauche et cela devient d’autant plus urgent que le patronat croit pouvoir imposer ses vues au motif de redresser l’économie et de soutenir les entreprises et l’emploi.

Mais s’il est vrai qu’il est important d’agir sans tarder pour muscler nos capacités productives, nos exportations et la reconquête du marché intérieur, cela ne saurait se faire sans les salariés et  moins encore contre eux.

L’offensive du patronat, exprimée dans sa déclaration la semaine dernière au JDD, est inadmissible et nous devons y répondre avec fermeté. Il faut une contre-offensive immédiate !

De simples déclarations ne suffisent pas. Qui plus est lorsque le gouvernement légitime les demandes patronales avec un report du compte pénibilité et  l’ouverture du dossier des seuils sociaux.

Cela n’a aucun sens lorsqu’on sait que la création du compte pénibilité avait été accepté par le patronat lors de la réforme des retraites, que cette mesure était présentée en compensation à l’allongement de la durée des cotisations et comme  la garantie que la réforme était juste. C’était d’ailleurs la justification de son acceptation par la CFDT.

Je n’ai jamais approuvé ce raisonnement et j’ai plaidé pour une autre réforme qui partait d’abord d’un autre financement et non d’un recul de l’âge de départ et du niveau des retraites. Mais maintenant, c’est le comble. Alors tant que n’est pas mis en place le compte pénibilité dans son intégralité, il convient – à minima-  de surseoir à l’allongement des durées de cotisation de retraites.

Quant au dossier des seuils sociaux, vieille lune du patronat, non seulement il est inacceptable d’accréditer la thèse que le respect du droit des salariés est un frein à l’emploi mais de surcroit il conviendra de rappeler aux zélateurs du modèle allemand que le seuil est à 5 salariés en Allemagne. Si on doit les changer, il faut baisser les seuils.

La conférence sociale va s’ouvrir mais dans un climat délétère. A ce jour, la CGT vient d’annoncer qu’elle n’y participera pas et l’ensemble des syndicats sont très mécontents.

Manifestement, Il n’y a pas grand-chose de positif à attendre de cette rencontre où le Medef se sent  en force.

En revanche, il devient impératif que la Gauche prenne des initiatives pour rééquilibrer la donne en direction du monde du travail. Nous devrions présenter une proposition de loi qui élargisse le pouvoir des salariés dans l’entreprise avec quelques éléments clefs comme :

–    l’accroissement du nombre de représentants des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises. Un tout petit pas a été franchi avec l’ANI mais bien en deçà de ce que  préconisait le rapport Gallois. On doit non seulement en accroître le nombre mais aussi en baisser le seuil !

–    Le droit de veto des CE ou obligation d’accord avec cette instance pour des sujets majeurs comme les licenciements, les plans d’investissements et de formation etc. Il s’agit d’adapter le  système dit de cogestion qui existe en Allemagne, mais sous d’autres formes ailleurs, à notre pays. D’ailleurs les salariés français qui travaillent dans des grands groupes européens voient bien les effets néfastes de cette dissymétrie dans les négociations sur des restructurations. Ainsi par exemple la direction d’Air-France-KLM va devoir obtenir l’accord des salariés de KLM tandis qu’elle va simplement consulter ses employés français.

–     Un droit de priorité accordé aux salariés lors d’une reprise ou d’une transmission d’entreprise

–    Les organisations de salariés doivent devenir majoritaires dans la gestion du 1% logement. Actuellement la parité y est illusoire car le patronat en est le principal gestionnaire. Le logement des salariés doit redevenir une priorité nationale. Là encore les syndicats doivent être entendus et pouvoir agir.

Au-delà, les salariés français sont parmi ceux qui se sentent les moins reconnus, respectés et valorisés dans leur entreprise. Le management est souvent  hiérarchique et insuffisamment attentif aux personnes et aux dynamiques collectives. Bien des talents sont gâchés, bien des erreurs sont commises.

Il est essentiel qu’une véritable négociation sociale s’engage sur la mutation culturelle de la direction des entreprises et des ressources humaines.

Des négociations doivent être aussi engagées sur la sous-traitance. D’une part, au regard de l’équivalence des droits sociaux entre entreprises donneuses d’ordre et sous-traitantes et d’autre part, pour combattre le recours aux travailleurs détachés et à la précarité et pour que les intégrations par filières ne rejettent pas sur les petites entreprises la plupart des charges, (par exemple les dépenses d’innovation, de recherche, de pré-industrialisation), tandis que les grosses capteraient l’essentiel de la richesse produite. On aurait pu espérer qu’un patronat éclairé ait conscience de ce pacte solidaire par filière afin de consolider dans la durée les bases productives du pays. C’est le cas dans d’autres pays. Ainsi, que le patronat balaie enfin devant sa porte et que les chefs d’entreprises des PME et PMI aient le courage de dénoncer des injustices ! En tout cas que la négociation s’ouvre et, s’il est impossible d’avancer vite sur cette voie nouvelle, que l’État agisse !

Il n’y aura pas de sortie de crise sans que nos concitoyens retrouvent confiance en eux, sans que les salariés de ce pays se sentent partie prenante du redressement, non en voyant reculer leurs conditions de vie et de travail mais par une implication renforcée et une mobilisation de tous les talents et savoir-faire.

Le premier capital de la France est son capital humain. Et, depuis quelques temps, nous le gâchons !

travailleurs-de-la-construction

 

 

 

 

 

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